C’est une belle biographie, forgée dans le sépia des plus grandes photographies, que vient de développer Casterman. Le temps d’une BD, Florent Silloray consacre l’un des plus grands photographes du XXème siècle: Robert Capa. Un homme qui, dépassant sa tragédie sans jamais vraiment y survivre, a changé la face du monde par ses clichés suintant l’enfer des plus maudites guerres. BD et photographie se confondent pour livrer l’histoire d’un homme passé à la postérité en captant la lumière et en se tenant, en embuscade, au plus proche de l’action.
Capa, une étoile filante, assurément. À l’heure actuelle où le monde de la photographie d’actualité n’est guère glorieux, il ne faudrait pas s’imaginer que le quotidien de ce jeune photographe dans sa miteuse chambre parisienne vallait mieux. Les clichés ne partent pas par douzaine, que du contraire. Deux photos vendues et c’est presque Byzance même si ça ne paye pas son homme. Et celui qui ne s’appelle pas encore Robert Capa mais Endre Ernő Friedmann sert les dents sur sa clope et n’est pas loin de désespérer.
C’est sans compter Gerda, sa tendre compagne, dont l’imagination et la persévérance vont sortir le couple de la misère. L’improbable a lieu et voilà qu’elle fait passer Endre pour un photographe américain toujours pris entre deux coups de vent et autant de reportages. Contre toute attente (et dieu sait que le couple en a de grandes), le subterfuge marche et la réputation du désormais dénommé Robert Capa s’assied et décolle vers de nouveaux horizons guerriers, en Espagne, en Afrique du Nord, à Paris pendant la libération mais aussi en mortelle Indochine. Et au fil de sa (courte) pellicule de vie, Capa ne sera pas épargné par les coups du sort, et les assauts du destin.
Il faut de tout pour faire un monde, pour le médiatiser. Il faut de tout pout faire un homme aussi. Et s’immisçant dans la tête du cofondateur de l’Agence Magnum, Florent Silloray confirme sa capacité à s’aventurer dans la petite histoire qui fait la grande Histoire. Après avoir retracé le périple de son grand-père, Roger, déporté pour travailler dans les mines de Prusse pendant la guerre, l’auteur breton continue de tâter la guerre en traçant la destinée de l’étoile filante que fut Robert Capa, témoin privilégié de quelques faits parmi les plus odieux de notre époque. Les phylactères s’absentent et tout se passe dans la tête de Capa, les doutes, les vices, les démons, les envies, les intentions.
Caché (mais pas à l’abri des balles pour autant) derrière son appareil, l’homme est pourtant percé à jour et le talent de Silloray met des mots sur les pensées intérieures de cet homme brisé. Chaque case, chaque image est une photo et on se prend au jeu de reconnaître les chefs d’oeuvre de la « déshumanité » pris sur le vif par le photo-reporter. Et mine de rien, chacune en dit long sur l’époque dans laquelle vit Robert Capa. Ici, la photo et le dessin ne font qu’un par le trait de Silloray et donnent un nouveau jour, magnifique de sobriété, à l’oeuvre du photographe d’Omaha Beach.
Titre: Capa – L’étoile filante
One Shot
Scénario, dessin et couleur: Florent Silloray
Genre: Biographique, Historique, Guerre
Éditeurs: Casterman
Nbre de pages: 86
Prix: 17€
Date de sortie: 27/01/2016
Extraits:
Un commentaire