À l’heure où le rythme de publication des albums semble faire de la concurrence aux meilleurs TGV (deux albums en un peu plus d’un an pour Kendji, les Fréro Delavéga et les autres) et au détriment de la qualité, on savoure d’autant plus les artistes qui savent prendre leur temps, quitte à lâcher l’un ou l’autre morceau au fur et à mesure. Bon, c’est vrai, prendre son temps, c’est bien, mais pas trop non plus. Et voilà que tel un Francis Cabrel de la musique électronique, après six ans à teaser, mine de rien, tout son art et son univers, Kid Noize a enfin délivré sa première galette, Dream Culture. Ce ne sont pas des singeries et, dans sa jungle sonore, le macaque est en excellente compagnie.
Halloween est passé, mais pas assez que pour ne plus parler de masque. Son masque, l’ancien Joshua, Kid Noize le trimbale depuis un bout de temps. Aux prémices, il y avait même un duo, dont Brooklyn nous rappelle le souvenir déjà bien punchy. C’est du passé, n’en parlons, plus est resté un homme au visage de singe qui, plus que jamais, sort du bois et de sa jungle.
Kid Noize, jusqu’ici, on le voyait de loin, au rythme des apparitions radiophoniques seul ou accompagné (Mademoiselle Luna, Mustii qu’il a largement contribué à faire remarquer et acclamer), des clips solaires, d’une mémorable soirée de présentation du label qu’il a créé (Black Gizah Records) aux Francofolies sans oublier des premières parties de Stromae, The Prodigy, Die Antwoord ou Faithless. Bien sûr, on aurait pu se contenter des flux des radios et de faire une compil des différents titres (souvent transformés en hits) du prodige originaire d’Anderlecht. Mais voilà, un disque, à nos yeux, ça reste symbolique, un premier cv identitaire et symbolique d’un savoir-faire. Puis bon, quitte à transformer la chambre en dancefloor animal, autant avoir de quoi faire.
Du coup, on vous le donne en mille, ou plutôt en quatorze, le nombre de pépites que contient ce premier album résolument électRo. Avec un « R », pas celui de « ronflant » (la dernière déception en date est l’album de Fakear) mais bien de « réfléchi » tant on sent la maturation de cet album, son esprit de synthèse. À la fois des différentes pistes que l’homme singe a envie d’explorer que par les différentes influences qui l’ont marqué.
Et si le Kid de C…harleroi aime à rappeler qu’il n’est pas un Dj qui se contente de remixer les musiques d’autres, le survivant de la planète des singes aime à se balader de liane en lianes entre hier et aujourd’hui, des afflux eighties à une électropop bien dans ses pompes, sans oublier de jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur qui nous mène à demain. Kid Noize est insaisissable, nostalgique, autant que futuriste, vif, rapide, éclectique. Son dernier album est réglé comme du papier à musique, étudié pour ne pas lasser, pour surprendre à tous les coups et se dire: « Ah ouais, Kid Noize, c’est aussi ça ».
Et Kid Noize n’est pas une bête farouche, il aime le contact et la rencontre. De choix, en plus. Ainsi, après un premier titre cérémonial qui installe l’homme masqué comme un boxeur sans peur, sans relâche et sans concession, le bal est ouvert aux invités. Et si on croise le Londonien Aaron X, le parterre rallié à la cause du macaque prouve qu’il n’est pas nécessaire de faire des centaines de kilomètres pour trouver les perles qui font briller un peu plus le collier: la Burundaise de Bruxelles Vanessa Ngoga, la Tournaisienne Elia Fragione, le Nivellois Spike Shurakano, la Namuroise Miss Future (celle des balbutiements de Kid Noize qui aujourd’hui connaît un joli succès en tant que « Gladys ») et, bien sûr, le flamboyant Mustii. Alors, c’est vrai qu’on tique toujours quand, à la radio, l’animateur a la paresse de ne citer que le Dj d’une chanson en « zappant » le chanteur qui l’accompagne (et qui, bien souvent, rend le titre radiophonique); on le comprendrait encore moins ici. Les artistes castés par Kid Noize le fédérateur apporte tous leur touche et une cohérence à l’ensemble, tous gagnent à être connu.
Et tant qu’à parler de collaboration, osons dire en poussant un peu que, sans doute, Kid Noize n’aurait pas dénoté sur les deux derniers albums anthologiques (et rassemblant la crème de la crème de l’électro) de Jean-Michel Jarre. Non pas que le Belge soit raccord avec l’univers de JMJ, mais parce que, ces dernières années, il a réussi à allier dimension populaire, sérieux de rigueur et talent incontestable et fait partie de ceux qui comptent. Indéniablement. Oui, au-delà du masque et de l’appellation de « bête de foire » que certains « puristes » (on en a entendus) voudraient lui coller, Kid Noize a une réelle carte à jouer, un rêve éveillé dans lequel il a commencé à nous emporter.
Artiste: Kid Noize (et Facebook)
Nbre de pistes: 14
Durée: 45 min
Label: Black Gizah Records
Date de sortie: le 30/09/2016
En concert le 24 février à l’Ancienne Belgique