Il y a des surprises comme ça, des rencontres au sommet qui perpétuent des oeuvres mythiques. Ainsi après avoir enchanté le Notre-Dame de Paris d’Hugo, Benjamin Lacombe s’introduit dans un univers d’auteur tout autre: le Alice au Pays des merveilles de Lewis Carroll. Avec brio, entre Pique, Dodo ou autre Lièvre de Mars. Suivez le lapin blanc et ne vous perdez pas en route, le trait et l’inventivité de Benjamin Lacombe sont là pour vous guider et vous émerveiller.
L’histoire est connue. Morte d’ennui, Alice est aux côtés de sa soeur quand un étrange lapin blanc en redingote passe devant son nez. Il est en retard et Alice décide de le suivre, jusque dans son terrier, dans son autre monde où les animaux sont humanisés, où les cartes jouent un drôle de jeu et où la féroce Dame de Cœur veille à ce que rien ne vienne troubler la tranquillité du Pays des merveilles et sa suprématie sanguinaire. Et au milieu de tout ça, il y a Alice qui apporte à ce pays improbable son lot de bouleversements.
Qu’on soit bien d’accord, si les cris fous de la Dame de coeur résonnent encore dans nos têtes, « Qu’on lui coupe la tête » n’est vraiment pas l’expression qui nous viendrait à la vue du travail toujours impeccable de Benjamin Lacombe. « Qu’on lui donne un trône » serait plus approprié. Car, en effet, l’auteur-magicien a habillé cette oeuvre (passée depuis longtemps à la postérité) de dessins souverains à côté des lettres de noblesses. Dans cette réédition et réinterprétation, rien que l’objet est magnifique, comme on commence à en avoir l’habitude et le plaisir toujours renouvelé avec les ouvrages de la collection Métamorphose. Avant même de se lancer dans la lecture de ce classique, on tourne et retourne le livre dans tous les sens: on l’admire, on passe et repasse ses doigts sur la couverture. Puis, il y a deux regards qui nous happent, ceux d’une Alice gothique et baroque qui tient dans ses bras un lapin bien connu. Charmés, on ne peut qu’ouvrir le livre, et le voyage peut commencer.
Bien sûr, il y a eu bien des versions de ce chef d’oeuvre de Lewis Carroll, avec différents dessinateurs, différents styles. Pas facile, donc, pour un illustrateur contemporain de s’y coller. C’était sans compter le talent d’orfèvre de Benjamin Lacombe. Le jeune trentenaire, qu’on connait pourtant depuis un paquet d’années déjà, a un vrai don pour à la fois poser son empreinte tout en étant infiniment respectueux de l’oeuvre qu’il enlumine. On devine aussi tous le respect que le dessinateur à pour ce livre. Les images sont belles, prennent la mesure du texte (ZE traduction, celle de l’immense Henri Parisot) sans pour autant l’éclipser. Un joyeux mélange s’opère entre la mise en page remarquable (le fond pousse la forme et la forme pousse le fond, comme cette analogie entre le texte qui grandit au fur et à mesure qu’Alice devient géante après avoir goûté du biscuit « mange-moi) et le dessin qui ne l’est pas moins. Tout en jouant de modernité. Ce dessin-là, des frissons aux rires, nous fait passer par tous les états.
Bref, cette réédition célèbre de manière formidable les 150 ans du roman original. C’est du grand art, celui qui donne confiance en l’art de la reprise, bien trop souvent galvaudé dans de multiples opérations commerciales. On n’en est loin dans ce Alice au Pays des Merveilles. Et, dans un monde qui a besoin de magie, on a trouvé le trésor parfait. Sublime.
Titre: Alice au pays des Merveilles
Auteur: Lewis Carroll
Traduction: Henri Parisot
Illustration: Benjamin Lacombe
Genre: Conte, Aventure, Fantastique
Éditeur: Soleil
Collection: Métamorphose
Nbre de pages: 290
Prix: 29,95€
Date de sortie: le 02/12/2015
Extraits:
6 commentaires