Actuellement Le Théâtre Royal du Parc accueille pour ce début d’année une grande dame de l’art lyrique qui est aussi comédienne, la soprano Natalie Dessay, dans une comédie théâtrale qui met en scène onze comédiens, chanteurs et musiciens: L’Impresario de Smyrne.
Cette comédie tirée de L’Impresario de Smyrne (1759) et du Théâtre Comique (1750) de Carlo Goldoni, se passe à Venise dans le monde de l’Opéra, et est mise en scène par l’un des plus talentueux metteurs en scène de sa génération, Laurent Pelly.
Dans la flamboyante Venise du 18éme siècle, les esprits s’agitent et les egos se gonflent autour d’un riche turc qui s’improvise » producteur » pour créer à Smyrne, sa ville natale, le plus fabuleux opéra de tous les temps. De la diva jusqu’au librettiste, tout le cercle du spectacle est en effervescence. ( source Théâtre Royal du Parc)
De la mise en scène jusqu’aux décors, cet Impresario de Smyrne, surprend et fascine à la fois par sa critique ample et très complète du monde des divas, dénonçant à la fois l’insolence des acteurs et la nonchalance des directeurs. Il nous montre la face pathétique et touchante de ces stars de pacotille dans ce bouillant microcosme des artistes lyriques à Venise.
Ce qui surprend lorsque la pièce commence, c’est que nous sommes face à un plateau penché comme le pont d’un bateau qui tangue et qui accueille le jeu des comédiens. La pâleur des visages et les costumes noirs et blancs des personnages qui se promènent sans but précis et désorientés sur la scène, mais comme un seul homme, accentue la notion de perte de repaires et de solitude qui les habite dans cette lutte intestine pour décrocher les premiers rôles de cet opéra illusoire. Les spectateurs aussi se perdent un peu lors des premiers instants face à cette mise en scène géniale mais atypique, mais passé ces moments de surprise, on est très vite conquis.
Placés en contrebat du plateau comme s’ils étaient partiellement en coulisses, des musiciens, violon, clavecin et violoncelle, animent de leur talent musical l’intrigue qui se déroule sous nos yeux et nous confronte à la vie d’artiste à cette époque, qui est peut être encore d’actualité aujourd’hui. Coûte que coûte et même à n’importe quel prix ces divas et chanteurs lyriques veulent absolument s’imposer dans la compétition qui les oppose, et dans ce but se montrent féroces et cruels les uns avec les autres.
On est ici face à du pur théâtre comique satirique, et lyrique bien sûr. Car quand on a la chance d’avoir dans la distributions une soprano internationale de la classe de Natalie Dessay, excellente par ailleurs dans son registre de comédienne, on s’attend aussi à pouvoir vibrer à quelques performances vocales de haut vol.
D’ailleurs c’est le cas, mais hélas trop rarement, car la pièce est prétexte à quelques beaux moments de chant lyrique, mais on aurait aimé en voir plus tant l’échantillon du talent de la diva nous met l’eau à la bouche.
Toute la distribution est parfaite et Julie Mossay, Eddy Letexier, Thomas Condemine, Cyril Collet, Antoine Minne, Jeanne Piponnier et en alternance Raphaël Bremard et Damien Bigourdan s’acquittent tous brillamment de leurs rôles respectifs.
En conclusion on passe donc un excellent moment avec cet Impresario de Smyrne, sorte de bûcher des vanités burlesque où la perte de tout amour propre conduit les personnages jusqu’à l’abandon de soi et de toute fierté personnelle dans le seul but de remporter le graal ultime, le rôle de la prima donna.
L’Impresario de Smyrne se joue au Théâtre Royal du Parc jusqu’au 17.02.2024, et il serait impardonnable de passer à côté d’un tel spectacle rare et à l’énergie communicative.
Un seul conseil, allez l’applaudir au plus vite !
Jean-Pierre Vanderlinden
Réservations et infos ici : https://www.theatreduparc.be/event/limpresario-de-smyrne/