Foxcatcher: les oiseaux se battent pour mourir (Critique)

Attendu depuis un long moment, Foxcatcher fait son entrée dans les salles belges ce mercredi. Une nouvelle réussite de Bennett Miller qui transforme Steve Carell, d’ordinaire si comique, en bourreau et fait accéder Channing Tatum et Mark Ruffalo à une autre dimension. Une histoire de lutteurs qui étrennent durement la vie mais surtout une histoire de relations humaines destructrices.

FOXCATCHER

C’est un peu le Poulidor des dernières cérémonies de distinctions filmographiques. Nominé à de multiples reprises, le nouveau film de Bennett Miller s’est cependant vu ravi les récompenses dorées (des Golden Globes aux Oscars, notamment) par d’autres films en vogue. Cela en fait-il un film moins bon, absolument pas. Différent des autres alors? Assurément. D’ailleurs, on en salivait déjà dès l’annonce sur papier du nouveau film du réalisateur de Truman Capote et Le Stratège (excusez déjà du peu). Ne fût-ce que pour les dimensions humaines aussi tragiques que fascinantes de cette histoire de sport.

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L’histoire (vraie, de surcroît) du milliardaire aussi excentrique que dérangé et patriote, John Du Pont (un Steve Carell  inquiétant et affublé de postiches réalistes – nous ne sommes pas dans J. Edgar-). Son objectif? Porter la nation américaine au plus haut du monde, en dominateur. En dominant le monde de la lutte au JO de Séoul en 1988, par exemple. Ce pourquoi ce fou, capable de commander des tanks de l’armée pour son plaisir,  décide de placer sa poigne de fer sur l’épaule de Mark Schultz (Channing Tatum), jeune athlète prometteur quoique dans l’ombre de son frère, Dave (Mark Ruffalo). Ayant tout à gagner plus qu’à perdre et bien content de se débarrasser de l’emprise et de l’aura de ce frère qui réussit tout, Mark accepte le deal et prend la direction du ranch Foxcatcher où il deviendra peu à peu entraîneur de la dream team de Du Pont, celui qui croit-on à gagner le surnom de The Eagle à force de rage musculaire. Mais comme l’enfer, c’est les autres et qu’il commence dès que vous êtes trois, le rêve de Mark va s’effondrer lorsque le frère béni autant que haï fait lui aussi son entrée à Foxcatcher. Tout recommence et la pente s’accélère sous les pieds de Mark. Et on n’a beau apprendre à être maître de soi pour mieux lutter, rien n’est aussi facile en-dehors des rings. La descente aux enfers s’annonce violente, précipitée par ce sympathique John Du Pont qui se révèle être un tyran capricieux et dangereux.

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Combien de destins sportifs se sont vus contrecarrés par des mauvaises gestions de carrière, des coups durs, des déceptions? Sans doute, Foxcatcher en atteint-il un des paroxysmes, en installant sa torpeur et ses rouages machiavéliques pendant plus de deux heures.  Deux heures où se tendent et se détendent les relations entre les personnages (Mark Ruffalo et Channing Tatum qui jouent divinement bien!), deux heures où Steve Carell montre toute son amplitude dramatique dans la peau de ce magnat fragile et dont les seules victoires en lutte tiennent à des pots-de-vin bien négociés. Un homme aussi riche que désespéré de n’avoir rien fait et de n’exister que dans l’ombre de sa mère. Un homme qui, de temps en temps, ouvrent sa volière et laisse s’échapper ses lutteurs prisonniers. C’est l’histoire du pouvoir qui fait plier et celle de l’argent qui sait payer le prix des suppliciés. Foxcatcher devient alors un étau, un huis pas si clos dans un piège qui se referme lentement. Ce n’est plus de la lutte, c’est du catch mental pour tenir le plus longtemps possible sans péter le câble qui lentement se détache. Et si les combats qui font rage sont âpres, dès le premier coup asséné, que dire de la violence mentale et psychologique qui se dégage de ce film, nettement bien mené jusqu’à une fin dont on sort abasourdis.

Un film sportif, oui, mais qui cogite et bouscule et dresse le portrait d’une certaine Amérique et, surtout, d’un certain sens de l’Amérique. Celle à qui Du Pont voulait « donner l’espoir en donnant un rêve à ses lutteurs ». Il ne leur avait pas dit que ce rêve était… un cauchemar.

4/5

Réalisé par: Bennett Miller

Acteurs: Channing Tatum, Steve Carell, Mark Ruffalo, Vanessa Redgrave, Sienna Miller…

Genre: Drame, Sportif

Origine: États-Unis, 2014

Durée: 2h14min

Sortie belge: 25/02/2015

Distributeur: A Films

En prime, quelques (somptueuses) images d’un film qui l’est tout autant:

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