Pas besoin de totem, ni même de signaux de fumée pour savoir que les Amérindiens se meurent, depuis des décennies, depuis deux siècles. En témoignent encore la médiatisation il y a quelques semaines de nombreux suicides chez les Inuits d’une petite réserve canadienne. Chômage, alcoolisme, perte de sens et d’identité… les causes sont nombreuses et signent peu à peu la fin d’une des plus fascinantes civilisations que ce monde ait connues. Et l’accord, la fusion avec la nature se perd avec eux. Raison de plus pour revenir au voyage de Tocqueville, à son émerveillement, grâce à l’envoûtant premier album du très prometteur Kévin Bazot.
Résumé de l’éditeur: Été 1831 : deux Français entreprennent un voyage aventureux jusqu’au cœur de la région des Grands Lacs américains. De la disparition annoncée des Indiens à l’urbanisation forcenée, ils témoignent de la fin du Nouveau Monde, rapidement dévoré par les jeunes et impétueux États-Unis d’Amérique.
180 ans après, Kévin Bazot retourne à l’état sauvage, dans les pas jetés dans l’inconnue d’Alexis de Tocqueville. Et le jeune auteur formé à l’École Pivaut de Nantes nous enfonce petit à petit à la découverte de la majestueuse forêt qui s’étendait autrefois vers le nord. Quittant l’industrialisation galopante de New-York, Tocqueville ne pensait pas si bien faire tant la folie civilisationnelle avait déjà étendu ses gigantesques tentacules loin sur le territoire américain. Retranchant les Indiens toujours plus loin, où les amadouant avec l’eau de feu et quelques piécettes bien loin de valoir la richesse de leur héritage. Et les laissant mourir au bord de la route. « Dieu, en refusant aux Indiens la faculté de se civiliser, ne les a-t-il pas destinés par avance à une destruction inévitable? » Loin de se formaliser à ce que dise ses contemporains (se cherchant des excuses pour mieux déterrer la hache de guerre insidieuse de l’extermination en douceur d’un peuple), Tocqueville va plus loin, suit ses rêves de découverte. Plus loin vers les trappeurs marginaux, vers les indiens encore libre de leurs faits et gestes, vers une forêt immense et une rivière au courant non-encore détournés.
Véritable éveil à ce Nouveau Monde déjà spolié et maltraité par le goût toujours plus grand de l’homme pour la possession, ce premier album de Kévin Bazot a mis du temps a germé. Faisant sien les « Quinze jours dans le désert » écrit par le philosophe français. Dans le dessin de Bazot, esthète de l’histoire (talent mis au service d’Histoire Junior ou d’Arkéo Junior) le lecteur se sent submergé par cette nature qui se dévoile et prend sa place et sa force aux alentours. Dans cet album, on entre comme dans un lieu encore inexploré, un désert vert qui a gardé toute son authenticité, sa dangerosité et sa beauté subjuguante, vierge mais plus pour longtemps.
Sans étonnement, ce récit vieux et pourtant si contemporain ressemble à un ultime appel, en ces temps où l’écologie ressemble souvent à un argument politique, à s’émerveiller sur la nature et ses grands manitous qui avaient tant à nous apprendre avant qu’on ne les pare de haillons. À se souvenir que, comme le chantait Renaud, « Jamais une statue ne sera assez grande pour dépasser la cime du moindre peuplier. Et les arbres ont le cœur infiniment plus tendre que celui des hommes qui les ont plantés. » Le calumet de la paix n’a malheureusement pas encore été fumé avec Mère Nature. Et s’il n’y a plus de géant à l’est d’Eden, il n’y a plus de totem à son ouest (plus si sauvage), non plus.
Titre: Tocqueville vers un Nouveau Monde
Librement inspiré de « Quinze jours dans le désert » d’Alexis De Tocqueville
Scénario, dessin et couleurs: Kévin Bazot
Genre: Aventure, Biopic
Éditeur: Casterman
Nbre de pages: 104
Prix: 18€
Date de sortie: le 11/05/2016
Extraits:
Some tгuly superb blog posts оn thіs site, regаrds foг contribution.
Il n’est pas ici question de le soumettre mais bien de l’éduquer et une bonne éducation de votre chien passe, tout comme chez l’homme, par le
respect de l’autre.