Été 1901. Il fait étouffant dans les Cévennes. Mais, cette chaleur à la limite du soutenable, le jeune Etienne y est habitué. Il n’a de toute façon pas le choix. Il doit, comme chaque jour, s’occuper des chèvres de son maître Léon. Un homme dur et acariâtre. Par malheur, alors qu’il a la tête ailleurs, les animaux dont Etienne a la garde s’égarent et foulent le petit cimetière où reposent les corps des gamins du bagne. Celui-là même qui a fermé ses portes il y a une dizaine d’années et qui fut témoin de nombreux abus.
Quelques jours plus tard, plusieurs de ces chèvres meurent mystérieusement. Non loin de là, c’est leur jument que Blanche et son oncle Ernest tentent de sauver désespérément. Sans succès. La bête succombe elle aussi à un mal étrange. Pour les habitants du coin ça ne fait aucun doute. Des meules de foin qui s’embrasent, des animaux qui tombent morts, c’est certain, le diable rode dans le coin.
Et si c’était plutôt les enfants du bagne qui cherchaient à se venger?
C’est un hurlement sinistre échappé de ce bout de terre qui a réveillé les peurs. On dit aussi qu’il y a eu d’étranges lueurs, et puis des râles, des souffles et des soupirs, et même des cris accompagnant des changements brutaux de température, tout comme, raconte-t-on aussi, des transformations subites de la nature alentour.
Aussi terrifiant que cela puisse paraître, en France, au 19e siècle, les orphelins, les voleurs à la tire, les petits mendiants, étaient régulièrement envoyés dans ce qui pouvait s’apparenter à des camps de redressement. De véritables bagnes aux fenêtres grillagées où le travail et la discipline servaient avant tout à remettre des délinquants sur le droit chemin.
Dans les Cévennes, la colonie du Luc accueillit ainsi plus de 200 gosses considérés comme difficiles. Des gamins utilisés surtout comme main d’oeuvre gratuite et forcée d’effectuer de lourds travaux agricoles dans une région pourtant réputée comme très inculte. Comme en témoignent les extraits de registres d’écrous débutant chaque chapitre du roman, bon nombre d’enfants moururent dans cet horrible établissement.

C’est à ces gosses broyés, à ces mal-aimés que Jean-Christophe Tixier a voulu rendre hommage dans ce roman excessivement âpre mêlant culpabilité et superstition et dans lequel les personnages les plus attachants sont, comme par hasard, les personnages les plus jeunes. (Les adultes sont quant à eux profondément détestables.)
Les Mal-Aimés est un roman à l’écriture raffinée certes mais multipliant un peu trop souvent les passages éprouvants (la mort est omniprésente dans le livre.) Un mal probablement nécessaire pour rendre comme il se doit justice à ces garçons (il existait également des bagnes pour filles) à qui personne n’aura réellement tendu la main.
Titre : Les Mal-Aimés
Auteur : Jean-Christophe Tixier
Genre : Drame
Editeur : Albin Michel
Nbr de pages : 336
Date de sortie : 27/02/2019
Prix : 19,50€