Avez-vous entendu parler de KulturA. ? Oui, KulturA., avec un point. Mais rassurez-vous, pas un point final. Non, un point comme ceux qui annoncent les grandes aventures. Protéiforme, l’ancien emplacement du Cirque Divers a été rebranché par la coopérative immobilière Dynamo Coop pour en faire un lieu culturel par excellence où se croisent les créatifs de tous les horizons, sans limite mais avec la furieuse envie de se battre pour un projet commun évitant d’être à la merci du système et prônant une culture qui se partage, de génération en génération. Aperçu ce week-end pour un événement original, le Scriptorium. Interview avec l’administratrice Caroline Prévinaire.
Bonjour Mélanie, et si vous nous parliez de KulturA. ? Kézaco ?
KulturA. c’est un lieu qui vient d’ouvrir au cœur de la rue Roture à Liège dans les bâtiments de l’ancien Cirque Divers / Tipi / Live Club… Un lieu emblématique de la vie nocturne liégeoise. Beaucoup connaissent les deux salles de concerts, mais KulturA, c’est aussi une snack végan, une salle d’expo, des bureaux, un plateau de création pour le théâtre et la danse et un sleeping artistes.
Tout ça est rendu possible grâce à la coopérative immobilière Dynamo Coop qui a racheté le bâtiment. En gros, c’est un lieu par et pour les usagers qui cherchent à inventer des nouvelles manières de faire et de vivre la culture.

Depuis combien de temps, cette structure se met-elle en place ? Combien êtes-vous à la porter ?
Au sein de Dynamo, je pense qu’on a dépassé la barre des 400 coopérateurs… Et ce n’est pas fini, puisque la coopérative reste ouverte à tous! Au sein de KulturA., nous sommes plus de 40 artistes, collectifs ou simplement enthousiastes de la culture, émanant de la coopérative, à s’être réunis autour d’une table pour imaginer ce projet ensemble.
Quelle est la genèse de KulturA. ? Projet d’amis ou d’artistes qui se sont retrouvés autour de cette initiative ?
DynamoCoop est donc une société coopérative immobilière, fondée par plusieurs acteurs de la vie culturelle et artistique liégeoise et dont la démarche est simple : Dynamo achète des bâtiments et les rénove pour répondre aux besoins infrastructurels des acteurs culturels liégeois.

Alors, à quel besoin la potentielle reprise du Live Club pouvait bien répondre? Pas faire la fête et se bourrer la gueule, je vous rassure… Il faut s’imaginer que le monde de la culture est divisé en deux. D’un côté, vous avez les artistes (créateurs, organisateurs, photographes, labels, compagnies de théâtre, musiciens, etc.) : c’est-à-dire des acteurs qui cherchent à diffuser leur travail en espérant gagner leur vie au passage, de l’autre, les propriétaires de salles (concert, expo, résidence, etc.) qui doivent remplir les caisses, payer les factures et tenter de dégager des bénéfices. Il n’y a pas de pont entre les deux, la frontière est nette. Les artistes sont excessivement dépendants des propriétaires de salle et, on peut le dire, un peu à leur merci.
L’objectif est donc clair : que les créateurs culturels deviennent propriétaires d’un lieu où diffuser leur travail pour sortir d’un schéma qui ralentit la création, appauvrit le secteur et ralentit l’émergence de nouveaux créateurs et d’activités pérennes.
L’endroit où vous vous êtes installés a un passé « prestigieux », non ? Ça s’en ressent ? L’endroit idéal pour implanter KulturA. ?
C’est un lieu chargé d’histoire et d’émergence! L’endroit avait un peu perdu de sa superbe, ces dernières années, et il était à vendre pour en faire… des appartements. C’était donc presque une mission de sauvetage! Au début, l’équipe de Dynamo s’attendait à visiter une salle de concert. Et puis, ils se sont perdus dans un labyrinthe… On pouvait y faire beaucoup plus que des concerts… En fait, c’est le bâtiment qui a presque dicté le projet. Du sur mesure, véritablement. On a rêvé dans chacun de ses recoins et, maintenant, on essaie d’en faire une réalité.

La culture est un parent pauvre, c’est connu, avez-vous été aidé dans votre aventure ?
DynamoCoop a reçu différents prix et soutiens pour son initiative citoyenne. Pour ce qui est de KulturA., pour l’instant, nous fonctionnons de manière indépendante, mais nous espérons trouver bientôt des partenaires forts qui nous aideront dans notre projet.
Concrètement, qu’a mis en place cette structure ? Le public a répondu présent ? Les artistes aussi ? Déjà des temps forts ?
On est ouvert depuis le 20 janvier. Ce weekend nous fêterons notre deuxième mois d’ouverture et, aussi, la clôture de nos fêtes d’ouverture. La programmation était assurée par l’ensemble des collectifs membres de l’ASBL. On a déjà la tête pleine de souvenirs… Le public était là et les artistes aussi… Ça ne présage que des bonnes choses pour la suite !

Quel petit bilan tirez-vous deux mois après l’ouverture ?
Qu’on n’est sur la bonne voie même si tout reste à vivre et à inventer. Et même si on se brûle un peu les doigts de temps en temps, on est maintenant certains que le jeu en vaut bien la chandelle.
Vous parlez d’un outil innovant, en quoi ?
KulturA. est un lieu de rencontre et de synergie intersectorielle qui permet l’expérimentation de nouveaux modèles économiques, infrastructurels et fonctionnels. Un incubateur culturel ! Un lieu pour chercher d’autres manières de vivre, de faire, de s’impliquer et de s’approprier la culture.
Pour résumer cette aventure, ce sont des acteurs culturels et des spectateurs qui décident de prendre le destin de leur culture en main. Ils se fédèrent autour d’un projet ambitieux pour répondre à leurs besoins en se donnant les moyens d’expérimenter de nouveaux modèles culturels et économiques de qualité. On fait tout pour que KulturA. devienne un outil culturel toujours mouvant, s’adaptant en permanence aux réalités de terrain et qui se transmettra de génération d’usagers, en génération d’usagers.

« Par et pour les usagers », c’est-à-dire ?
L’usager, c’est toute personne qui partage un bout de chemin avec le lieu et qui souhaite s’impliquer dans sa gestion participative et collective.
Nous voulons créer un outil pour la culture en générale qui doit se transmettre de génération d’usagers en génération d’usagers et qui évoluera en contact avec les réalités et les besoins de terrain.
Recherchez-vous des projets déterminés ou chacun est-il libre de vous en proposer ?
Nous recherchons des artistes, des collectifs et des enthousiastes de la culture désireux de s’investir et de créer ensemble ! C’est la vie collective, les espaces et les mécaniques de mutualisation qui régissent le reste…

Liège et, plus largement, la Belgique manquaient d’un tel endroit ?
On parle de KulturA. aujourd’hui, mais il existe, à Liège, de plus en plus d’infrastructures mutualisées pour les créateurs. Le Comptoir des Ressources Créatives en est un exemple. La Halte aussi. Et mon petit doigt me dit que ces initiatives plantent des graines en Wallonie. Encore une fois, il est temps que les acteurs culturels prennent leur destin et celui de la culture en main. L’emploi artistique est l’enfant pauvre du parent pauvre. À nous d’être pro-actif pour changer les tendances.
Ce week-end aura lieu le Scriptorium ? Vous nous expliquez ?
Pour clôturer ces fêtes d’ouverture, on propose un week-end transdisciplinaire autour des mots ces 18 et 19 mars : le Scriptorium. Au milieu des nombreux concerts, c’est le début de travail transdisciplinaire que le lieu permet.
On va, entre autre, enfermer six auteurs pendant 24h dans le bâtiment. Ils écriront en live sur internet, puis, le dimanche midi, six artistes associés vont percer leur bulle et récupérer un de leur texte. Les artistes associés auront trois heures pour créer une installation, une performance, ce qu’ils veulent! Le parcours sera accessible au public dimanche de 17h30 à 19h30.
On propose aussi un sprint d’écriture ouvert à tous! Deux heures pour écrire un texte qui sera lu, anonymement ou non, par des comédiens professionnels et plein d’autres choses!
Phénomène des temps modernes, le direct live sur les réseaux sociaux, vous l’utiliserez avec six artistes pendant 24 heures. Comment cela va-t-il se passer ?
Les auteurs entreront dans le bâtiment à 17H30 samedi et ils n’en ressortiront que 24h plus tard… Ils écriront dans des documents partagés accessibles au public. Vous pourrez accompagner leur écriture et commenter leur travail en direct…
Et si ce n’est pas assez, vous pourrez les voir en live vidéo sur la page du Scriptorium, découvrir leurs passages au confessionnal… et on leur réserve quelques surprises aussi… mais chuuut…
Qui seront ces six artistes ? Comment les avez-vous choisi ? Quel sera l’enjeu pour eux ?
Nous avons fait appel au réseau des artistes mutualisés, nous avons eu pas mal de succès et nous avons décidé de limiter le nombre de participants à six. Parmi ceux-ci nous retrouvons :
- Katia Lanero Zamora : elle a écrit les textes de deux albums jeunesse parus aux éditions Lazubelle : Albigondine est une fée (2010) et Günther le menteur ! (2011). En 2012, elle s’est lancée dans le roman jeune adulte avec la trilogie des Chronique des Hémisphères.
- Michaël Lambert : écrit du théâtre, de la poésie, des nouvelles, des scénarios de courts-métrages, de bandes-dessinées et des romans. Il a travaillé dans la production de théâtre jeune public et animé des ateliers d’écriture pour l’ASBL ImaginAction. Depuis 2009, il s’implique dans des performances poétiques et à des scènes de slam.
- Damien Snyers : il a commencé à écrire il y a plus de 10 ans maintenant, avec de la poésie, puis des nouvelles, avant de s’attaquer aux romans. Son premier roman, « La stratégie des as » est sorti il y a un an.
- Catherine Barsics : Docteur en psychologie, à coté de ses recherches scientifiques, Catherine Barsics se livre à l’écriture. Ses poèmes et proses ont récemment été publiés dans des revues belges et françaises. Elle a co-écrit plusieurs titres pour le trio Oaktree sur les albums A Dos d’Ames (2012) et Well (2014)
- Sébastian Marchese : il a passé une partie de son enfance en Uruguay avant de vivre en Belgique, Il a suivi des études de bureautique avant de se tourner vers le milieu de la petite enfance. C’est en 2015 que parait son premier tome de la série des Chroniques de l’Avatar du Chaos
- Doris Facciolo : Comptable de formation, Doris donne son avis au sujet de toutes ses lectures sur son blog « La Magie des Mots ». Y figurent également un premier jet de roman fantasy et quelques nouvelles.
Une façon de passer le virus au spectateur ? Les enfants ne sont d’ailleurs pas oubliés ?
Oui, le Scriptorium s’adresse aussi aux enfants puisque nous proposons un atelier-conférence le dimanche de 10h30 à 12h30 en collaboration avec Livre aux Trésors, PhiloCité et D’Une Certaine Gaieté destinés aux enfants à partir de sept ans et aux adultes. Dans l’après-midi, nous proposons aussi des activités autour du Bar’arbre du KulturA. avec des jeux géants en bois, des fresques pour que parents et enfants puissent raconter leurs histoires et bien d’autres ! 17h30 sonne la fin du marathon d’écriture et petits et grands pourront acclamer nos écrivains-sportifs mais surtout découvrir les installations réalisées par les artistes.
À long terme, que rêvez-vous pour KulturA. ?
De voir défiler des générations d’usagers prêts à tout réinventer, partout, tout le temps.
Quelque chose à ajouter ?
KulturA. n’attend que vous pour exister…
Merci beaucoup et longue vie au KulturA. que nos lecteurs pourront donc découvrir et suivre sur votre site officiel mais aussi ce week-end au 13 rue Roture à Liège pour Le Scriptorium dont voici le programme :