J’ai toujours apprécié ce que faisait Dan. Mon premier contact avec celui qui compare son accent aux seins (« Plus t’en as, plus on te remarque mais moins t’es écouté!« ) remonte à quelques années déjà. Une rencontre fortuite, au détour d’une salle de cinéma du Festival International du Film Francophone de Namur (oui oui c’est plus court de dire Fiff!) pour la présentation d’un long-métrage de circonstance, canadien et très humoristique: Starbuck (celui-là même dont le talent n’avait d’égal que le piteux état de ses remakes indignes, avec José Garcia en France et avec Vince Vaughn aux States). Bref, ce soir-là, Dan Gagnon était encore loin des Late Shows et de l’éclairage tout ertébéen mais se montrait déjà comme un intervieweur de choc face au réalisateur Ken Scott. Deux ans plus tard, il me donnait aussi l’occasion de le faire passer de l’autre côté du micro pour répondre aux questions d’une de mes toutes premières interviews, sur les ondes de LNFM (la radio néolouvaniste).
À l’époque, l’homme n’était pas à un défi près et s’était mis en tête de remplir le Cirque Royal et ses 2000 places pour son tout premier one-man-show, L’excellent spectacle de Dan Gagnon. C’est pour ce spectacle sorti depuis quelques jours en dvd que j’en parle aujourd’hui à l’heure où le Belgo-Québécois (on m’a dit de ne pas dire d’un Québécois qu’il était Canadien!) se lance non pas un mais deux nouveaux défis. J’en toucherai un mot, mais avant ça, que vaut-il ce dvd? Hé bien autant ôter tout soupçon, ce spectacle (le dernier de la tournée, enregistré à Namur) n’est rien de moins que ce qu’on pouvait en attendre, et même plus: réjouissant et absolument bien vu. Dan Gagnon est comme une pile électrique sur scène, compilant les mimiques et imposant un rythme élevé à coup de blagues bien souvent percutantes.
Ainsi sur 1h25 de spectacle, Dan Gagnon parle tout le temps, sans interruption et tout en transitions naturelles entre les blagues et thèmes. Il faut dire que dans cet excellent spectacle (difficile de nous faire dire qu’il est mauvais, du coup), le plus belge des Québécois a mis toute son expérience de la Belgique. À commence par son départ presque impromptu (pour suivre une stagiaire belge devenue sa copine, avec des valises soigneusement préparée par sa maman) sans passeport, ni permis de séjour, ni permis de travail (ce qui lui vaudra une savoureuse réflexion quant au joyeux fonctionnement de l’administration belge où pour avoir un permis de séjour il faut un permis de travail pour lequel il faut un permis de séjour! « Mais prenez quelques minutes de vos 4 heures de pause et parlez-vous!« ). Doté d’un sens de l’observation aigu et d’un pouvoir inégalé de l’hyperbole jouissive, Dan Gagnon nous conte ainsi ses aventures aviatrices entre Québec et… Marche-en-Famenne (l’endroit rêvé pour passer le restant de sa vie: « Comment les copains vont être jaloux quand je leur enverrai des cartes postales de Marche-en-Famenne« ), son arrivée à l’aéroport de Bruxelles (pas l’aéroport Sud, hein, l’autre! ce qui vaudra au nouveau venu de se demander si « les Bruxellois s’appellent les Carolos du Nord? »), la découverte de Louvain-la-Neuve et de l’impact d’une augmentation du prix de la bière ou encore son étonnement de la fascination qu’ont les médias pour la neige.
Au final (de ce qui n’est qu’un commencement tant on espère qu’il y aura bien d’autres spectacles de cet humoriste de talent), Dan Gagnon, c’est une tempête de fraîcheur sur l’humour belge. Un zeste de tendance anglo-saxonne mais surtout une affaire d’histoire personnelle et de regard décalé de ce trublion profondément attachant. Un humour qui fait mouche à chaque instant aussi, travaillé et ne laissant rien au hasard (même si on ne retiendra pas forcément le passage sur les scouts). Et si « un Québécois en Belgique c’est comme une fille qui serait plus belle en vrai que sur Facebook« , c’est bien plus que ça aussi, comme la redécouverte hilarante de notre pays, un pays dont, parmi les principales notoriétés, on notera le… rond-point (« le GPS du pauvre ») et les PV’s. C’est décapant et totalement réjouissant. Déjà un des incontournables de ses dix dernières années.
Puis, il y a les bonus; « Ca ne sert à rien de les regarder » dit Dan Gagnon dans le premier bonus où il retourne à Montréal. Pourtant, ils valent leur pesant, outre un extrait de ce qui attendra les spectateurs lors du deuxième spectacle, Dan fait aussi, chose rare!, l’honneur à l’humoriste PE de voir ses dix minutes de premières parties inclues dans les bonus. L’occasion de constater l’éclosion d’un humoriste qui dit les choses et n’a décidément pas sa langue dans sa poche. Notamment l’hilarante réflexion sur The Voice! Un bonus qui est un joli clin d’œil et remerciement!
Enfin, il y a ces deux nouveaux défis. Le premier est quasiment réussi, et même plus. Puisqu’il y a un peu moins de 3 semaines, lors de la sortie officielle du DVD, Dan annonçait pirater son DVD en le proposant au téléchargement illégal via T411, un site de torrents:
Depuis, l’opération a fait l’objet d’un partage intensif, d’articles de journaux et de réactions et encouragements de la part des internautes. Car si la proposition de l’humoriste va à contre-sens des bonnes mœurs anti-piratage, elle a aussi prouvé qu’elle fonctionnait. Voilà ce que Dan écrivait jeudi sur son facebook: « Il y a deux semaines, j’ai piraté le DVD de mon premier spectacle le jour de sa sortie. J’espérais que les gens en parlent et le regardent. 2559 personnes l’ont téléchargé. Les médias belges (La Libre, SudPresse, L’Avenir, NRJ, Fun radio) et français (GoldenMoustache, FranceTVinfos, Spi0n) en ont parlé.
J’avais parié sur le fait que ça n’allait pas influencer les ventes. J’avais tort. On en a vendu plus que les prédictions. Merci. (Je n’aurai les chiffres exacts qu’en 2015. Et si ça intéresse quelqu’un je les lui donnerai avec plaisir. Pour l’instant, on n’a que les tendances.) »

Et l’humoriste ne compte pas s’arrêter là. Suite à ce message, il appelle à pirater sa tournée. « Je vais pirater ma tournée. Le concept est simple : Pas besoin de payer avant le spectacle. L’entrée est libre. Vous regardez le spectacle. Si vous avez envie de payer à la fin, faites-le. Et donnez ce que vous voulez. » Ainsi, un premier test (sold out en un week-end) aura lieu au Théâtre 140 à Bruxelles le 20 mars, des enveloppes seront posées sur chaque siège et chaque spectateur mettra (ou pas) la somme qu’il veut. Anonymement, et ni vu ni connu. L’humoriste se donne les vacances pour réfléchir aux étapes suivantes, de ce qui pourrait bien devenir une manière d’attirer un nouveau public sans perdre celui déjà acquis!
Rappelons aussi que Dan Gagnon vient de terminer avec succès sa 2ème saison et sa 28ème émission du Dan Late Show qui s’est imposée au fil du temps comme une émission phare et loin d’être risible face aux exemples de Late Show anglo-saxon. Dan brille aussi dans les émissions Sans Chichi.
L’excellent spectacle de Dan Gagnon, Kings of Comedy/Rtbf, 120 min, 15€.
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