Un amour exemplaire, de ceux qu’on ne fait plus! (critique du bijou de Pennac et Cestac)

Quand deux géants comme Daniel Pennac et Florence Cestac s’associent, ça ne peut que donner un résultat bluffant et explosif. Un amour exemplaire, qui paraît aujourd’hui chez Dargaud, n’y déroge pas et est une formidable aventure de l’ordinaire. Avec le plus universel et le plus beau des thèmes, Pennac et Cestac semblent n’avoir jamais été faits que pour se rencontrer.

On ne les présente plus! Florence Cestac et Daniel Pennac ont depuis longtemps dépasser leur art, ils sont des stars, des icônes dans leur domaine. Quelle excitation ce fut quand j’ai appris que les deux auteurs allaient unir leurs talents (et dieu sait qu’ils sont immenses) autour de cet Amour Exemplaire. Et à la lecture de cette bande dessinée au package de luxe (Couverture brunâtre avec un coeur bien rouge en mille morceaux), on se dit qu’on a bien fait de se faufiler dans l’ombre de Pennac et Cestac. Car, tout commence, dans un petit bistrot, de manière assez abrupte, quand Florence Cestac voit arriver Daniel Pennac dans une voiture d’antiquité:

« – Qu’est-ce que c’est que cette bagnole, Pennac? T’es devenu collectionneur?

– C’est pas une voiture, c’est une histoire d’amour (…), je voudrais que tu la dessines!« 

Un amour exemplaire Daniel Pennac Florence Cestac Dargaud Bagnole

Pas de temps de présentation, pas de mise en place, nous sommes dans le vif du sujet dès la cinquième case, avec ces deux personnes qui ont le même métier depuis longtemps: raconteurs de rêves, semeurs de joie littéraire et dessinée. Et cette histoire n’y déroge pas. C’est l’histoire de Jean et Germaine Bozignac, un couple que Daniel Pennac a fréquenté alors qu’il passait ses vacances et usait ses pantalons dans le petit village de La Colle-Sur-Loup, dans l’arrière-pays niçois des années 50. Non loin de Saint-Paul de Vence. C’est là que les deux tourtereaux répudiés (l’un par sa famille issue de la noblesse, l’autre par sa famille de pouilleux égorgeurs de chats. Comme quoi l’amour ne s’invente pas) se sont installés et vivent tranquillement. Sans boulot (« En amour, le travail est une séparation« ), sans enfant (pour le même motif), le couple vit de vieux originaux de romans célèbres dont Jean a hérité et qu’il revend parcimonieusement. Sinon, ils jouent aux cartes, s’occupent du jardin et, surtout, font… « catleya » (faisant ainsi référence à un autre amour, celui de Swann, écrit par Marcel Proust).

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Et de tout ça, le petit Daniel est subjugué, captivé. Alors que d’autres gamins jouent à n’importe quel jeu autrement plus intéressant, Daniel, du haut de ses 10 ans, cherche n’importe quel prétexte pour se rendre chez ses voisins. Leur amour est si solaire qu’il rayonne sur cet enfant, qui devient un peu l’enfant qu’ils n’ont jamais eu. Et Pennac d’avouer à son frère, Bernard, « Moi, Jean et Germaine, je vais les aimer« .

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Et c’est cette histoire d’amour aussi improbable que véridique qui trouve aujourd’hui place dans votre bibliothèque, près de 60 ans plus tard. Non seulement, elle n’a pas pris une ride mais en plus, elle rejoint cette conception de l’amour pur, de plus en plus raréfié. Pas étonnant que depuis quelques années, nos journaux sont friands d’amours véritables et intemporels de personnes qui s’aimaient tellement qu’elles sont décédées à quelques heures d’intervalle. C’est ce genre d’histoire qui fait rêver à l’heure où les séparations sont faciles. Mais Un amour exemplaire est bien plus encore, c’est une chronique d’une autre époque sans jouet électronique, sans gadget, sans mobile, où l’on s’arrêtait aisément pour profiter de choses simples, où les parties de cartes étaient interminables. C’est simple, on ouvre cette bande dessinée comme un album de photos, peut-être un peu vieillies, mais tellement belles de simplicité.
Marrant aussi de voir ces retours à l’instant présent dans ce petit café, où Daniel Pennac raconte l’histoire de Paul et Germaine à Florence Cestac: le serveur un rien bourru s’est arrêté, subjugué et impatient de connaître la suite, et de plus en plus de gens s’agglutinent pour entendre et participer à cette histoire.

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Ça faisait longtemps que Daniel Pennac et Florence Cestac (habitués des déjeuners et conversations dans les bistrots parisiens) voulaient réaliser une histoire ensemble, c’est chose faite. Et au vu de leur travail, le bon moment était bel et bien arrivé, ils ont tiré le meilleur, le chef d’oeuvre de simplicité de cette belle histoire. On sent vraiment un travail de cohésion entre les deux auteurs qui ont chacun apporté leurs idées (et, pour une fois, Cestac a laissé tomber ses fameux nez ronds pour ériger à Jean un nez en quart de brie, collector!) et ont innové pour réaliser une bande dessinée efficace, fluide et splendide. Le résultat est attendrissant et parfois hilarant (cette relecture en une planche de notre histoire de Noé à Napoléon). Tout ça avec rien que de l’amour et une infinie tendresse pour ces personnages qui ne peuvent désormais que passer à la postérité. Voilà un amour qui met du baume au cœur. Un amour protégé fait de littérature et d’eau fraîche sans grandiloquence ni excès. Une ode à l’autre, qui est un peu nous aussi, qui a partagé, partage ou partagera notre vie le plus longtemps possible. et mérite une place certaine parmi les petits bijoux du Neuvième Art.

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Titre: Un amour exemplaire

Scénario: Daniel Pennac

Dessin: Florence Cestac

Genre: chronique, sentimental, humoristique

One Shot

Couleur

Éditeur: Dargaud

Nbre de pages: 64

Prix: 14,99€

Sortie: le 03/04/2015

Extraits:

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