Étranger, bienvenue à Watertown, ici vivent quelques centaines d’âmes et si tu te joins à eux, prends garde à toi, tu pourrais y mourir d’ennui. Dans le nouveau roman graphique de Jean-Claude Götting, cette ville créée de toute pièce mais pas sans comparaison avec certaines villes anglaises, la vie semble s’être adaptée au flegme ambiant. On y pèche, on y goutte le bon air et rien ne semble pouvoir venir à bout de cette tranquillité à toute épreuve. Rien, sauf peut-être le décès suspect du boulanger du coin et apprécié. De quoi remettre tout en perspective!
Chaque matin, c’est pareil, rien ne semble pouvoir courbé l’immuable chemin que suit Philipp. Un muffin acheté auprès de la charmante Maggie Laeger, un bonjour et un au revoir, et il est déjà temps de rallier le boulot, un cabinet d’assurance sans grande envergure. Sauf que ce lundi matin-là, le vent du changement planait et avant qu’il ne quitte la boulangerie, Philipp saisit les cinq mots que Maggie lui glissa. Cinq mots qui allaient lui trotter dans la tête pendant un long moment: « Demain, je ne serai plus là. »
Et comme, même dans les villes monotones, il y a toujours un lendemain, voilà que le brave boulanger, M. Clarke, est retrouvé mort sous son armoire et que Maggie a mystérieusement disparue. Sauf que Philipp va la retrouver, deux ans plus tard dans une autre ville, Stockbridge. Sauf qu’elle ne reconnaît pas notre moustachu au stetson. Mieux, elle nie s’appeler Maggie mais répond au nom de Suzanna. Fausse identité ou vrai sosie, Philipp veut en avoir le coeur net et trouve enfin les circonstances pour assouvir ses pulsions refoulées d’apprenti détective.
Véritable peinture sociale, Watertown à un petit côté « un crime au paradis« . Rien ne prédestinait la tranquille petite ville aux affres du soupçon et pourtant Jean-Claude Götting (si si, vous le connaissez tous, même si ce n’est peut-être pas le cas de son nom, puisque sa prolifique oeuvre compte notamment les couvertures des romans Harry Potter comme nous les connaissons en francophonie!) dépose toute la grâce de son trait pour insinuer le mal. Variant les plans, les cadres te les angles, c’est peu dire que Götting prend son temps pour déployer son univers et faire fi de la vitesse toujours plus grande de notre époque pour préserver l’instant et emmener le lecteur à la découverte de Watertown, de ses visages et de l’atmosphère qui y règne.
Et on se prend à se promener dans les divins tableaux que Götting brosse et peint de son trait unique. L’enquête y est chassée en arrière-plan pour que les personnages vivent et se donnent à lire. Et quant au dénouement, le poignant du récit nous revient en pleine face et Jean-Claude Götting se révèle roi de la danse et nous mène formidablement en bateau. Quoi de plus normal, quand on vient de Watertown, ce chef d’oeuvre cinématographique suspendu dans sa magie, désuet et à la fois tellement contemporain.
Titre: Watertown
Scénario, dessin et couleurs: Jean-Claude Götting
One Shot
Genre: Polar
Éditeur: Casterman
Nbre de pages: 92
Prix: 18€
Date de sortie: le 06/01/2016
Extraits: