Novecento actuellement au Théâtre Le Public. Pourquoi descendrais-je de ce bateau pour rencontrer le vaste monde ?

Au Théâtre Le Public, Pietro Pizzuti reprend Novecento de Alessandro Barrico dans une mise en scène de Michel Kacenelenbogen. Un seul en scène impressionnant proposé ici dans une (trop ?) grande sobriété visuelle et musicale.

Seul en scène, Novecento vous emmène pour une croisière splendide. Il est pianiste. Sa maison c’est l’Océan. Né sur le bateau, il n’a jamais mis pied à terre. Terriblement doué et virtuose, naviguant sans répit sur l’Atlantique, Novecento passe sa vie à interpréter une musique sublime dont l’écho se répand dans tous les ports, à travers le monde, jusqu’à cette provocation en duel… musical.

Tiré d’un mince bouquin d’environ septante pages, Novecento la pièce, fut sublimée à Paris par l’interprétation exceptionnelle d’André Dussollier  au Théâtre de la Porte- Saint- Martin. Une interprétation qui a valu à l’acteur français un Molière du meilleur comédien en 2015.

Dussollier étant un conteur exceptionnel, il embarquait le public dans un voyage théâtral et musical formidable au coeur d’un décor magnifique et accompagné d’un quatuor de musiciens de jazz virtuoses. Un spectacle total !

Cette interprétation et cette remarquable mise en scène avaient suscité chez moi l’envie de voir la pièce en Belgique portée cette fois par le talent indéniable du comédien Pietro Pizzuti.

Et c’est pourtant relativement déçu que j’ai quitté la salle hier soir, sans doute mes attentes étaient elles trop importantes.

Boodman T.D. Lemon Novecento, est un jeune homme né en 1920 sur un navire qu’il ne quittera jamais…

Novecento est un monologue aux métaphores vertigineuses qui se doit d’être servi au public par un comédien exceptionnel, sorte de diamant posé dans un écrin digne de sa grande valeur, afin d’en tirer la magnificence cachée. Et puis ce monologue nous parle de musique qu’on nous décrit comme pleine de légèreté et de fantaisie.

Mais cette musique où est elle ? Dans la version qui nous est proposée elle est concrètement quasi inexistante, à peine quelques notes à la fin de la pièce. On aurait aimé l’entendre cette musique, qu’elle soit présente comme un personnage à part entière et qu’elle nous emporte réellement, plutôt que de devoir l’imaginer.

Et puis il y a cette mise en scène très sobre et somme toute assez figée, qui est aussi certainement un parti pris, mais qui ne constitue pas l’écrin rêvé dont je parlais précédemment. Idem pour le décor réduit ici à sa plus simple expression.

Pour Novecento la terre est un bateau trop grand, une femme trop belle, une musique qu’il ne sait pas jouer. Pourquoi devrait il mettre pied à terre au lieu de pouvoir se contenter de ce qu’il a et qui lui convient ?

Quant à Pietro Pizutti dont la réputation n’est plus à faire, c’est un excellent comédien, mais il nous conte un texte que je trouve inégal fait de moments de bravoure, mais aussi de certains passages moins prenants qui se traînent un peu, et durant lesquels l’attention du spectateur a tendance à fléchir.

Encensé par une majorité de critiques et ovationné comme il se doit un peu partout – je dois être l’exception qui confirme la règle – ce spectacle ne m’a pas accroché autant que j’en rêvais et m’attendais à l’être. Il s’agit bien sûr d’un avis totalement subjectif, chaque spectateur réagissant différemment à la pièce en fonction de sa sensibilité personnelle, et c’est par ailleurs tout l’intérêt de l’art en général.

Mais ne vous y trompez pas, Novecento reste de toute évidence une belle performance d’acteur à voir, un joli moment de théâtre qui ne peut qu’être salué comme il se doit.

Jean-Pierre Vanderlinden

Novecento se joue actuellement au Théâtre Le Public jusqu’au 18/06.

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