Détour par la Philharmonie de Paris avec Nan Goldin & The Tiger Lillies bien plus loin que la musique

Mercredi 7 janvier. Il est temps d’assister à un concert pour bien débuter 2017. Et si on débutait à la Philharmonie de Paris? The Tiger Lillies, groupe anglais punk brechtien, est de passage à Paris pour trois dates avec le projet « The balad of sexual dependency » de la photographe Nan Goldin. Votre serviteur est à Paris à la même date, ça ne peut être qu’un signe!

_dsc1465La soirée débute par un concert de Martyn Jacques,  membre fondateur du groupe, entouré d’Adrian Stout et de Jonas Golland. Avec ce trio haut en couleurs, on vogue entre le music-hall et le punk, les visages grimés comme pour une soirée d’Halloween en Irlande, le tout servi par des instruments plus ou moins conventionnels: la batterie, la guitare, le piano et le piano à bretelles côtoient la scie musicale, la thérémine ou encore un manche de ukulele (!?). Croisement subtil entre Tom Waits et les  Pogues avec un zeste de Marlène Dietrich, The Tiger Lillies étonne, détonne, dans une salle et devant un public plus habitués aux concerts classiques ou conventionnels.

On est pourtant bien au-delà du simple set qu’on pourrait voir dans n’importe quel pub londonien. Une réelle poésie, sombre certes, se dégage des chansons de Martyn Jacques, appuyées par des mélodies portées par le piano ou l’accordéon du même Martyn à la voix souvent aiguë mais grave lorsque le texte le nécessite.

Après une courte pose, le trio enchaine avec la seconde partie, consacrée à la « ballad of sexual dependency » de Nan Goldin. 45 minutes durant, le temps d’un morceau (!), défilent sur grand écran la série de photos de Nan Goldin, environ 700 images du New York underground des années 70-80. Pour des raisons de droit à l’image, aucune photo ne pouvait être prise durant la projection des images de Nan Goldin mais les amateurs pourront aisément en trouver via leur moteur de recherche favori ou en achetant l’ouvrage publié aux Éditions de La Martinière.

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La conjonction entre l’univers de Nan Goldin et celui de Tiger Lillies, plus que jamais porté par Martyn Jacques qui alterne piano et accordéon, offre un spectacle époustouflant, l’un renforçant l’autre. Ici, le groupe s’efface visuellement pour laisser les photos occuper tout l’espace, les maquillages sont toujours là mais le groupe théâtralise moins sa présence sur scène pour laisser l’œil se concentrer sur les personnages suivis plusieurs années durant par Nan Goldin. On les suit sans complaisance, au plus profond de leur intimité, de leur moment de tristesse comme de joie, où le glauque côtoie le beau, sans complaisance ni censure. Andy Warhol traverse subrepticement devant l’appareil de Nan mais c’est l’inconnu qu’elle guette, qu’elle immortalise et avec lui, elle, eux, une époque hors norme, de libération sexuelle et d’expérimentation de substances diverses.

61vvycppzql-_ss500Mais si les photographies de Nan Goldin occupent l’écran et mobilisent le regard des spectateurs, The Tiger Lillies n’en relèvent pas moins une prouesse avec un morceau envoûtant, unique, pour ces 45 minutes de projection. Un morceau éponyme, sorti en cd en 2011, suite à la première collaboration avec Nan Goldin sur cette balade de la dépendance sexuelle: c’était en Arles en 2009.

Le cd est difficile à trouver aujourd’hui mais heureusement, maigre consolation, les plateformes d’écoute en ligne permettent de pallier ce manque.

Pour prolonger l’univers des Tiger Lillies, sachez que leur prochain disque Cold Night In  Soho sort fin du mois. Un album sombre qui nous emmène dans le quartier de Soho du début des années 80 avec des titres  hypnotiques comme la chanson-titre, 10 minutes langoureuses où Martyn – voix et piano – est sobrement accompagné par la scie musicale d’Adrian.51a4goj321l

Un disque que vous n’entendrez pas ou peu en radio, que les pages des médias grand public évoqueront peu, d’un groupe qui ne sera certainement pas invité chez Arthur ou Drucker. Mais n’est-ce pas là des raisons suffisantes que pour l’écouter?

Compte-rendu et photos du concert: B. Demazy

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