Samedi francofou, la recrue des sens et la folie nocturne

Les festivités continuent à Spa qui accueille, toujours avec un plaisir fou, les Francofolies comme Namur accueillerait les Fêtes de Wallonie: en mettant les petits plats dans les grands et en sachant diablement recevoir. Ce week-end fut encore l’opportunité de s’en rendre compte avec une affiche qui, si elle était décevante pour certains amateurs, a forcé les promesses et a vu une fréquentation inouïe et des plus grands jours. On commence avec le samedi qui a joué des tours et des sens.

Et le samedi, c’est sous le soleil que nous avons pu assister au concert de MontparnassE, un habitué de l’étape spadoise pour un rendez-vous ensoleillé et un pur moment de chanson française flirtant parfois du côté de chez Goldman. Puis, il faut dire que c’était sa fête au Philippe, et pour le coup, s’il y avait moins d’invités que pour la Fête à Benjamin Schoos, le concert a brillé par la présence de vénérables chanteurs: Jean-Pierre Morgand (sans ses Avions, mais toujours aussi en forme qu’ à Stars 80) et, on vous le donne en mille et dans le désert, le toujours aussi électrique Jean-Patrick Capdevielle. Bref, on a chanté, on a dansé et la journée était pas mal lancée.

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - MontparnassE (99)

Dégustation à l’aveugle

Après quoi, nous nous sommes forcément laissés emporter dans le fantastique univers développé par La Cécité des Amoureux, le groupe qui monte, qui monte. Un tango, de la chanson française et même une expérience en langue allemande, le groupe en a étonnés plus d’un par son élégance dans ce qui restera comme un moment suspendu, un beau, maniant poésie et mise en scène théâtrale mais en restant à chaque fois juste.

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - La cécité des amoureux (26)

Cali, signe du partage pour tous

On change de sens, on prend l’allée qui nous dirige vers la scène Proximus où trois femmes sont déjà en place sur l’aile gauche de la grande scène. Des VIP? Des privilégiées? Vont-elles tenter, comme Cali, le grand saut? Rien de tout ça, pour le bonheur des personnes sourdes et malentendantes (et pour notre bonheur de voir ce Festival être réellement ouvert à tous, des enfants en poussettes aux 4×20 en rollator, le partage pour tous en somme avec les moyens qui y sont dédiés), ces trois femmes courageuses – et n’ayant pas peur de la folie inhérente à chaque concert du plus sautillant des chanteurs français- allaient traduire en signes le concert. 

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - Cali (148)

Les voilà installées, et voilà déjà Cali, assiégé par des milliers de fans. Beau en diable au soleil, exultant et exhortant la foule à « braquer le bonheur », celui d’une heure trente de bordel intégral où des chansons ciselées font toutes mouche. Cali n’hésitant pas non plus à adapter ses chansons à la mode de chez nous et de Spa: jamais on a vu un public aussi heureux de se faire traiter de « poivrot ». Et en pays Standarman, le chanteur catalan (on a même vu un drapeau flotter) a même osé parler d’Anderlecht ou plutôt Anderle…sssscccccchhhhhhhtttttttttttt. Dédiant (sincèrement) une chanson à Omar Sharif et une autre (moins sincèrement) à Sardou, provoquant un vent venu du Connemara dans les rangs de l’assistance, Cali ne s’est pas non plus privé de s’hydrater: « C’est pas du vin catalan mais c’est pas mal quand même. Cali sincère, Cali toujours aussi fort à parler avec son public dans des mots loin d’être répétés à chaque concert – comme dans 90% des cas. Cali, c’est le roi des concerts personnalisés, tissant une vraie relation sur le temps d’un concert. Et même si dans les chansons et la manière des les amener sur scène, c’est toujours un peu pareil (les photographes qui montent sur scène, un saut dans le public, très vite et ce chanteur comme fou qui part dans toutes les directions), il y a toujours de l’émotion de l’inédit.

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - Cali (96)

Comme lorsque « Bruno » nous parle de cette petite fée qui s’était posée sur son épaule, lors d’un concert des Silencers. Et lorsqu’il fait monter un petit garçon – déjà showman et s’amusant avec les milliers de personnes face à la scène-, ou qu’il s’essaye à reprendre la Beaucarnienne P’Tite Gayole, debout sous le préau des Francos. « Aidez-moi, je ne la connais pas moi!«  Le concert s’est achevé sur un triptyque très costaud L’Amour-Fou – Je sais ta vie – 1000 coeurs debout. Avant un rappel. Enfin, c’est « elle »qui me l’a dit.

Alice sur le toit et en audiodescription

Et le gros bordel, ce n’est pas fini puisque pour arriver au concert suivant – l’attendue Alice on the Roof – il a fallu jouer des coudes. « Tout ça pour une petite chanteuse comme ça« , crie une femme à fort accent liégeois. La foule est colossale, pas contenue et certains se font une raison: ce n’est pas cette fois qu’ils verront le concert de la petite prodige de The Voice. Elle entre en scène. Une petite fille est portée à bout de bras par son papa, le temps d’entrevoir la jeune chanteuse. « Qu’elle est belle, maman! » Oui, Alice on the roof, c’est comme une princesse Disney. Avec une voix dorée qui plus est. Et pour ceux qui sont trop loin de la scène que pour comprendre ce qu’il s’y passe, une interminable session d’audiodescription en bouche-à-oreilles s’entame. Enfin quand, dans l’impolitesse la plus totale, ils n’en ont pas rien à f*****. Comme ce gars, dos tourné à la scène, qui racontent à pleine voix ses plus belles bagarres pour faire frémir sa copine. Si jamais, mec, ta place, tu pouvais la donner à quelqu’un qui voulait vraiment voir le concert!

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - Alice on the roof (9)

Enfin, revenons-y car, tout de suite, nous avons été enchantés par l’univers développé par cette jeune Alice. « Je suis tout aussi excitée que vous« , et dans ce voyage ensorcelé, il fallait l’être. C’est une vraie star qui naît sous nos yeux et berce nos oreilles dans sa pop classieuse et rêvée. Après, sans doute les textes et la musique sont encore à travailler? Sans doute aussi, Alice doit faire attention à ne pas se complaire à être l’ersatz féminine d’un Oscar and the Wolf (dont elle reprend le magique « Infinity ». Sans doute, mais Alice a 20 ans, et toute une belle vie pour forger une carrière à la personnalité affirmée (qu’elle n’oublie pas tous les petits trésors qu’elle nous a offert dans The Voice, ils seront importants). Et cette fille-là a réussi le défi carrément fou, avec un EP de seulement quatre titres, de rassembler toutes les Francos à son chevet. Waowww, chapeau, ça ne doit pas être arrivé souvent en 22 ans d’histoire.

La nuit, tous les singes sont gris 

Changement de genre redoutable, après Alice on the Roof, c’est Quentin Mosimann et toute son artillerie qui ont envahi le sol spadois pour un show de démesure. Pour un peu, les Francos devenaient la Tomorrowland, des remix affûtés, des gens sautant partout et des bras tendus pour acclamer le DJ. Sans oublier les joujoux du Suisse, une scène s’élevant à une dizaine de mètres de hauteur et s’inclinant à 45° et un siège s’élevant à angle droit pour mieux tourner à 360°. Quentin sait y faire et les strass et lances-flammes ont réchauffé une nuit d’été qui n’en demandait pas tant.

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - Quentin Mosimann (155)

La tâche était donc bien compliquée de passer après Mosimann, mais Kid Noize et sa bande a été loin de démériter et a relevé le défi avec brio dans une fête qui s’apparentait surtout à la présentation du label de l’homme-singe, Black Gizah Records. Et après quelques titres en solo, le Kid s’est plus effacé pour présenter ses artistes prometteurs comme Mustii et sa voix absolument incroyable ou Evernest. Sans oublier le fidèle Senso. Un show sans fioriture mais allant à l’essentiel pour prolonger la nuit jusqu’à l’infini.

Francofolies de Spa 2015 - Samedi - Fête à Kid Noize (198)

On a, par contre, moins aimé le côté moralisateur amené par Mustii mais reflétant l’ambition du label: « On fait tout nous-mêmes, on écrit et on compose. On ne vole pas la musique des autres en la mixant. Le vol, c’est mal. » Une fausse note pour un concert qui a largement remporté l’adhésion des danseurs, oiseaux de nuit affirmé ou simples curieux. L’ère Black Gizah Recors promet du talent!

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