Rogue One, par-ci, Star Wars par-là, etc. etc. Vous en avez souper des blockbusters de l’espace qui surfent sur le succès d’une franchise qu’on croyait terminée pour de bon? Pas de panique à bord de l’Enterprise ou de l’étoile noire… ou plutôt si, parce qu’Infinity 8, la série en mutation et ambitieuse de Rue de Sèvres (en partenariat avec l’inestimable Comix Buro), entend bien tout détruire sur son passage. Et parmi les artisans de ce comics à la française mais intergalactiques, on retrouve la crème de la crème: Lewis Trondheim, Zep, Dominique Bertail, Olivier Vatine… en attendant d’autres cosmonautes qui n’ont peur de rien.

C’est un des événements de ces derniers mois. Sans doute, ne convient-il pas de parler de surprise de la rentrée littéraire, tant la surprise a été échelonnée jusqu’ici et tant on est loin d’être au bout de celle-ci. Peut-être même, n’était-ce qu’un avant-goût? Tonitruant, en tout cas! Et cela a commencé dès le mois d’octobre sous la forme d’un premier comic book comme il en paraît tant, par mois, chez Marvel, DC Comics et les autres Amerloques. Sous une couverture qui ne jurait pas dans tout ce petit monde en épisodes, se cachait en fait un projet éditorial couillu et d’envergure: mettre des auteurs de premier plan (ayant ou n’ayant pas touché un jour à la sf) dans le bain d’une science-fiction qui soit totalement barrée tout en respectant les quotas du genre… mais en se permettant tout… ou quasiment et en se permettant quelques piques envers notre société sur mauvaise orbite.

Ainsi, cinq comics (sur six, le dernier paraîtra le 4 janvier) donnent une bonne idée de l’ambiance générale de cette aventure spatiale et des enjeux qui sous-tendront les huit tomes à paraître dès 2017. Infinity 8, c’est le nom de ce gigantesque vaisseau bien équipé (à moins que…) qui fiat route ers la Galaxie d’Andromède. La raison de ce voyage est encore bien obscure, mais une chose est sûre, beaucoup de monde ont pris part à la croisière (ou est-ce une croisade?) de ce qui ressemble en fait à une Arche de Noé (si ce n’est que le récit qui arrive ne sera pas toujours très… catholiques) d’un autre temps avec ces 880 000 passagers, comprenant 257 races, 1583 humains et des créatures mutantes et extra-terrestres plus étonnantes les unes que les autres. À côté, les Gardiens de la Galaxie, c’est de la gnognotte!

Et dans l’ébullition de ce voyage qui dure trop longtemps, les premières tensions et les premiers obstacles ne se font pas attendre. Et qui appelle-t-on à la rescousse? Des héroïnes surentraînées, bien moins farouches que les Yoko Tsuno et Laureline, bien à même de gérer la situation. Toutes les situations? L’avenir nous le dira car elles ne sont pas infaillibles. L’avenir et les boucles de répétition car le capitaine de l’Infinity 8 est de la race Tonne Shär ce qui lui confère la capacité « d’explorer une trame temporelle durant huit heures et, à cette échéance de revenir en arrière ou de poursuivre la trame en cours. [Il peut] faire cela jusqu’à huit fois de suite« . Vous l’aurez compris, là est l' »octoconcept » de la série qui se révélera en huit épisodes indépendants.

Ainsi dans Romance et Macchabées (le premier tome à paraître en 2017, regroupant les trois premiers comics « Le space opera pulp et pop avec des bagarres », « Des nécrophages comme s’il en pleuvait » et « Suspens en apesanteur »), c’est l’Agent Yoko… Keren qui va hériter d’une mission périlleuse: explorer le dépotoir dans lequel l’Infinity 8 vient de s’embourber. « Faire les poubelles » en quelque sorte, alors qu’elle n’aspirait qu’à être tranquille dans sa recherche du « meilleur patrimoine génétique pour le combiner au sien », pour s’accoupler quoi! Mais quand il faut y aller, il faut y aller. Et il n’est pas dit que les Kornaliens, ces nécrophages en pleine mutinerie, la laisseront sortir de cette décharge. Ou alors, par… petits bouts. Et si dans cette périlleuse mission, Yoko trouvait l’amour, irrémédiable, intense mais… à sens unique?

Dans « Retour vers le Führer » (tome 2 compilant « Reboot: et si on réveillait Hitler », « Hitler va-t-il passer du côté obscur » et « Affrontement final »), c’est une héroïne tout aussi sexy que nous retrouvons: l’agent Moonkicker, Inspecteur Harry au féminin sur les bords et complètement addict aux selfies et aux stats de ces différents réseaux (as)sociaux. Revenue d’un blâme, c’est « tout en douceur » et sous la surveillance d’un robot, que Moonkicker reprend du service dans une modeste conférence sur le… « Nasizme, un art de vivre« . Les moeurs ont changé et, comme au FN, ont « dédiabolisé » l’idéologie qui a fait couler tant de sang. Au diable le bon goût, les nazillons sont désormais bien sympathiques lorsqu’il s’agit de donner des conseils beauté et minceur et de vendre quelques gadgets couronnés de croix gammées. Ah qu’elle est jolie la fraternité revenue. C‘était sans compter un v4 mythique qui surgit du nulle part cosmique et croise l’Infinity 8. À son bord, la tête bien conservée d’un certain Adolf. Une découverte qui va tout changer de l' »harmonie » qui régnait à bord.

Vous l’aurez compris, sous la direction scénaristique de Lewis Trondheim et celle artistique d’Olivier Vatine, Infinity 8 se laisse dériver dans l’infiniment co(s)mique sur la vague de ce qui se faisait il y a quelques décennies (on a même pensé à l’univers de Serge Clerc dont, par hasard éditorial, on vient de finir l’intégrale Science-Fiction) sans pour autant se faire phagocyter par les références. Infinity 8 se permet tout et le fait bien. On nage en plein délire mais on est toujours surpris par l’inventivité débordante des auteurs. On s’amuse à essayer de déceler ce que Zep a bien pu amener si loin de ses univers de prédilection, tout comme Dominique Bertail qui signe une entrée en matière intersidérale assez bluffante. Plus habitué à ce genre d’univers, Olivier Vatine est comme un poisson dans le cosmos et brille à ressusciter en toute monstruosité Adolf H.

Bref, Infinity 8, gros délire collectif qui fonctionne à plein tube, c’est l’une des aventures éditoriales les plus excitantes de cette fin 2016… et de ce début 2017, avec une once de frénésie collector. Car des comics en tant que tels (32 pages à 3,50€/pièce), il n’y en aura pas pour tout le monde et les bonus (making-of, carnet de bord, présentation des personnages, jeux politiquement incorrects sans oublier les « variant covers ») valent leur pesant d’attraction. D’autant plus qu’il n’y aura de prépublication dans ce format que pour les deux premiers volumes! Les autres histoires paraîtront donc directement en livre. Et, en plus des auteurs présents ici, il y aura de sacrées surprises avec Olivier Balez, Boulet, Lorenzo de Felici, Franck Biancarelli, Fabien Vehlmann, Emmanuel Guibert, Davy Mourier, Kris, Martin Trystram, Killoffer…

Ah oui, Infinity 8 a une Page Facebook avec des bonus et de quoi prendre son mal en patience en attendant que tout ce beau monde balance la purée.
Série: Infinity 8
Comics
Tome: 1 – Romance et macchabées
Numéros: 3
Scénario: Zep et Lewis Trondheim
Dessin et couleurs: Dominique Bertail
Genre: Science-fiction, Space opera
Éditeur: Rue de Sèvres/ Comix Buro
Nbre de pages: 36 pages par comic book / 88
Prix: 3,50€/Comic Book, 17€/Volume
Date de sortie: Dès octobre 2016 pour les comics, 25/01/2017 pour le volume
Extraits:
Série: Infinity 8
Comics
Tome: 2 – Retour vers le Führer
Numéros: 3
Scénario: Olivier Vatine et Lewis Trondheim
Dessin: Olivier Vatine
Couleurs: Olivier Vatine avec Isabelle Rabarot, Juliette Godin et Arthur Vatine
Genre: Science-fiction, Space opera
Éditeur: Rue de Sèvres/ Comix Buro
Nbre de pages: 36 pages par comic book / 86
Prix: 3,50€/Comic Book, 17€/Volume
Date de sortie: Dès octobre 2016 pour les comics (n°3 à paraître le 4 janvier), 25/01/2017 pour le volume
Extraits:
Rien à dire d’autre que génial!
Très bon début pour cette série. Hâte de lire la suite.