La récré de l’été a sonné, de quoi laisser le professeur Cédric Gervy se reposer. Enfin, pas sûr que le tonitruant chanteur se repose, même s’il n’a pas joué à l’économie toute l’année durant. Et quelle année, une année triste, des actes barbares, des disparitions, de l’inhumanité… Des larmes transformées en jets d’encre sur un papier froissé de colère. Car dans la voix de Gervy, la colère n’a jamais été aussi salvatrice et porteuse. En témoigne son dernier album, studio-live et à l’état brut, enregistré lors de ses performances pour l’émission radio « C’est presque sérieux ».
Mais avant tout: comment ça, vous ne connaissez pas (encore) Cédric Gervy? Allez lire notre interview d’il y a un an, et vous en saurez déjà beaucoup sur ce prof de langues, élève de l’insurrection poétique et de l’école de la liberté. Fervent adorateur du chanteur énervant, Cédric revient à la source dans « Merci pour ces moments » (toute ressemblance avec un livre existant est purement fortuite… à moins que…). La preuve avec la photo illustrant la pochette (qui nous rappelle une autre pochette d’un célèbre groupe irlandais, vous aussi?) de ce nouvel opus décapant: Cédric minot et casque sur les oreilles, signe que rien ne se perd et que tout se transforme. Le petiot avait déjà tout pour se faire entendre. Manquait plus que la guitare et la rencontre de ce monde de brutes.
Près de quarante ans plus tard, l’insouciance a fait place au (sur)réalisme mais certainement pas à l’utopie des rêves d’enfants. Et dans l’écrin de ses combats, Cédric Gervy tire toujours le meilleur parti (puisque de toute façon « on est gouvernés par hasard » ou peut-être est-ce Hazard?) pour tirer tous azimuts, à la sulfateuse parfois, mais toujours avec une précision dingue. Preuve en est avec les 16 (17, si vous êtes sages à la fin du disque) morceaux qui peuplent cette nouvelle galette qui fera peut-être avoir une crise cardiaque à grand-maman. Mais loin du vil et grand méchant loup, Gervy est malicieux et futé comme un renard pour se dépêtrer des sujets d’actualité. Personnage entier, le chanteur et guitariste déjanté n’a pas pour habitude de s’effacer devant ce qui fait la une des journaux.
Ainsi, tout y passe: le nouveau Renaud forcément et les attentats (« On est tous amoureux de Paname surtout depuis le Bataclan, On marche à l’ombre depuis les drames on aura peur pendant cent ans, Et c’est pas l’homme qui prend la mer, on le sait depuis les tsunamis« ), la mauvaise réputation brassée par la NVA, un gouvernement d’Enfoirés (« Aujourd’hui ils ont tous les droits, Les Enfoirés de la rue d’la Loi, Dépassés et chacun pour soi, Ce que je donne à toi, je prends à toi« ), Molenbeek…
Mais aussi des sujets « plus légers » comme la Foire du livre « Cinquante nuances de grèves à la SNCB, Et le PS qui creuse encore plus bas que terre, Comme ce Jules Vernes ils sont 20 000 lieues sous le MR (…) Les particules élémentaires qu’on laissera à Doul, Quand une panne de Coran décimera les foules, On se traitera de noms d’oiseaux et on fera avec, Et en parlant d’oiseau on se demandera où Houellebecq« ), les Diables (« Le coach qui rappelle Ciman, alors qu’nos ministres laissent béton »), Marty de Retour vers le futur ou encore notre bon roi Dago… Philippe, pardon. Des peintures sociales à effet immédiat. Avec Cédric, c’est du gratuit, du cadeau à une heure où tout se monnaie. Et tant qu’à parler de Monet, on s’est pris d’amour pour ce givré de Gervy qui a laissé Giverny pour un étang de cafards plus que de nénuphars.
Bref, comme dans les fromages belges, il y en a pour tous les goûts et toutes les sensibilités. D’autant que le trublion n’a pas son pareil pour enluminer ses banderilles (mieux vaut ça que la débandade) de jeux de mots juteux et savoureux. D’une punchline à l’autre, nos oreilles risquent la crise d’épilepsie. Tel un Stéphane de Groodt survitaminé, Gervy enfile les trouvailles (à chaque phrase) avec une facilité déconcertante. Mais dans cet océan de mots des maux, Gervy trouve aussi son plaisir dans de nouvelles prouesses d’imitateur. Notamment dans cette reprise inénarrable de la chanson originelle des Enfoirés et quelques petits coups de coude (et de corde vocale) à Goldman.
Caméléon, Gervy reprend aussi avec ferveur quelques musiques de Renaud, Louane ou encore Stromae et Delpech. Le tout est enregistré en studio mais en live, au cours de l’émission de La Première « C’est presque sérieux » entre septembre 2015 et mai 2016. C’est du brut, sans remaniement (Si Cédric est souverain, Gervy n’est pas un gouvernement) avec quelques petits défauts, certes… Mais on s’en fout, car l’ensemble garde toute l’énergie et la spontanéité de ce Gervy qui, depuis autant d’année, n’a pas changé de crémerie et s’affirme de plus en plus, de mieux en mieux.
PS: Bordel, pourquoi un label ne s’est pas encore intéressé à lui.
PS2: Si Renaud nous lit. Mon poto’ mon phénix, y’a pas mieux que la légende Gervy pour faire ta première partie à Bruxelles, foire pas mon vieux!
Artiste: Cédric Gervy
Album: Merci pour ces moments
Titre: 16 (+1 bonus)
Durée: 32’03
Autoproduit
Sortie: Juin 2016
Prix: 13€ (En MP sur la page Facebook de Cédric Gervy)
Cédric Gervy sera en concert:
- le 2/07 au Partâge Festival (Fleurus)
- le 10/07 à La Semo (Enghien)
- le 16/07 à Mons à la Guinguette Littéraire
- le 06/08 à Arlon
- le 28/08 à la Fiesta City de Verviers
- le 10/09 à l’Harby Farm Festival
- le 22/10 à Stavelot
- le 26/01/2017 au Magasin 4 (Bruxelles)