De même que Crime à froid, déjà chroniqué, Bach Films vient d’éditer ce film longtemps resté oublié, Door To Door Maniac !, un thriller mettant en scène un Johnny Cash pervers et violent à souhait.
Deux malfrats mettent au point un plan pour cambrioler une banque : prendre en otage la femme du vice-président de l’établissement pour contraindre ce dernier à leur donner l’argent. L’un retient l’épouse tandis que l’autre s’occupe du banquier. Bien sûr rien ne va se dérouler comme prévu…
Ce film, le seul réalisé par Bill Karn (Stéphane Bourgoin explique dans le bonus DVD que les autres films de Karn sont des regroupements de scènes de série télé), possède un double titre : d’abord appelé Five Minutes To Live à sa sortie en 1961, il sera rebaptisé en 1966 Door To Door Maniac !. Le premier titre convient mieux à l’histoire. En effet, les deux malfrats communiquent par téléphone et, si Cabot (Johnny Cash) n’a pas de nouvelles positives après cinq minutes, il menace d’exécuter son otage. Le second titre donnerait l’idée que le tueur fait du démarchage et tue en série, ce qui n’est pas le cas. Il emploie cette ruse uniquement pour s’introduire chez les Wilson, mais cela ne dénote en rien une habitude chez lui.
Bien que le scénario soit assez basique, je retiens du film deux aspects très positifs. Le premier, et le plus évident, réside dans la violence de l’oeuvre, assez osée pour l’époque. Johnny Cash y abat plusieurs policiers, sa petite-amie, manque de peu de violer madame Wilson, la rudoie en tout cas, la cogne, souffle le chaud et le froid, démolit son intérieur… En cela, on peut y voir un précurseur de films comme La dernière maison sur la gauche (Wes Craven vient d’ailleurs de nous quitter), sorti dix ans plus tard. Je trouve courageux de la part du chanteur d’accepter d’incarner un personnage aussi noir et aussi rude.
Le second aspect que je retiens tient à ce que Claude Chabrol montre aussi dans bon nombre de ses films, c’est-à-dire une critique d’une petite bourgeoisie provinciale soucieuse de sauvegarder les apparences, de soigner la devanture alors que sous le fard se cachent la lassitude ou la lâcheté. Le couple des Wilson se désagrège : l’épouse se rend relativement indisponible lorsque son mari tente d’aborder un sujet sérieux, et monsieur Wilson envisage d’abandonner femme et enfant (un tout jeune Ron Howard) pour partir loin avec sa maîtresse. Le fait que le réalisateur prenne son temps pour installer la situation et pour révéler ces faux-semblants (qui finiront par influer directement sur la progression dramatique) apporte un charme particulier au film, qui sans cela aurait été pratiquement vide.
Seule une fin un peu bâclée vient presque gâcher le plaisir. Je ne compte pas la dévoiler, mais il se produit un événement tragique suivi d’un retournement spectaculaire en toute fin de film. Ce retournement, nécessaire au happy end classique, sonne comme une blague et semble témoigner d’un refus d’assumer la noirceur du propos jusque dans ses extrémités. Je comprends qu’à l’époque cela aurait posé de gros problèmes de censure mais, après tout, les actes de Johnny Cash pouvaient déjà poser pas mal de soucis.
En dépit de cette fin, qui, soyons franc, n’est que légèrement décevante, le film se suit avec un réel plaisir, auquel Johnny Cash contribue très largement, même s’il ne chante que très peu. L’intrigue est suffisamment resserrée pour ne pas laisser de place à l’ennui et pour tenir le spectateur jusqu’à son terme. Si vous aimez Johnny Cash, ou si vous aimez les thrillers de style huis-clos, je vous invite à vous aussi le découvrir.
Par Gérald Sanzo.
Door To Door Maniac ! aka Five Minutes To Live
réalisé par Bill Karn (1961)
avec Johnny Cash, Donald Woods, Cay Forester
(également créditée comme scénariste)
Edité par Bach Films en 2015.
Contenu :
- le film en VOST
- interview de Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série