C’était le jour du Kway aux Francofolies. Il en faut bien un. Pourtant, la fête a battu la pluie et évacué les nuages pour mieux battre son plein. Et si l’on se remettait encore des sensations de la veille, on s’est vite acquis à la cause de certaines confirmations et autres surprises.
Et après le Kid de la veille, c’est un King qui nous a ouvert la voie royale du village francofou. Un Bony King. De ceux qui ne viennent plus de nulle part mais savent désormais d’où ils viennent. Dans ce cas, c’est plutôt du côté des songwriters américains qu’il faut lorgner, les Dylan, les Young. Tous trouvent leur place dans l’univers folk développé par Bony King. S’adressant à un large public en français, le Flamand a donné ce qui sera sans conteste l’une des plus belles entrées en matière de ces quatre jours.
Québecofolies
Alors, forcément, avec un nom aussi intrigant que Monogrenade, nous ne pouvions pas ne pas jeter un oeil. Et plus qu’un oeil, on en a pris plein nos mirettes avec ce groupe venu du Québec et fort en atmosphère. Des paroles en français chuchotées un peu à la Antoine Chance et un trio à cordes pour nous emmener vers l’épure. Le voyage était incroyablement réussi avec des envolées parfaites. Un des grands moments de ces francos, un des plus beaux concerts aussi… si seulement on avait pu comprendre les paroles, inaudibles. Dommages. Et pour le déluge tout au long du concert, aussi.
On reste dans la Belle Province avec la superbe Salomé Leclerc. Ultra-souriante, la lauréate du Prix Rapsat-Lelièvre, a tenu son rang après son magnifique album « 27 fois l’aurore ». Et une petite coupure de courant – « Ceci ne faisait pas partie de la mise en scène« – n’y a rien fait, la petite québécoise nous a subjugués. Monstrueuse dans ce qu’elle arrive à dégager, dans les notes de sa guitare aciérée comme dans l’émotion de ses textes, Salomé ne s’est pas non plus privée de « jaser » avec le public, le faisant entrer un peu dans sa vie d’artiste et dans les belles choses qui lui arrivent. Puis, que dire de cette puissante réinterprétation du Vingt ans de Léo Ferré. Si le concert a eu un rien de mal à s’installer, il s’est terminé avec une force hallucinante.
Entre pluie et soleil, l’arc-en-ciel Testa
Un peu de pluie, le soleil entre les gouttes, et voilà que s’impose la grandiloquence (au sens noble du terme) de Nicolas Testa. L’artiste à la patte immédiate et très personnelle n’a pas eu besoin de plus d’une chanson pour nous entraîner dans son univers tribal, poétique et coloré. La véritable première invitation à danser dans cette journée en l’honneur des Kways fournis « gracieusement » par les partenaires des Francos. Bon, et ce même si Nicolas Testa a un peu surjoué: « Je suis un petit peu impressionné, vous êtes tellement. » On ne lui en voudra pas car nous, on a été réellement impressionné par cet atypique personnage dont on n’a pas fini de parler.
Cats on trees, avec un supplément de cordes
« Pour la première fois de notre vie, en Belgique, il fait beau« , fleurie pour son anniversaire, la délicieuse Nina ne croyait pas si bien dire. Le ciel se dégageait et le soleil se frayait un chemin pour nous honorer de ses rayons. La performance de Cats on Trees le valait bien. Un an après, le duo était revenu entouré. Et quel entourage: il pleuvait des cordes, des belles, fignolées et donnant un supplément d’âme à ces chansons déjà connues. Délicates et entraînantes, magnifiées tout en restant dans la simplicité. Et la foule, une nouvelle fois immense, de les reprendre en choeur et à coeur. À noter la superbe reprise du Mad World de Tears for Fears.
Michael Jones affonne et à fond
On parlait de nostalgie un peu mal placée avec Kyo, est venu celui de celle carrément bénéfique de se replonger dans le répertoire de Goldman. Qu’il le veuille bien ou… bien, Michael Jones (qui, décidément, ne quitte plus la Belgique) y est intrinsèquement lié, intimement même. Et après quelques très belles chansons de son cru, « quasi le seul anglophone chantant en français » a introduit quelques bons riffs pour se plonger dans le répertoire de l’homme aux mains d’or dans un gigantesque medley. Il y a bien sûr eu ce Juste après, toujours aussi mémorable, avec ce vibrant hommage à Carole Fredericks. Puis, les premiers succès qui font encore et toujours le succès des soirées réussies, quelques perles, de l’énergie, surtout de l’énergie. Celle utile à la recréation. Malicieux derrière ses éternels verres fumés, Michael Jones a testé et retesté la bière belge, et au vu de ses affonds sur le côté de la scène, il aime ça! Le Gallois s’est montré toujours aussi adorable avec ce public qui l’aime tant, blagueur et showman. Bon on l’avoue, on aurait quand même aimé quelques chansons en plus du cru de Michael. Mais bon, on ne peut pas tout avoir. Un show, comme un abri de l’orage, regonflant à bloc le public un peu trempé. Et faisant dire à la pluie, « Toi, tu t’arrêtes là. »
Christophe Willem en parfait showman
Et elle s’est arrêtée, pour mieux apprécier le spectacle de Christophe Willem sur la scène Proximus. Comité réduit sur la scène (un batteur et un claviériste pour accompagner « La Tortue »), beaucoup moins dans le public avec, une nouvelle fois, une foule des grands jours. Bon, autant être honnête, on ne l’attendait pas trop l’ancien vainqueur de la Nouvelle Star. On avait eu tort. Et après un casse-croute de fortune vite avalé, nous voilà à nous frayer un passage pour avoir vue sur la scène et tout de suite intégré dans ce spectacle à la simplicité étonnante mais enlevé par la voix hors-norme de son interprète. Bien sûr, il y a les tubes, de Berlin à Double Je (en final bien sûr) en passant par le goldmanien Après toi, mais Christophe Willem n’en fait pas une succession, il les ficelle dans une véritable identité scénique avec un vrai fil rouge au détour des lumière bleutées et mauves. Très à l’aise pour imiter le jingle de la Nouvelle Star, Christophe s’est même permis de voler (un peu) la vedette à Gad Elmaleh (qui se produisait sur l’autre scène au même moment), rivalisant de blagues et d’humour en vannant son batteur et en parlant notamment de son expérience de festivalier et de sorteur en boîte: pas évident en effet de faire de grands arcs de cercle quand on est collé entre quatre voisins. « Tant pis si vous donnez une baffe à votre voisin, il ne vous aime pas de toute façon. » Mais, Christophe Willem, ce fut aussi un extraordinaire moment soul en compagnie d’un repriseur de choc sur Superstition. Bref, une certaine fièvre du dimanche soir.
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