
Attention, voilà une petite pépite à laquelle on ne s’attendait pas forcément mais qui nous emporte dans son monde de truands, borderline et en gouaille, très typique et pittoresque. Le Grizzly, c’est un polar, c’est une comédie, et bien plus encore: une incursion dans des années folles et délurées, révolues mais dans lesquelles on aime retourner. Avec le vocabulaire pas piqué des hannetons qui va bien et qui fait chanter la BD. Bienvenue dans le Paris du Grizzly, qui retourne sur les terres bénies des films noirs français de la grande époque, et c’est un poème.

Résumé des Éditions Dargaud : Ancien boxeur, le Grizzli doit son surnom autant à sa carrure qu’à sa pilosité ! Avec ses copains Toine et Jo, c’est à la vie et à la mort, leur passé tumultueux n’y est pas pour rien. Désormais rangés, ils semblent mener leur petite vie, peinards. Alors, quand un affreux surnommé Bébert-la-Gambille, fraîchement sorti de prison, veut régler ses comptes avec Jo pour une sombre histoire d’argent, les trois amis s’entraident.


Après Le Choucas, Le Gorille, voilà le Grizzly, ben voyons. Les truands sont souvent des animaux, faut dire. Avec ce premier tome du Grizzly, Matz et Fred Simon signent là une première et sacrée collaboration en imaginant ces héros d’un autre âge, papys flingueurs sur le retour, tomber sur plus fort qu’eux.


S’ils ont trempé dans des affaires pas très claires, le Grizzly et Toine se sont rangés, l’un dans les voitures, l’autre dans les canassons, mais n’en ont pas oublié le sens de l’honneur et de l’amitié. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un ami, surtout quand le sort et l’injustice s’acharnent sur lui. Jo a la racaille de la pire espèce aux trousses, en quête d’un mystérieux butin disparu (on ne peut vraiment faire confiance à personne), et les deux amis vont créer la diversion, tout en essayant de comprendre et de mener l’enquête (bizarre quand, fut un temps, on essayait de brouiller les pistes) sur ce qui a pu entraîner Jo dans la spirale infernale qui le met maintenant en sursis.


Pas facile de réinventer le genre et le décor. Mais quand on voit le travail accompli par Matz, on a en général confiance. Et on fait bien. Avec Fred Simon, le scénariste forme une association qui détonne. Et dans détonner, il y a le « ton ». Celui trouvé par les deux malfaiteurs pour notre plus grand bonheur est direct et efficace. Ils ont plongé dans le vocabulaire argotique pour en sortir des pépites. Du genre à vous mettre des image, en plus des dessins terribles de Fred Simon, en tête. Double-action, pendant que nos « héros » font souvent double-peine. En plein jour ou dans la nuit, dans des lieux mythiques de la Ville-Lumière (dont l’ombre profite au crime) ou dans ses coins plus anonymes, ce premier opus fait la part belle autant à l’action qu’aux dialogues, avec cette richesse lexicale qui m’a complètement fait friper. On n’est pas chez Blake et Mortimer, ça vit dans la moindre lettre de chaque dialogue. Et l’action graphique n’est jamais en reste, ça tape, ça file dans la nuit, ça culbute et ça chute. Avec un vrai concours d’expressions et de grimaces entre tous les protagonistes bien campés de cette histoire simple et complexe à la fois, dans laquelle les femmes ne sont pas les dernières à avoir leur bon mot à dire. Un bijou taillé par des maîtres du polar en verve et un peu burlesque et vaudevillesque.


À lire chez Dargaud.
