Le W:Halll, centre culturel de Woluwe-Saint-Pierre, possède la particularité de proposer une programmation musicale éclectique qui va de la variété française au blues en passant par le jazz ou la musique du monde. Et même par la musique classique, comme ce fut le cas samedi avec Les Arcades Équivoques, pièce de théâtre musicale baroque mettant en scène le contre-ténor Dominique Corbiau et la comédienne Ingrid Heiderscheidt .
Ce soir-là, nous sommes conviés à assister à la rencontre privée, à Rome, entre la sulfureuse Reine Christine de Suède (Ingrid Heiderscheid), grande protectrice des arts et férue de musique, et Guiseppe Fede (Dominique Corbiau), l’un des meilleurs chanteurs de la Chapelle Sixtine. Nous sommes quelques jours après le soir du 12 février 1679, où au théâtre du Collegio Clementino a eu lieu la première de « Gli Equivoci nel sembiante » d’Alessando Scarlatti, l’opéra interdit qui fait scandale et dont tout le monde parle à Rome.
Cet opéra fut présenté pour la première fois dans le palais privé des Contini clandestinement, puisque pendant le carême, le théâtre était proscrit, sauf les derniers jours du carnaval. Cette représentation mécontenta grandement le Pape Innocent XI qui prônait en même temps l’interdiction aux femmes de se produire sur scène. L’œuvre obtint pourtant un grand succès, poussée sans doute par le soufre provoqué par l’interdiction papale. Mais en interprétant cette oeuvre, Guiseppe Fede s’est attiré les foudres du pape et craint de finir en prison.
La Reine, séduite par le talent vocal du castrat, et visiblement pas insensible au charme de l’homme qu’elle trouve bien trop sage, l’assure de sa protection, et souhaite profiter de cette entrevue privée pour réentendre certains de ces airs qui l’ont hautement séduite. La voix du castrat s’élève alors dans les salons du palais Riario et, de souvenirs en confidences, Christine de Suède se raconte…
Proposée en costumes d’époque et dans un décor luxueux, tous deux conçus par L’Atelier Éphémère Martial de Selva, cette pièce musicale nous plonge dans l »univers de la musique baroque de Scarlatti. Créée, écrite et mise en scène par Dominique Corbiau lui-même, « Les Arcades Equivoques » nous propose la rencontre scénique, entre un artiste lyrique et une comédienne chevronnée, où la voix magique du contre ténor fait merveille. Dommage que celle-ci soit légèrement amplifiée, pour cause d’acoustique des lieux peu adaptée à ce genre musical généralement interprété en voix directe dans des salles vouées à la musique classique.
Idem pour les talentueux musiciens de La Camerata Sferica, l’ensemble qui accompagne Dominique Corbiau sur ce spectacle. Mais que les puristes se rassurent, la discrétion de la sonorisation au final bien compréhensible en ce lieu, ne porte nullement préjudice à la beauté de l’interprétation de la musique, ni à la qualité du spectacle.
Entrecoupées des conversations entre Guiseppe Fede et la Reine, qui parfois se laisse aller à des confidences lors de plus longs monologues, les pièces musicales proposées sont de toute beauté et raviront vos yeux et vos oreilles si vous aimez les compositions baroques.
Cette première au W:halll annonce deux autres représentations: le 17 janvier au Centre Culturel d’Ottignies et le 30 janvier au Centre Culturel d’Uccle.
Allez-y, vous passerez un excellent moment !
Jean-Pierre Vanderlinden
Les Arcades équivoques
La Reine Christine : Ingrid Heiderscheid
Guiseppe Fede : Dominique Corbiau, contre-ténor
Conception, écriture et mise en scène : Dominique Corbiau
Costumes et decors : L’Atelier éphémère Martial de Selva
Lumières : Gilles Brulard
Son : Bastien Gilson
Accompagnement musical par La Camerata Sferica :
Shiho Ono, violon
Blanca Prieto, violon
Laura Pok, flûte à bec et viole de gambe
Ariane De Bièvre, traverso et percussions
Corentin Dellicour, violoncelle
Emi Shiraki, harpe
Holvoet, théorbe et guitare baroque
Katsufumi Suetsugu, clavecin
Durée du spectacle : 75 min
Infos et tickets : http://www.dominiquecorbiau.com