Pour son douzième «Carnet», le plus-que prolifique Joann Sfar continue à décrire son petit bonhomme de chemin entre les malheurs et les bonheurs que la vie sème aux quatre vents. Cette fois, l’auteur du Chat du Rabbin (notamment) est aux prises avec l’amour et miné par la perspective de la solitude. Joann Sfar continue de se mettre à nu… et nous met à nu, un peu, aussi. Ça s’appelle «Je t’aime ma chatte» et contrairement aux apparences, ce n’est pas vulgaire, c’est une chronique de l’éphémère et du temps qui passe.
Rien ne va plus! C’est sûr Joann a connu des meilleurs jours. Il a perdu l’amour de sa vie et gagné la solitude au coeur. Une tristesse pour le moment irrémédiable qui attend les baisers d’un autre soleil. Bien sûr, c’est une autre histoire qui commence avec Adèle, ils ne sont plus ensemble mais pas en mauvais terme, l’histoire continue en toute amitié. En attendant, Joann Sfar soigne sa détresse avec cette irrésistible envie de s’occuper des autres, sans pour autant réussir à passer à autre chose. «C’est paradoxal pour quelqu’un qui doit tant aux livres de refuser de tourner la page». Alors, en vacillant, en avançant à reculons ou vaille que vaille, Joann Sfar continue son examen de conscience «dans un état de non-être qui tend vers la vie mais qui n’y est pas encore». Et si ce voyage en Italie avec Priscilla, son amie si spéciale qui aime les t-shirts où s’étale des slogans comme «Je t’aime ma chatte», faisait déclic?
On entend déjà d’ici les tristes sires dire, avant même d’avoir ouvert le livre: «Il dessine comme il respire, Sfar, de toute façon!» Oui, c’est sans doute vrai, c’est un maniaque, un obsessionnel du crayon, ça lui a toujours réussi et ça lui réussit encore cette fois parce qu’il le fait bien! Parce que le dessin, c’est son arme, et qu’il ne se réduit pas à dessiner les surfaces, il va en profondeur. En prenant pour cobaye lui-même, son corps, son être faisant expérience de la vie, dans son perpétuel questionnement. Qui est celui de tout homme à un moment ou l’autre.
Dark side of the man
De son trait comme toujours tourmenté, mais qui l’est peut-être plus que jamais aussi, Joann Sfar se réapproprie des peintures parmi les plus évocatrices de la «Dark side of the men». Il questionne la capacité de l’homme à encore s’émerveille après les grands (Charlie Hebdo) et les « petits » drames (une douloureuse séparation). Mais Sfar évoque aussi l’impact que ces derniers peuvent avoir sur le moral et l’aspect professionnel d’une vie: il est largement en retard dans ses planches que pour assurer le délai de livraison du nouveau tome du Chat du Rabbin. Pourtant, il y est arrivé trouvant même le temps d’écrire et dessiner ce nouveau carnet complexe et parmi les plus bouleversants. Bien sûr, le lecteur devra y faire le tri, parmi toutes les pistes lancées, ces projections intérieurs et ces réflexions sociétales, mais nul doute que chacun y trouvera de quoi faire écho à sa propre vie!
Série: Les carnets de Joann Sfar
Tome: 12 – Je t’aime ma chatte
Scénario et dessin: Joann Sfar
Noir et Blanc
Genre: autobiographie, chronique, journal intime
Éditeur: Delcourt
Collection: Shampooing
Nbre de pages: 288
Prix: 19,99€
Extraits: