Ça y est ! Après être monté à son zénith, le soleil de l’été couchant a entamé sa folle digression et les jours… raccourcissent alors que la nuit gagne toujours plus de terrain. Et ses ombres malfaisantes, avec. Restez cachés dans les buissons, sans un bruit, retenez votre respiration et peut-être assisterez-vous sans danger aux cérémonials orchestrés par Laurent Lefeuvre avec la béné… la malédiction de Claude Seignolle et par Pascal Moguérou.
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Comme une odeur de diable pour rassembler la surpuissance de deux maîtres

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En ouvrant, tel un grimoire, le dernier album de cet orfèvre de l’obscurité qu’est Laurent Lefeuvre, j’aurais juré remonter le temps pour me retrouver il y a quelques années. Quand, à la poursuite d’émois littéraires, je dégotais quelques livres aux couvertures reconnaissables entre toutes des Éditions Marabout. Il y avait là du Jean Ray, beaucoup, mais Claude Seignolle n’était pas en reste. Et ça valait aussi son pesant de cacahuètes… et de chocottes.

Alors quand l’un des auteurs de BD les plus sensationnels de sa génération se propose d’adapter le formidable passeur de légendes noires, on n’hésite pas, on fonce. Bon, ce n’est pas pour autant gagner, encore faut-il arriver sain et sauf, éviter les ronces, les souches et autres toiles d’araignées, pour atteindre cette clairière pas forcément réconfortante où plane comme une odeur de diable.

C’est le titre donné à ce recueil (le premier et pas le dernier, on l’espère d’emblée) qui compile ainsi cinq courts récits de Seignolle : Celui qui avait toujours froid, Comme une odeur de loup, L’homme qui savait d’avance, Un bel ensorcelé et Deux dents, pas plus… Tout un univers où rien n’est certain, et la mort encore moins, qui nous tend les branches et les bras décharnés, mais aussi l’encre noire comme jamais pour mieux s’insinuer dans nos veines. Car oui, « le diable existe ». Et il se pourrait bien qu’il soit Laurent Lefeuvre en personne. Tellement que chaque trait transpire tout l’amour nourri pour l’oeuvre de ce « fantastiqueur » de grands chemins à l’écoute de son pays, de ses campagnes et de ses mythes plus ou moins fondateurs. Glaçants, c’est certain.

Dans Comme une odeur de diable, Lefeuvre n’a pas son pareil pour faire s’unir les mots afin qu’ils forment des monstres, des visages traumatisés, des vies hantées par les soubresauts du Malin. De ce menuisier qui devinait quand la mort frapperait à ce drôle de vagabond dont il vaut mieux ne rien voir du visage. Lefeuvre croque les monstres sur le vif, de chair et de pustules, de noir et de blanc, comme s’il avait eu les chances de les voir prendre la pose dans son atelier. Il y a de la peur mais aussi de l’élégance, l’influence du regretté Bernie Wrightson, aussi. Mais attention, les monstres ne sont pas toujours ceux qu’on croit !

Parfois, on se dit qu’à la vue d’une adaptation, tel ou tel auteur doit se retourner dans sa tombe. Ici, à mesure que Laurent Lefeuvre donne poids et appui à la prose du conteur, je suis plutôt convaincu que c’est un Claude Seignolle (toujours bien vivant et centenaire bon pied bon oeil) galvanisé et requinqué pour les siècles des siècles qui s’est enfui de la chaumière où il coule des jours paisibles pour fêter jusqu’au bout de la nuit et de l’indicible, l’événement. C’est vrai quoi, on n’a pas tous les jours cent ans. Et avec l’art et la manière, encore moins. Puissant !
Titre : Comme une odeur de diable
Sous-titre : Contes de Claude Seignolle
D’après les contes de Claude Seignolle
Scénario et dessin : Laurent Lefeuvre
Noir et blanc
Genre : Fantastique, Horreur
Éditeur : Mosquito
Nbre de pages : 64
Prix : 14€
Date de sortie : le 07/07/2017
Extraits :
Sombres féeries… et sombreurs féeriques

Dans un autre genre et en ajoutant des couleurs, peut-être qu’un peu plus loin dans cette forêt où nulle âme n’erre de son plein gré, vous verrez se matérialiser l’univers un peu plus fantaisiste de Pascal Moguérou. Breton (comme Laurent Lefeuvre avec qui il a débuté, il y a 20 ans, chez et fier de l’être, à Brocéliande ou à Paimpol, ce dessinateur du petit peuple avait déjà une longueur d’avance.

À force d’ouvrages dédiés aux êtres bien- et malfaisants de ses contrées, Pascal s’est forgé une solide réputation qui a dépassé le monde des mortels pour s’asseoir aux pays des êtres magiques. D’ailleurs pour se balader aux abords de leurs antres, mieux vaut le faire dans les pas de Pascal, sans quoi ce sera à vos risques et périls. Même si les fées ont l’air charmantes de loin et que vous êtes amateurs de sensations fortes. Ce monde-là n’est pas sympa, il est cruel et sans pitié !
Dans Sombres féeries, on oublie toute la fiction (quelle fiction ?) qui revêt ces histoires plus ou moins courtes racontées par Moguérou pour se tenir en embuscade aux côtés de ce documentaliste de l’irréel. On se tient là en observateur de grands fauves imaginaires, à apprendre à ne pas sous-estimer des créatures qui peuvent être mignonnes au premier abord et ne faire qu’une bouchée de vous à l’instant suivant. Les illustrations de Pascal Moguérou sont somptueuses et finissent de nous mettre dans l’ambiance de ses textes qui prennent leur temps, toujours terriblement bien ficelés.

Titre : Sombres féeries
Récits illustrés
Textes, dessins et couleurs : Pascal Moguérou (Page Fb)
Genre : Fantastique, Contes, Horreur
Éditeur : Le Lombard
Nbre de pages : 96
Prix : 29,95 €
Date de sortie : le 05/05/2017
Extraits :