On ne suit plus! Le monde de la bande dessinée distille ses albums à un rythme effréné et nous, on devrait faire des choix pour mettre telle BD ou tel roman graphique en valeur. On ne peut évidemment s’y résoudre, trop conscient de notre tâche à tenter de vous faire découvrir un maximum de choses dans l’éclectisme le plus complet. Du coup, dans cette rubrique, nous allons vous parler de quelques lectures marquantes, des BDs, des bulles d’airs en phylactères et en dessin, absolument pas moins intéressantes que celles qu’on vous présente quotidiennement.
Quelques Bulles D’air sur le chemin… de la vie
Entre ici et ailleurs, c’est le nouveau récit largement autobiographique de la talentueuse Vanyda. Métissée de ses influences franco-belges et de son amour du manga, Vanyda se met dans la peau de Coralie, 28 ans, toutes ses dents mais chamboulées par une récente rupture qui remet bien plus de choses en questions qu’elle ne veut bien le croire. Elle est seule, dans ce « chez nous » devenu ce « chez elle », toute seule. Mais les rencontres, ça se force, les hasards se multiplient et voilà que Coralie s’inscrit sur un coup de folie à un cours de capoeira. Au fil des connaissances, des rapprochements amicaux, et plus si affinités, Coralie va entrer dans une phase passionnante de sa vie et commencer à explorer et à questionner une des facettes qu’elle avait un peu oubliée: sa culture et ses origines asiatiques.
Entre ici et ailleurs a tout d’un manga sauf qu’il se lit bien de gauche à droite. En fait, cette bande dessinée se classe dans la même famille que le Couleur de peau: Miel de Jung. Déjouant judicieusement les clichés, Vanyda nous invite au creux du questionnement sur ce qui fait notre identité. On participe ainsi à la vie de Coralie, dans ses éclats de rire, ses larmes, ses coups de blues et ses pics de formes. Et là où on se disait que cette histoire de fille ne plairait qu’aux nanas, nous voilà, tout homme que nous soyons, inévitablement séduits par la maîtrise de Vanyda et l’histoire simple et parfois si bouleversante de vie qu’elle nous raconte.
Titre: Entre ici et ailleurs
One Shot
Scénario et dessin: Vanyda
Noir et blanc
Genre: Fiction autobiographique, drame
Éditeur: Dargaud
Nbre de pages: 192
Prix: 14,99€
Date de sortie: le 29/01/2016
Extraits:
Quelques Bulles D’air sur le chemin… de la résistance culturelle
D’identité, d’origines et de culture, il en est également questions dans Le cheval d’orgueil, roman bien connu et best-seller de Pierre-Jakez Hélies. Pour fêter les quarante ans de sa publication, Soleil (via sa collection Noctambule qui est loin d’être à dormir debout, soit dit en passant) a mis sur pied une adaptation de Bertrand Gallic et Marc Lizano qui ne déroge pas à l’oeuvre originale et la perpétue à merveille tout en conviant à elle un nouveau public. Le cheval d’orgueil, c’est une histoire bretonne qui aurait emprunté à la mythologie grecque son cheval de Troie. Un cheval de Troie insidieux dans la tranquillité et la pluie bigoudènes, et visant à faire table rase du passé et de la culture de cette région de France dont veux uniformiser et franciser la pensée.
Quarante ans ont passé mais du propos universel et authentique de Pierre-Jakez Hélias, la richesse ne s’est pas tarie. On retrouve l’innocence des enfants à qui l’on va tenter de condamner leur belle langue bretonne, et la gravité des aînés engagés contre les rouges. qui essaient de répandre leurs bonnets phrygiens. Ce petit monde est encore à l’arrêt et pourtant les grands bouleversements sont en marche. Et de ce combat, de cet orgueil bien placé, Bertrand Galic et Marc Lizano tirent une oeuvre adaptée qui fait toujours autant sens aujourd’hui et dont se dégagent des petits fragments de bonheurs et une résurgence d’une culture qui continue de vivre! Fameux.
Titre: Le cheval d’orgueil
One Shot
D’après l’oeuvre de Pierre-Jakez Hélias
Scénario: Bertrand Galic
Dessin et couleurs: Marc Lizano
Genre: Historique, chronique sociale
Éditeur: Soleil
Collection: Noctambule
Nbre de pages: 144
Prix: 17,95€
Date de sortie: le 16/12/2016
Extraits:
Quelques Bulles D’air sur le chemin… à la gauche de l’Angleterre
On continue de mettre à mal la culture, anglaise cette fois, avec humour et avec un personnage qui avait profil bas ces dernières années: Clifton! Personnage mythique du journal Tintin, on pensait pourtant le colonel détective english définitivement disparu. Imaginez, depuis 2008, on ne l’avait plus vu pointer les bouts de sa moustache blonde. Il avait même à peine fêté ses 50 ans d’existence. On l’imaginait mal en point et c’était plutôt élémentaire, ce cher Clifton s’était enfoncé dans la solitude de son domicile, mal rasé et perturbé par le départ de la gouvernante Miss Partridge. Mais l’heure est grave et le colonel est obligé de se remettre en piste pour résoudre au plus vite une sordide affaire: depuis quelques heures, des conducteurs normaux en apparence et tout ce qu’il y a de plus anglais s’amusent à rouler à… droite. L’affaire est d’État, le complot national et, d’un coup, c’est toute l’Angleterre qui marche sur la tête.
Rien que le titre, Les gauchers contrariés, donne la teneur (et la terreur) de ce tome qui renoue avec le peps et la parodie délicieuse. Avec des surprises: après le tome réalisé par Michel Rodrigue en 2008, c’est un tandem inédit qui reprend le flambeau de la série créée par Raymond Macherot. Enfin, inédit, attendez! Si Zidrou, loin d’être un inconnu, fait son incursion dans la série, le dessinateur n’est autre que Turk qui fait un retour marquant et remarqué dans cette série dont il n’avait plus dessiné un tome depuis plus de trente ans. Et dans ces joyeuses retrouvailles, on sent l’amusement des auteurs mais aussi celui du lecteur pris au jeu de cette délicieuse et truculente farce complotiste enchaînant les gags bien vus et renversant les codes de la bienséance anglaise. Bref, Clifton reprend du poil de la bête (même s’il finit ce tome bien rasé) et se prépare même, paraît-il, à laisser le célibat de côté pour se… marier. Tout un programme pour ce qui sera le 23ème tome de la série.
Série: Clifton
Tome: 22 – Les gauchers contrariés
Scénario: Zidrou
Dessin: Turk
Couleurs: Kaël
Genre: Policier, Humour
Éditeur: Le Lombard
Nbre de pages: 48
Prix: 10,6€
Date de sortie: le 05/02/2016
Extraits:
Quelques Bulles D’air sur le chemin… de la reconstruction après le pire
Le cauchemar a fait place au rêve et aux explications oniriques. Dans l’esprit du 11 janvier, Serge Lehman revient sur l’après attentat perpétré à Charlie Hebdo. Il s’intéresse aux signes avant-coureurs, aux interprétations et discours qui ont circulé sur cette tragédie sacrifiée sur l’autel de la barbarie humaine. Serge, comme des centaines de milliers d’autres, était dans les rangs nourris de la marche du 11 janvier. Dans cette foule unie face aux démons qui veulent faire régner la terreur, Serge Lehman était bien, communiant dans l’esprit du 11 janvier. Et pourtant, cet esprit que rien ne semblait submerge, il n’a pas duré. De quoi donner l’envie à Serge de faire sa tribune, de la composer de manière originale en traquant les indices et les symboles qui restent de ces quelques jours où la France a fait la gueule. Cela a donné « Une enquête mythologique » sur laquelle le dessinateur Gess a posé ses images et son ressenti.
Si le sujet n’était pas grave, la manière dont Lehman mène cette enquête, plus idéologique et de pensée que de terrain, prêterait presque à sourire. En quelque 80 pages, l’écrivain et critique mêle par chapitres, des électrons aussi libres que le pigeon qui chia sur Hollande, que Houellebecq, la posture de Luz ou encore la personnalité de Lassana Bathily, le sauveur de l’Hyper Cacher. Pour chacun de ses thèmes éclectiques, Lehman tente de percer ce qui en a fait le mystère. La démarche interloque, dans ce mélange de tout et n’importe quoi, on ne voit pas directement la cohérence. Et pourtant. Et pourtant, la cohérence est bien là, lourde de sens. Et de l’atypique propos de Lehman émerge un discours d’une précision et d’une universalité louable. S’il ne repose sur rien, cet ouvrage remarquable contrecarre tous les discours complotistes en usant de méthodes qui pourtant n’appartiennent qu’à ceux-ci. D’une intelligence à fleur de peau et à fleur de drame. Ça se lit vit mais ça trotte pendant longtemps dans nos têtes de lecteurs/acteurs.
Titre: L’esprit du 11 janvier – Une enquête mythologique
One Shot
Scénario: Serge Lehman
Dessin: Gess
Noir et blanc
Genre: Essai
Éditeur: Delcourt
Nbre de pages: 88
Prix: 9,95€
Date de sortie: le 06/01/2016
Extraits:
Quelques Bulles D’air sur le chemin… de la basse-cour
Même la basse-cour a son monarque. En l’occurrence, laissez-moi vous présenter Poussin 1er. Enfin monarque, monarque, s’il l’est déjà de son propre nombril, c’est déjà pas mal. Car si Poussin se croit tout puissant et s’aime particulièrement dans ses formes rondouillardes, ce petit tyran qui se croit tout permis peut devenir en un tour de gaffe, la risée du poulailler. Et de gaffes en gags, ce deuxième tome est bien loin d’en manquer!
Avec un Eric-Emmanuel Schmitt qui s’éclate comme jamais et un Janry dont la prestance et l’énergie du dessin tutoient les hauteurs, Poussin 1er prend un bel envol même si, paradoxalement, il a souvent plus tendance à se rétamer la tête la première pour le plus grand plaisir du lecteur. Un brin philosophique, refaisant La Fontaine entre un lièvre et une tortue ou mettant en fuite un (pas si féroce renard), et surtout entre des discours à quatre sous et deux coquilles d’oeufs, Poussin a le don d’activer nos zygomatiques tout en prenant soin de soigner son humanité. Car Poussin, dans son anthropomorphisme, n’est qu’un cousin désopilant et riant de son absurde quotidien. Ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais à un poussin, bien!
Série: Les aventures de Poussin 1er
Tome: 2 – Les apparences sont trompeuses
Scénariste: Éric Emmanuel Schmitt
Dessin: Janry
Couleurs: Studio Cerise
Genre: Humour, Histoires courtes
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 66
Prix: 14,50€
Date de sortie: 06/11/2015
Extraits:
Quelques Bulles D’air sur le chemin… du grand large
Allez, pour conclure ce chapitre, on espère que vos horizons livresques se sont étendus et que votre ciel littéraire est (re)devenu bleu, s’il en était besoin. Du coup, si le soleil est revenu, il est temps de prendre le large et de retrouver un maritime héros dans un sale pétrin. Yann de Kermeur, alias l’épervier, est aux prises avec l’avide Marquis de Beaucourt prêt à tout pour voler à Kermeur son amour, Agnès, et le mettre hors d’état de nuire et que mort s’ensuive. Et si L’épervier sur son indéfectible vaisseau, La Méduse, a su prendre du champ et fait route, sur ordre de Louis XV, vers le Canada pour reprendre la mission d’un agent tué par les indiens nord-américains en pleine guerre. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que les navires anglais se sont passé le mot pour couler la Méduse.
Voilà déjà plus de vingt ans que Patrice Pellerin distille au gré des albums de son héros un témoignage vibrant et aventureux de ce qu’étaient la marine et la piraterie en France au XVIIIème siècle. Et si la série a changé d’éditeur, nous, on ne s’en est toujours pas lassé tant Pellerin arrive à nous faire prendre la mer sur ses bateaux de rêves. L’auteur a réussi à faire de son héros, une valeur sûre, l’égal des Barbe Rouge et autres marins redoutables. Dessin et scénarios s’accordent entre verbe et actions pour emporter l’Épervier et son équipage dans des récits jamais convenus et d’une folle beauté.
Série: L’épervier
Tome: 9 – Coulez la Méduse!
Scénario, dessin et couleurs: Patrice Pellerin
Genre: Aventure, historique
Éditeur: Soleil
Collection: Quadrants – Boussole
Nbre de pages: 48
Prix: 14,50€
Date de sortie: le 02/12/2015
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