Dernier week-end de janvier: solitude d’un auteur de BD dans le bain de foule d’Angoulême jusqu’à l’apparition d’une lectrice tout sauf lambda

© Vivès chez Casterman

Oh, une éclaircie, profitons-en pour gagner la librairie la plus proche. C’est vrai que le mois de septembre fut gris, froid, d’une humidité qui remonte dans les guiboles. Il a fallu résister pour ne pas allumer trop vite poêles et radiateurs, par les temps qui courent… Bref, un temps comme on peut y être sujet le dernier week-end de janvier, par exemple. Le moment choisi pour tenir le bien connu festival de la BD d’Angoulême, dont tout le monde revient croqué. Ou craqué. Bastien Vivès s’y plonge dans son nouveau roman graphique, dans la solitude des grands espaces, malgré la file d’attente devant les tables de dédicaces. Avec, pourquoi pas en BO, une musique qui dirait « Il ne rentre pas ce soir » mais pour une autre raison que Schmoll.

Résumé de l’éditeur : Denis Choupin, dessinateur reconnu de la série Opération Hitler, arrive à Angoulême pour le traditionnel Festival International de la Bande Dessinée. Entre séances de dédicaces, repas sur le pouce et vieux copains croisés en coup de vent, cette édition ne semble pas vraiment devoir sortir du lot jusqu’à ce qu’il fasse la connaissance de Vanessa, l’épouse d’un collectionneur de BD. Sur les quelques jours du festival, cette rencontre va bouleverser leurs deux vies, jusque-là sans histoire.

© Vivès chez Casterman

Sans histoire… Si ce n’est celle, à succès que Denis dessine et qui lui vaut un bain de foule de lecteurs conquis et lui demandant un petit crobard. Sans histoire, si ce n’est celles, exaltées, que Vanessa entend de la part de son mari (à la Bob Morane). Ça suffit à créer le train-train quotidien (celui que Denis ne doit pas rater pour rentrer à temps chez lui), mais est-ce que ça nourrit?

© Vivès chez Casterman

Dans l’enfer d’un festival qui semble tout de même manquer d’âme et parer au plus pressé, faire enchaîner les rendez-vous jusqu’à ce que votre tête explose, il suffit pourtant de reprendre son souffle. De faire silence, blanc. Et c’est notamment la force de Bastien Vivès : faire clair tout en coupant le son mais pas les émotions, d’aller à l’essentiel. Quand deux humains se regardent, dansent, que la ville retrouve son calme dans la nuit, quand on se retrouve immergé dans une exposition de planches d’un maître.

© Vivès chez Casterman
© Vivès chez Casterman

Si l’on perçoit un peu à quoi ressemble la vie de Vanessa, en dehors des hautes sphères de la BD populaire; on ne sait de Denis, sur sa vie en dehors de ce festival, pas grand-chose. Juste ce qui peut filtrer d’une vie publique discrète. Denis est un auteur de Bd qui a la cote, pas une star de cinéma. Et si ce n’est ce rendez-vous familial pour lequel il doit absolument être rentré, la famille lui fiche un peu la paix durant cette parenthèse soutenue. Et cet envers du décor m’a un peu manqué, peut-être par curiosité mal placée, surtout pour avoir toutes les données en main pour soutenir, accompagner au mieux les personnages dans leur vacillement, sans les juger. Pour le reste, dans ce théâtre de la vie strictement contemporaine et banale, l’auteur réussit à nous emporter par son sens de la parole mais aussi des attitudes, du mouvement fixe qui se demande pourtant « j’y vais » ou « j’y vais pas ». Il y a des non-dits et des dits, beaucoup d’intensité y compris et de renversements de situation, de twist. Pas besoin d’un film d’action pour ça, un drame romantique peut tout à fait y donner voie et voix. Ou silence. Parce qu’il y a là aussi la contemplation de deux destins qui font ce qu’ils peuvent, et tentent d’exister un peu pour eux dans le cyclone des conventions.

© Vivès chez Casterman
© Vivès chez Casterman

Dernier week-end de janvier, à lire chez Casterman.

Couverture Édition spéciale

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