Face au deuil ou pour braver les interdits absurdes, l’imagination et les arts peuvent se révéler bien essentiels: Salamandre, semi-autobiographie d’INJ Culbard

© Culbard chez 404 comics

Sur les clématites, froissées, un rayon de vélo en mauvaise posture, et une photo souvenir, grise, qui tranche avec le soleil renvoyé par les fleurs. C’est comme ça, avec cette couverture interrogatrice, que le natif de Greenwich aux origines polonaises (ça aura son importance) I.N.J. Culbard – créateur notamment d’Umbrella Acadamy – nous entraîne dans une aventure semi-autobiographique qui témoigne de la rétention des arts mais aussi de l’impossibilité de brider l’imagination des lecteurs même quand les héros en sont en panne.

Résumé de 404 Comics : Kaspar Salamandre est un jeune artiste endeuillé qui est envoyé vivre chez son énigmatique grand-père dans un pays gouverné par un régime oppressif, où il ne peut y avoir qu’un être adulé : l’Empereur. Dans ce pays où les fleurs sont des objets de contrebande où la musique est illégale et dans lequel l’art se crée dans la clandestinité, Kaspar découvre un monde peuplé d’artistes révolutionnaires, d’espions et de membres de la police secrète. Kaspar Salamandre est un jeune artiste endeuillé qui est envoyé vivre chez son énigmatique grand-père dans un pays gouverné par un régime oppressif, où il ne peut y avoir qu’un être adulé : l’Empereur. Dans ce pays où les fleurs sont des objets de contrebande où la musique est illégale et dans lequel l’art se crée dans la clandestinité, Kaspar découvre un monde peuplé d’artistes révolutionnaires, d’espions et de membres de la police secrète.

Cet album commence par une carte. Oubliez le monde tel que nous le connaissons. Parmi les océans de Saint-Nicolas, une île, Les débris, divisée en deux : La république de Montparnasse et l’Empire du monolithe. Les deux sont connectés, mais on n’y vit pas de la même manière. Et d’un bout à l’autre, Kaspar va être brinquebalé, pendant que sa mère a des choses urgentes à régler. Pour cause, le célèbre Swann Salamandre vient de mourir.

© Culbard chez 404 comics

Et Swann, c’était le père de Kaspar, son complice, son initiateur, son inspirateur. Kaspar ne peut y croire, le jour d’avant, sous son scaphandre, il terrassait encore un poulpe géant, son héros de père. Il était immortel, impossible. Mais les comics fait main qui amusaient la galerie à l’école ont laissé place à la feuille blanche. En état de choc, Kaspar ne peut plus rien inventer. Peut-être qu’un changement d’air, de l’autre côté de la frontière, chez son grand-père s’impose.

© Culbard chez 404 comics

Kaspar n’est pas forcément proche de ce vieillard spécial, jardinier à ses heures. Oh s’il fait des galettes, ce n’est pas un papi gâteau, sans doute l’austérité de son pays et le climat de méfiance qu’il inspire, d’obéissance même, n’y sont-ils pas étrangers. Ici, il faut faire gaffe en qui vous placez votre confiance, les apparences peuvent être trompeuses. Pas celles des soldats braillards et patibulaires qui contrôlent chaque passager du train qui emmène Kaspar dans l’Empire du Monolithe, ils ne font pas illusion. Mais il y a ce bonhomme rondouillard et sympathique, cet homme bien placé au ministère qui fait affaire avec son grand-père. Mais quand on a l’âge de Kaspar, et sa naïveté, on peut faire des faux pas. Pourvu qu’ils ne soient pas irréparables.

© Culbard chez Dark Horse Comics

Dans ces vacances mystérieuses de l’autre côté du rideau, I.N.J Culbard fait appel à notre Histoire proche et à un peu du 1984 d’Orwell, leurs figures imposées et l’autoritarisme qui se cache dans des choses qui paraissent pourtant inoffensives (des fleurs, écouter de la musique et danser, ainsi dans une sublime scène les héros font la fête sans un bruit), mais déroule surtout une histoire qui échappe aux références pour suivre l’instinct, les craintes, les doutes, les élans de son jeune héros, seul au monde mais entouré de personnages hauts en couleur, singuliers autant que secrets, résistants malgré la première impression qu’ils peuvent laisser. Dès le début de cette aventure, on pensait pouvoir passer les frontières entre la (sinistre mais capable d’être contrebalancée) réalité et la fiction. Sous les mains de Kaspar, des dessins d’enfants qui créent l’aventure fantastique et super-héroïque.

© Culbard chez 404 comics
© Culbard chez 404 comics

Mais pour tout le reste du récit, notre héros étant bloqué, le passage entre rêve et réalité est bouché, et c’est son quotidien sans artifice qui se donne à voir, entre bras baissés et regain d’envie. Mais avant de relancer la machine, il y a du travail. Et si l’action est bien obligée de se produire, intense et explosive, à un moment donné, c’est au quotidien, à la puissance des arts, à leur pouvoir de résistance et de contre-pouvoir (y compris quand ils donnent l’impression du contraire) qu’I.N.J. s’intéresse avec cet album généreux et bien mené, qui passe par toutes les émotions et fait grandir. Mais nous laisse un peu sur notre faim, au final, à force de ne pas assez entretenir le mystère, le lecteur comprenant très vite ce qu’il se passe, malgré d’ingénieuses trouvailles. Et cette montre qui tique-toque-tique-toque et ne mène finalement pas à grand-chose. Ce qui n’enlève pourtant rien à la fascination que j’ai éprouvée à la lecture de ce beau roman graphique. Avec de l’imagination, de la réinvention, on va loin. D’ailleurs, les super-pouvoirs ne compensent pas le manque de jugeotte, les super-héros qui n’en sont pas pourvus ont du souci à se faire. Mais l’imagination, ça vous sauve de bien des mauvaises passes.

© Culbard chez Dark Horse Comics
© Culbard chez Dark Horse Comics

À lire chez 404 Comics.

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