« La Nuit des rois » au Théâtre Royal du Parc, ou comment Shakespeare s’attaque à la folie de nos prétendues sagesses

Actuellement sur les planches du Théâtre Royal du Parc « La Nuit des Rois » de William Shakespeare, un conte savoureux qui émerveille par son atmosphère de rêverie amoureuse. C’est Daphné D’Heur (Le Chevalier d’Éon, Une flûte enchantée) qui met en scène cette comédie brillante et divertissante accessible à toutes les générations.

La Nuit des Rois se déroule en Illyrie où règne le duc Orsino, amoureux de la belle et riche comtesse Olivia. Cette dernière est en deuil de son père et de son frère, et repousse ses avances. Une tempête provoque le naufrage d’un navire venant de Messine qui transporte Viola et son jumeau Sébastien. Les deux jeunes gens survivent au naufrage mais échouent à deux endroits différents de la côte, chacun croyant qu’il a perdu son jumeau. N’étant plus sous la protection de son frère, Viola se déguise en homme et se présente à la cour d’Orsino sous le nom de Césario. Le duc lui offre de devenir son page et la charge de plaider sa cause auprès d’Olivia. Cette ambassade ne plaît guère à Viola, secrètement amoureuse du duc, mais ravit Olivia qui est immédiatement séduite par ce beau jeune homme.

Si la musique est nourriture d’amour, joue encore,
Donne-m’en à l’excès afin que, rassasié,
Mon appétit languisse et meure.
Encore cette mélodie, elle avait une cadence mourante:
Oh ! elle m’a flatté l’oreille comme la douce brise
Qui souffle sur un lit de violettes,
Répandant le parfum qu’elle leur a dérobé. Assez, arrête; (Le Duc)

On est ici à des lustres de la dramaturgie de Hamlet, Othello, Le Roi Lear ou Macbeth, on nage en pleine comédie basée sur les quiproquos et le travestissement des protagonistes. La pièce propose aussi une tonalité loufoque, presque carnavalesque, baroque et jubilatoire emprunte de poésie de bouffonnerie et de faux-semblants.

Le travail de mise en scène de Daphné d’Heur qui s’attaque pour la première fois à Shakespeare est plus que louable et s’appuie sur les talents de nouveaux visages et de comédiens aguerris bien connus au Théâtre du Parc comme Anouchka Vingtier, Cindy Besson , Margaux Frichet, Soufian El Boubsi, Nicolas Ossowski, Benjamin Van Belleghem, Enea Davia , Maxime Laal Riahi et Valentin Vanstechelman. Sans oublier l’incroyable Didier Colfs totalement irrésistible dans le rôle de Malvolio. Sa performance est inoubliable!

Très souvent dans cette pièce le rire est proche de la cruauté, voire de la violence, avec une trame alambiquée et complexe. On se délecte également des envolées épiques du fou constituées d’un joli lot de vérités.

 » Esprit, si telle est ta volonté, inspire-moi d’heureuses folies !

Les gens d’esprit qui croient t’avoir en partage font souvent preuve de folie;

et moi qui suis sûr d’en être dénué, je peux passer pour sage.

Car que dit Quinapalus ?

« Mieux vaut un fou spirituel qu’un bel esprit qui est fou. » ( Le Fou )

La pièce se joue en deux actes: une première partie d’1h20 durant laquelle l’action pose ses marques et apparaissent à mon sens quelques longueurs, et une deuxième de 55 minutes, plus virevoltante et enlevée où le spectateur se régale avec bonheur de l’écriture shakespearienne.

Mention spéciale aussi à la scénographie signée Vincent Bresmael et Mathieu Delcourt avec un décor inventif et soigné comme à chaque fois au Théâtre du Parc.

Avec La Nuit des Rois, le Théâtre Royal du Parc continue à nous proposer du théâtre de qualité accessible à tous dans une approche familiale, ce que peuvent parfois lui reprocher certains critiques. Personnellement je me réjouis de ce parti pris de vulgarisation au plus grand nombre qui par la force des choses ramène un nouveau public au théâtre d’une part, et n’empêche nullement d’autre part de proposer des spectacles plus classiques ou plus rudes comme ce fut le cas précédemment avec Les Atrides ou Macbeth mis en scène par Georges Lini, ou un 1984 adapté par Thierry Debroux dérangeant et perturbant. Tout le monde y trouve donc son compte, et je dis bravo.

La Nuit des Rois présente donc un spectacle total et réjouissant visible jusqu’au 18 février au Théâtre Royal du Parc.

Une très belle manière d’honorer le talent et l’écriture d’un des plus grands auteurs de notre temps : William Shakespeare!

Jean-Pierre Vanderlinden *** (c)Photos : Allan Beurms

 

LA NUIT DES ROIS

19.01.2023 > 18.02.2023

de William SHAKESPEARE

Avec Cindy Besson, Didier Colfs, Enea Davia, Soufian El Boubsi, Margaux Frichet, Maxime Laal Riahi, Nicolas Ossowski, Benjamin Van Belleghem, Valentin Vanstechelman, Anouchka Vingtier

Mise en scène Daphné D’Heur

Scénographie Vincent Bresmal et Matthieu Delcourt

Costumes Anne Guilleray

Lumières Philippe Catalano

Maquillages et coiffures Florence Jasselette

Chorégraphie des combats Jacques Cappelle

Infos et réservations : https://www.theatreduparc.be/saison-en-cours/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.