Même en Russie, y’a pas de vaccin contre la connerie humaine, y compris lorsqu’elle s’insinue chez les plus jeunes. Et la Mère Patrie de Poutine que nous donnent à voir Aurélien Ducoudray et Anlor vient renforcer le constat. C’est ainsi que les deux auteurs ont expédié une petite troupe d’adolescents, comme chaque année, dans une forêt sauvage et aux dangers multiples. Une colo’ en mode survivaliste et dont le seul intérêt n’est pas d’enseigner aux mini-adultes à s’aimer les uns les autres, mais à se haïr. Et se faire la guerre. Ça a tellement bien marché, sous les ordres d’un tyran « vodkaïsé » et en mode full metal jeunesse, que le petit groupe ne s’est pas soudé les coudes mais a commencé à se dessouder. Les leaders s’opposant et demandant à chacun, à commencer par les plus influençables, de choisir leur camp. Ou de décamper.

Résumé de l’éditeur : Pour Katyusha, les vacances au Camp Poutine sont encore plus mouvementées que prévu! Prise en grippe par Anton, qui a monté les autres enfants du camp contre elle, la jeunne fille a dû s’enfuir avec ses amis Gennady et Kirill, pour éviter d’être lynchée. Réfugiés dans un cimetière abandonné, les trois fugitifs font la connaissance de Volkoff, accompagné par son ours Staline, qui va les aider à affronter des nouveaux dangers.

Ah, Ducoudray, c’est une sacrée bibliographie que cet artiste multi-facettes s’est conçue au fil du temps, planche après planche, éléments de fiction après éléments de réalité. Attentif à la géopolitique contemporaine ou ancestrale, le scénariste livre avec ce deuxième et dernier tome de Camp Poutine, un modèle du genre. C’est vrai que, même si la pratique s’est répandue, pas mal de diptyques en BD existeraient bien en un seul livre, le séquençage étant superflu. Pas ici. Après avoir planté le décor et les enjeux psychologiques, Ducoudray, non sans continuer de s’aventurer dans cette drôle de forêt qu’on aurait pu penser à l’écart du monde et de sa propagande, déconstruit et ravage les premières pistes, le fake news, les apparences…

Avec audace et poésie, plus d’un twists et de belles rencontres aussi qui illuminent un monde encore plus pourri que ce qu’il en avait l’air; le tandem drôlement bien trouvé, Ducoudray-Anlor, réalise un album superbe, porté sur l’action mais aussi les sentiments. À commencer par celui du lecteur qui, touché par Katyusha, cette héroïne invulnérable (quoique…) adulant pourtant Poutine, n’aura de choix de s’y attacher encore plus. Entre les griffes d’un ours et les météorites brûlantes, les impostures et les lavages de cerveaux, les deux auteurs signent la fin d’un maudit monde, sortent des rangs et osent l’acte de résistance, en freestyle nourri de bonnes intentions: il y a tellement mieux à faire que de se laisser faire. Renversant.

Titre : Camp Poutine
Tome : 2/2
Scénario : Aurélien Ducoudray
Dessin et couleurs : Anlor
Genre : Aventure, Horreur
Éditeur : Grand Angle
Nbre de pages : 48
Prix : 14,90€
Date de sortie : le 03/06/2020
Extraits :