Ça fait des années que ça dure et, pourtant, on ne saurait s’en passer. C’est grave docteur? Quitte à être mort de rire, toutes les excuses sont valables. Du coup, accompagnés de ses fidèles Bédu et Marc Hardy, Cauvin n’en finit plus de s’en donner à coeur joie. Et de puiser bien plus loin que le cadre légal de la psychiatrie ou des pompes funèbres pour faire jouer nos zygomatiques. Et comme si cela ne suffisait pas, chaque album est un prétexte au scénariste pour allumer la mèche et embraser autant qu’embrasser l’actualité. Les derniers tomes des Psy (Je me sens mieux) et de Pierre Tombal (Fin de bail au cimetière) viennent de sortir et le prouvent une nouvelle fois.
Honneur à la doyenne, d’abord, Pierre Tombal qui fête son 32ème album (après un 31ème pour lequel nous avions interviewé Marc Hardy). Dans la cour des grands depuis bien longtemps, le populaire Pierre Tombal a quand même intérêt à rafraîchir ses façades mortifères. En effet, sa petite entreprise qui ne connaissait pas la crise souffre désormais de la concurrence sexy (et d’autant plus déloyale) de la cousine Marie.
Peu concernée par les enterrements, celle-ci recherche clairement plus le lucre que les acres de terres à retourner éternellement. Le goût du luxe et le profit facile auront-ils raison du coin de verdure habité par les âmes damnées et damées sous la bonne terre de Pierre? Toujours est-il que le mano-à-mano (parfois enrichi de quelques coups de pelles) est infernal et monte en puissance à chaque croche-pied que tente l’un ou l’autre cousin (frère et soeurs ennemis en somme).
Et si la Mort et la Vie s’effacent un peu (rassurez-vous, elles sont toujours bien là), Hardy et Cauvin investissent les thèmes de la pub aux dents longues et sans gènes, de l’interdiction de fumer (oui oui même au cimetière), d’une alerte à la bombe obligeant à évacuer tous les caveaux, des récompenses à vau l’eau ou encore des passions de plus en plus morbides d’une génération en mal de sensation. Le temps de cinq planches, Pierre Tombal croise l’univers des fantômes pour une histoire « ectoplasmique » que ne refuseraient pas les Ghostbusters.
Les chutes sont toujours aussi réussies et le trait de Marc Hardy varie toujours autant les plaisirs et les ambiances, il parvient à dépayser le lecteur dans le royaume pourtant archi-connu du héros à la casquette indéboulonnable. Trente-deux tomes plus tard, il n’y a aucun signe de lassitude chez les deux auteurs qui se renouvellent comme deux gamins, à la vie, à la mort, pour le meilleur et le rire. Et quand lors du dernier gag (une illustration pleine planche), Pierre dit: « Je vous laisse!… Pour tout autre souci, voyez un psy »; on a bien envie de le prendre au mot!
Direction le cabinet (très) particulier que Cauvin et Bédu ont ouvert il y a 21 albums donc. Le docteur Médard est lui aussi toujours fidèle au rendez-vous. Et ça tombe bien: les pathologies ne font que se démultiplier dans l’air du temps. Et là encore le constat n’est pas triste. Jugez plutôt: crise de végétarisme, obsession qu’on parle de soi, chouchoutage borderline de ses animaux de compagnie, politicien mange-voix prêt à bouffer à tous les râteliers ou Jurassic Park qui salue le retour en trombe de la dinophobie.
Tout ça fait bien les affaires du docteur Médard dont le divan ne désemplit pas et raccroche le lecteur à la société dans laquelle il vit, au fait de l’actualité par petites couches référentielles. Bédu et Cauvin n’hésitent pas à se lâcher dans un gag se faisant un peu l’héritage du Capitaine Haddock et combinant quelques délicieuses insultes (d’ailleurs, il y a aussi un tel gag dans le dernier Pierre Tombal: Cauvin soignerait-il son syndrome de Gilles de la Tourette en BD?).
Morpion de chiottes, Rot de cloporte, Rondin de Morbac et Sac à bronze. Que trépasse s’ils faiblissent, mais les deux auteurs ne s’épuisent pas le moins du monde. Trouvant même l’énergie de convoquer quelques guest stars: Aznavour, Ibrahimovic et même… Hugues Dayez dans un 3-planches jouissif diagnostiquant au célèbre critique de la RTBF un syndrome de Stendhal (affectant les personnes confrontées à des oeuvres d’art). L’occasion pour Médard de tester l’effet de ses propres peintures. L’effet escompté ne vient pas et le psy ne se prive pas de chasser l’ersatz de Dayez dans un retentissant « Hors d’ici, Béotien ». Un gag délicieux.
On notera, par ailleurs, qu’au royaume des morts de Pierre Tombal, c’est Maître Magnée qui défend le pauvre fossoyeur devant le tribunal. Rien n’est gratuit et pourtant tout fait mouche. Autant dans le dessin que dans le ton, là encore, les auteurs ne sont pas en pilote automatique et font de leur mieux pour rechercher les piques qui chatouilleront même les plus tatillons. Pas d’essoufflement à l’horizon donc, Cauvin et sa bande visent toujours juste et c’est tant mieux!
Série: Pierre Tombal
Tome: 32 – Fin de bail au cimetière
Scénario: Raoul Cauvin
Dessin: Marc Hardy (FB)
Couleurs: Studio Cerise
Genre: Gag, Humour
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 48
Prix: 10,6€
Date de sortie: le 27/05/2016
Extraits:
Série: Les Psy
Tome: 21 – Je me sens mieux
Scénario: Raoul Cauvin
Dessin: Bédu
Couleurs: Liliane Labruyère
Genre: Gag, Humour
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 46
Prix: 10,6€
Date de sortie: le 06/05/2016
Extraits: