Yann Dégruel, auteur de BD le jour, veilleur de nuit: c’est pas de tout repos mais ça allume votre humanité!

© Dégruel chez Delcourt

Un boulot alimentaire, ça peut aussi nourrir votre humanité. Dans un roman (autobio)graphique, Yann Dégruel raconte ce qui l’a sorti de l’impasse causée par la précarité qui tient au corps de tellement d’auteurs de BD. Mais quand elle est votre (ou une de vos) raison d’être, on cherche comment faire pour encore vivre ce rêve tout en le rendant tenable financièrement. C’est comme ça que Yann a pris une passerelle entre deux mondes, un job de veilleur de nuit (et bien plus que ça) dans ce que d’aucuns appellent une maison de « fous ». De doux, surtout.

Résumé de l’éditeur : En situation difficile, Yann Dégruel, auteur de BD, devient veilleur de nuit dans une maison de type TSA: Troubles du Spectre Autistique. Les résidents vont l’amener à changer le regard qu’il porte sur les handicapés et sur lui-même… Un album « pour leur faire une vraie place dans cette société qui a tendance à les exclure, pour que nous devenions tous des Veilleurs, comme je l’ai été pour eux et comme ils l’ont été pour moi. »

© Dégruel chez Delcourt
Comment Yann est-il arrivé là, sacrifiant ses nuits pour s’offrir du temps, en journée, de bosser ou s’endormir sur ses planches? C’est parce que sa situation, précaire, mal payée pour tant de labeur accompli, avec précision et engagement pour que vive le livre, est le fruit d’une surproduction mais aussi et surtout du jeu cynique de pas mal d’éditeurs. La loi du marché. Pourtant dessiner reste un beau métier, capable d’imaginer la fiction ou de représenter la réalité, avec les émotions, l’action, la tension, l’engagement, le tout à moindre coût : la sueur d’un ou plusieurs fronts et la mine d’un crayon, le jet d’une encre… Le dessin peut-être comme une résistance à la morosité et aux fardeaux légués par une vie qui n’est pas égalitaire pour tout le monde, comme une mémoire du papier d’une expérience bouleversante.
© Dégruel chez Delcourt
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Dans un style appelant plus à la BD gros nez et semi-réaliste qu’à celle de reportage, Dégruel livre ici une partie de sa double vie. Au fil des jours, des semaines et des mois, il nous raconte sa mission de veilleur de nuit. Qui a dit que celui-ci n’exerçait que dans les musées, les supermarchés ou les entreprises, veillant à ce que chaque chose soit à sa place. Oui, on parle d’objets, de technologies, en général. Dans l’histoire authentique de Yann Dégruel, il s’agit bien de personnes, extraordinaires mais exclus de la société, placés par leur famille à cause de troubles difficilement gérables. Et, dans son genre, Yann fait une entrée fracassante dans ce monde, avec quelques bévues mémorables, comme s’endormir au boulot le soir de son premier jour dans cette institution bien campée mais guère située, pour préserver son anonymat.

© Dégruel chez Delcourt
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Il faut être au taquet dans ce genre de profession, être prêt à intervenir à tout moment, calmer les énervés, consoler les émotifs, gérer les piluliers. Puis revenir au monde extérieur chaque matin, participer quand même à quelques festivals quand il n’y a pas de conflits horaires, mais aussi faire des interventions dans des classes d’école, autant d’activités qui renforcent le propos et amènent d’autres visions sur la noble mais difficile (et pas toujours valorisée) tâche que Yann doit exercer comme employé d’une maison de soins. Veilleur de nuit, c’est avant tout garder les yeux bien ouverts. Yann Dégruel l’a bien compris et des yeux à la main il n’y a qu’un pas pour nous divertir et nous éduquer avec le fruit de son expérience, et quelques trésors d’humanité qui ont contribué à faire de lui un être humain meilleur et plus ouvert, avec un réel manque après qu’il ait fait le choix de quitter ses amis qui avaient autant besoin de lui que lui avait besoin d’eux à cette période de sa vie.

© Dégruel chez Delcourt
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À lire chez Delcourt.

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