C’est vrai qu’il a fait chaud ce premier vendredi francofous! Mais pourtant, qu’il faisait bon se glisser dans les publics des deux scènes principales du Village. Avec une première journée qui a été crescendo avec quelques gros concerts. Autant que la programmation pouvait l’augurer avec Arno, Sharko, Daan…
C’est la fournaise sur le coup de 13h. Pourtant, dans le village Francofou qui vient de s’ouvrir, rien n’altère l’énergie débordante des swinguant Uncle Waldo, premiers en lice dans le concours des Franc’Off. Le public n’est pas encore très gros mais se trémousse et y met du coeur sous ce soleil faisant honneur à Spa. À l’autre bout, autre genre et les cris de Victoria + Jean nous réveillent un peu plus. Ça pulse sur la Scène Sabam. Avant un retour au calme, peut-être un peu trop du côté des atmosphériques Lemon Straw. Sans batterie mais avec une boîte à rythme, le trio nous a très vite emmenés dans son univers fait de grandes étendues, d’un souffle de vent et divin rafraîchissant et d’un folk fort plaisant. Entre la guitare jouée horizontalement par Boris Iori et un claviériste très investi en la personne de Xavier Bouillon, Giani Sabia a fait valoir son immense voix avec un regard parfois perdu dans le ciel. Car oui des anges passent (dont un qui s’appelle Renaud, paraît-il) et, chaque fois, le miracle opère. Sans doute la parenthèse (en)chantée de ce premier jour.
Mais si des gouttes de sueurs doivent tomber, autant bien le faire. Et c’est du côté de la Scène Sabam que des notes très reconnaissables nous ont appelés pour les premières vraies sensations dansantes. Talisco, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas failli à sa réputation qui le suit depuis quelques mois, déjà. Éminemment sympathique et souriant, le groupe s’est fendu d’une énergie à toute épreuve, y compris du Soleil, prenant même l’ascendant sur celui qui donnerait le ton à cette journée torride avec l’étincelant et tubesque Your Wish.
Un cosmonaute sur scène!
De concerts en concerts, le public n’a cessé de grandir. Si bien que c’est une très belle audience qui a accueilli Benjamin Schoos et sa fête bien méritée. Revenu avec un fantastique concept-album, le Sérésien s’est imposé en formidable passeur d’univers avec des invités parmi ses plus anciens collaborateurs mais pas que: le cowboy qui écrit plus vite que son ombre Jacques Duvall, la mimi Mademoiselle Nineteen, la pétillante Karin Clercq, Mélanie Isaac, le géant Sabino Orsini, la merveilleuse Wanda Lio, l’enfant Pavé de Starflam, les hypnotisantes vedettes mais aussi un saxophoniste de génie, Domgué, et le Dj Rico Belmonte. Le tout formant un mélange (d)étonnant, un voyage sur la lune, surréaliste et varié, riche et incroyable entre chanson française, électropop et rock. Un grand ce Monsieur Schoos.
Gonzo, fais-moi de l’électricité!
« On s’appelle Gonzo et on vient des années 90« . C’est dit… reste plus qu’à assumer. Ce que le super-groupe à la belge fait très bien. Car les années 90, ce sont les années bonheur, celles de tous les possibles. De tous les mélanges aussi, avec du punk, du reggae et même de la country. Dans ce savant (bourrin aussi mais pour le plus grand plaisir des festivaliers) melting pot, la bande à Saule, Geoffroy Heyne, Simon Bériaux, Vincent Lontie et Nicolas Vandeweyer a provoqué une irrésistible folie dans un public désormais consistant. Provoquant même un circle pit dans ses rangs… ou peut-être était-ce une chenille, en fait! Ne craignant pas les mouvements de foule, Gonzo a aussi invité une vingtaine de filles (qui ont des corones) à venir faire la fête sur scène. C’est la fête aux filles sur We love the girls. Après quoi, il a bien fallu faire le ménage: « On range la scène et on est à vous. » Et de remettre ça avec les garçons et de surprendre ces mecs. « Ces hommes ont eu les couilles de monter sur scène pour défendre les droits des… homos« . Éclats de rire. Mais, le public n’était pas au bout de ses surprises… et le groupe non plus d’ailleurs: alors que le concert touchait à sa fin, tout a pété, laissant le groupe quasiment sans aucune électricité. Pour mieux finir en acoustique (« On s’en fout, on est des punks« ). Un moment incroyable pour ce qui sera sans doute le concert le plus WTF du festival qu’émaillèrent aussi une poussiéreuse et désertique chanson de vieux cowboy ensanglotté, un solo de clavier qui n’a pas eu lieu, un grand lancer
Arno, grand monsieur
Le temps d’une pause méritée et nous revoilà devant Arno. Je n’avais jamais vu un bon concert d’Arno, toujours en-deçà de mes attentes et, pour la première fois, il m’a surpris. Arno dans son costume noir, s’aérant de manière très « arnosienne », cuivré et supporté par des voix soul. Un Arno au sommet de sa forme, moins aviné aussi. Un géant ostendais capable de ne pas déroger à son surréalisme mais pouvant aussi être émouvant et poignant, moins haut en en couleur mais plus réaliste et moins caricatural, trépignant pour en découdre. Tantôt en français mais aussi en anglais. « Car on n’est pas loin de l’Amérique« , lance le chanteur, juste dans ses grognements, rockeur et crooner, à son affaire? Un Arno, pour une fois, dans ses beaux habits de grand monsieur plus que dans ceux de clown.
Standing ovation pour un magnifique Daan
Autre scène, autre Flamand, pour un autre concert au top. Daan, en forme épique pour redonner, une nouvelle fois, vie à son répertoire en formule trio avec les inconditionnels et merveilleux Jean-François Assy et Isolde Lasoen. Un Daan plus à l’aise que jamais dans son répertoire francophone, nous gratifiant même d’une perle de traduction (par Jacques Duvall, encore lui) sur Boire et conduire. Il y avait quelque chose de magnifique dans ce concert, loin du « bonnet Daan », plus près de « l’état Daan », de grâce même. Devant un public appliqué et impliqué, totalement entré dans la grandiloquence bénéfique des arrangements de ce concert. Un public nourrissant des applaudissements et même une standing ovation dès la troisième chanson devant l’incroyable performance d’Isolde sur son xylophone. Daan aussi en solo sur un Player du plus bel écrin et inattendu dans une reprise « d’une chanson que je ne joue pas souvent mais que j’adore tellement. Une chanson de 58, d’un monsieur qui, à 90 ans, vient de sortir un nouvel album. Impressionnant. » Un formidable cadeau que ce « J’en déduis que je t’aime », clou d’un spectacle hors-format, plus qu’un concert, un immense et monumental moment.
Une messe pour Kyo
De ce concert, il sera difficile de se remettre. Ce ne sera pas le cas de celui de Kyo. Kyo, dix ans d’absence, un public plus massif qu’avant. Pour un Benoît Poher en fausset, prêcheur tenant son micro comme un rappeur et le dirigeant vers le ciel. Un peu trop mièvre que pour être apprécié malgré un succès de foule bien vu des organisateurs (entre les boucles d’oreilles Kyo, les tatouages, les casquettes et les t-shirts, une dizaine de personnes avait déjà pris d’assaut les barrières à l’ouverture du festival). Un show sans surprise et attendu, pour des fans qui avaient entre dix et quinze ans (je le sais, j’en faisais partie, j’aimais bien Kyo moi, avant), il y a une décennie, et n’en sont que plus nostalgiques. Les mêmes qui sortiront du concert avec cet air un peu gêné de s’être souvenus des paroles d’un groupe dont les posters ornaient les chambres mais sont défraîchis depuis longtemps. Non, cette messe dégoulinante mais sans âme, très peu pour moi. La nostalgie, c’est bien, mais pourvu qu’elle soit artistique et pas ce bruit de fond marketé servant au mieux un quelconque apéro.
Pas de bras, pas de show au lac?
Côté verdure et côté Lac (ou peut-être est-ce plus une immense fontaine dans laquelle de nombreux festivaliers se sont rafraîchis), dernier groupe de la soirée, et non des moindres. Sharko!!! Sharko qui a force de persévérance a quand même su présenter un show énorme malgré son incertitude encore bien présente quelques heures auparavant. Et pour cause, le batteur Olivier Cox s’étant cassé le bras, pour David Bartholomé et Henri Teuk, il a fallu trouver un remplaçant en urgence. Un remplaçant qui sache appréhender les subtilités d’un répertoire à nul autre pareil. Ce fut Jérôme Copin, qui a fait plus qu’illusion, aidé par l’insubmersible Olivier Cox, quand même sur scène pour jouer d’une main (mais quelle main). Défi relevé, donc, pour marquer le grand retour d’un groupe apprécié et au grand capital de sympathie. L’appréhension a vite fait place au fun dans le chef de David Bartholomé, leader charismatique, qui s’est progressivement lâché pour faire communion avec un public de fervents fans, s’y baignant même. Des fans qui ont pu se mettre quelques belles nouveautés sous la dent. Une apothéose léchée et débordante de grandes promesses pour conclure une journée qui a soufflé le chaud et le beau.
Compte-rendu par Alexis Seny, à Spa
Et des photos 🙂
6 commentaires