Si vous n’êtes pas Juillettiste, vous êtes peut-être Aoûtien ! Et à l’heure où vous préparez vos valises, dans le casse-tête des bonnes lectures à prendre ou à laisser (on en prend toujours de trop de toute façon), on a toujours quelque chose à vous proposer, de derrière les fagots. Quelque chose qui vous donne à voir des beaux panoramas et horizons de bande dessinée. Un voyage dans (ou après) le voyage, en quelque sorte. Pandora, la nouvelle revue de Casterman lancée par Benoit Mouchart, qui vient de sortir son troisième numéro, c’est tout ça et bien plus, à la fois.
Corto Maltese en couverture, on ne fait pas vraiment mieux pour insuffler le vent de l’aventure littéraire et bédéphile. C’est ainsi que s’ouvre ce troisième opus de la revue/mook proposant plus de 250 pages de lecture allant voir de tous les côtés. Après, peut-être choisirez-vous la couverture un brin morbide du cultissime Jean-Christophe Menu qui n’a toujours pas mis la main sur sa satanée valise. Car oui, Pandora se veut duel, cette fois, en s’offrant le luxe de deux couvertures. Après, vous commencer par où vous le souhaitez !

Car si Pandora peut être vu, par certains côtés et notamment la volonté de s’adresser à un lectorat adulte, comme un héritier d'(À suivre), légendaire mensuel qui ravit les lecteurs de BD durant vingt ans avant de disparaître en 1997; il possède un avantage indéniable par rapport à d’autres Spirou ou Lanfeust Mag et autres : Pandora est constitué uniquement d’histoires plus ou moins courtes et complètes. Et l’intérêt de lire ça en vacances ? S’offrir une pause sans en perdre une miette peut-être. Par les longues journées de vacances, c’est vrai, on a parfois le temps de se lancer dans une lecture au long cours.


Mais, pour d’autres, c’est juste l’inverse, ces journées bénies sont tellement remplies qu’au bout de la course, on arrive sans courage de commencer un roman, une BD, un chapitre… sous peine de s’endormir dessus et de recommencer depuis le début, le lendemain venu. Si Pandora sait se dévorer, elle sait aussi se savourer petit à petit, de dix minutes en dix minutes, réduisant le risque que le sommeil vienne rompre l’intrigue. Sans qu’un à suivre sempiternel vienne s’y glisser. Puis, avec Pandora, un numéro se suffit à lui-même, sans besoin donc de s’engager pour les 6 ou 7 numéros à venir, juste à profiter du numéro actuel et à le lire de fond en comble. Mais peut-être, c’est vrai, vous redemanderez de ce bisannuel prometteur et audacieux contenant des histoires inédites de pointures qui ne risquent pas forcément de voir le jour en album.


© Julien Neel chez Casterman
Audacieux car comme sa dernière couverture, il est yin et yang, cadré mais aussi impulsif, noir et blanc ou éclatant de couleurs, bavard ou muet (dans les mots s’entend, car du point de vue du crayon…), expressionniste ou impressionniste aussi, réaliste ou purement poétique. Incatalogable ? Certainement. C’est ainsi que Pandora se laisse entraîner dans le libre cours de l’imagination des auteurs invités, des stars mais aussi des jeunes pousses qui ont carte blanche. Le mélange est cocasse, inattendu, farfelu, chaleureux, mouvementé, indécis aussi. Car qui sait ce qui nous attend à la prochaine page ? Pandora porte diablement son nom, porteuse des malheurs du monde, parfois, mais souvent des bonheurs du monde créatif, sans filet. Néanmoins, plus souvent du côté de l’abstrait, de l’auteurisme et de l’indé que du grand public. Ce qui en fait un patrimoine à hauteur de bédéphile plus ou moins pointu mais aussi de lecteurs plus ou moins éloignés de la BD, habituellement. Le public visé est varié et hétéroclite.


Et, après un premier numéro qui mettait le paquet en matière de stars, Pandora trouve son équilibre dans les mains expertes de près de quarante artistes qui, tous, ont des choses à dire ou du moins à exprimer, à faire ressentir. Du caca de Killoffer (l’un des plus réguliers de la revue) aux histoires de cul-bes de Florence Dupré la Tour, en passant par le Corto Maltese taquin mais en danger de Canales et Pellejero et le cynisme d »Hugues Micol qui joue de ce bon vieux procédé de l’arroseur arrosé (ou pas d’ailleurs). Puis, comment ne pas évoquer l’héroïne sans parole d’un Julien Neel en pleine expérimentation (et on redemande), l’érudition de David B. et Giorgio Albertini, la cartographie énigmatique et exaltante de Xavier Mussat, le cauchemar félin de Kensausage ou l’intrusion parfaite dans les Mille et une nuits par Géraldine Bindi et Yannick Corboz.

Et on en passe tellement. Il y a tellement à dire, tellement de profondeur, tellement de mirages, tellement, tellement et tellement encore… Si bien qu’on n’est pas loin de penser, à Branchés Culture, qu’à force de numéros et de short-stories, Pandora devrait faire autorité et référence. Une réelle anthologie d’un Neuvième Art qui n’a certainement jamais été aussi florissant et foisonnant. Et peut-être sa meilleure défenderesse.

Revue : Pandora
Bisannuel
Numéro : 3
Auteurs : Juan Diaz Canales, Ruben Pellejero, Hugo Piette, Max de Radiguès, Gilles Dal, Johan De Moor, Fabio Viscogliosi, Baptiste Gaubert, Géraldine Bindi, Yannick Corboz, Paul Martin, Tonci Zonjic, Anthony Pastor, Kensausage, Giorgio Albertini, Art Spiegelman, Florence Dupré la Tour, Alfred, Dave Cooper, Aapo Rapi, Michel Pirus, Philippe Dupuy, Jean-Claude Götting, Jean-Luc Coatalem, Jacques de Loustal, Miguelanxo Prado, Julien Neel, Nicolas Moog, Killoffer, Jean-Christophe Menu, Matthias Lehmann, Tom Tirabosco, Wisut Ponnimit, Daniel Casanave, Hugues Micol, Xavier Mussat, Vittorio Giardino, David B. …
Genre : Nouvelles graphiques
Éditeur : Casterman
Nbre de pages : 264
Prix : 18€
Date de sortie : le 21/06/2017
Extraits :
Et, tant qu’à faire, petit retour sur ce qu’il s’est passé dans les deux premiers numéros:
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