Ca y est, le Brussels Summer Festival est sur les rails ! Depuis mardi dernier, le centre de Bruxelles grouille d’amateurs de musique qui se rendent aux concerts programmés sur les quatre scènes du festival urbain, même si, pour ce premier jour, la Place des Palais est restée déserte. Bien sûr, l’équipe de Branchés Culture était sur place et avec mes collaborateurs photographes Pierre Destrebecq et Axel Tihon, nous allons tenter de vous faire vivre le BSF comme si vous y étiez. Impossible bien évidemment d’assister à tous les concerts programmés durant les cinq jours du festival, il a fallu faire des choix et ils sont subjectifs, ne nous en veuillez pas.

Le BSF est un festival en pleine mutation. En effet, cette année, il passe de dix jours à cinq jours, et réoriente sa programmation. Il faut donc que le public s’habitue à la nouvelle formule et se retrouve dans une programmation hétéroclite et variée où il y en a (presque) pour tous les goûts, même si elle délaisse quelque peu l’aspect rock de l’évènement, ce que je trouve assez regrettable. Attention de ne pas succomber au chant des sirènes de « ce qui marche » et d’oublier les casquettes de découvreur de talents underground et de gardien des clefs d’une scène rock sans qui rien aujourd’hui ne serait arrivé, qui incombent aussi à un festival tout public du calibre du Brussels Summer Festival. Ce serait dommage de se couper d’un public rock fidèle depuis des lustres qui ne se reconnaitrait plus dans la programmation du festival fétiche de sa capitale pour gagner un autre public plus jeune mais souvent avec moins de moyens. Le BSF doit rester le festival de tous les publics, et je suis persuadé qu’il le restera.

Cette année, le BSF débute pour nous Place du Musée où la nouvelle scène accueille un band déjanté: Theo Clark. Un quatuor qui occupe tout l’espace et où Theo (l’Écossais bruxello-liégeois dont nous vous avions déjà parlé) se désarticule devant un public d’afficionados dans un pop rock incisif, corrosif et entraînant. Ancien membre de groupes tels que Ghinzu, Girls In Hawai ou Vismets, l’homme se produit maintenant sous son propre nom et a signé chez Freaksville Records. Il est accompagné de Gabriel Clark à la guitare et au chant, de Nicolas Berwart à la basse et Marius Morsomme aux drums. Une prestation sympa qui augure de bonnes choses pour l’avenir.
Direction ensuite le Mont des Arts où Thérapie Taxi ( Adélaïde au chant et à la guitare, Raphael au chant et à la guitare et Renaud à la batterie) s’éclate sur des textes en français et une musique électro-pop-hip hop, très dansante qui a mis le feu à la foule présente. Raph terminera son set en invitant quelques jeunes femmes et quelques mecs aussi à les rejoindre sur scène. On passera sur l’alcool bu au goulot par une jeunette et les bouteilles d’eau déversées sur la tête d’une autre fan visiblement heureuse de se faire arroser. En un mot, la fête battait son plein tant sur le podium que sur la place entière jusqu’au haut des escaliers, et même jusqu’au pied de la statue du Roi qui semblait contempler stoïquement le spectacle.
On reste dans le festif au Mont des Arts avec l’arrivée sur scène de Soviet Suprem et leur militaro punk electro bien allumé. Depuis leur premier album (« L’internationale » en 2014), le Soviet Suprem de John Lénine et Sylvester Staline a enchainé quatre années de campagne intensive et plus de 200 meetings à travers l’Hexagone et le monde entier (Festival Solidays à Paris, Paléo en Suisse, Sziget en Hongrie, So French So Chic en Australie,etc). Et le duo déjanté n’a pas son pareil pour se mettre un public en poche au son d’hymnes irrésistibles repris en choeur par la foule. Les voir faire se balancer la foule de droite à gauche en criant : « à gauche !, à gauche ! » valait son pesant de poupées russes. Fun !
Tandis que Les Négresses Vertes font le plein au Mont des Arts en faisant revivre leur rock folk alternatif qui a connu son heure de gloire du temps de Helno, leur frontman légendaire décédé en 1993, mais s’attirent la grogne des photographes en n’autorisant les clichés que sur les trois derniers titres de leur set et soumis à validation (ce qui nous empêcherait chez BC de publier les photos à temps pour le présent article), nous décidons finalement de faire l’impasse sur le groupe français et de porter notre choix vers la Place du Musée où est programmé un artiste dont tout le monde parle : Fantastic Negrito !
Fantastic Negrito est la vérité d’un homme racontée sous forme de musique noire roots. Chaque chanson est l’histoire réelle d’un musicien d’Oakland qui a connu les hauts d’un contrat d’un million de dollars et les bas d’un accident de voiture presque fatal qui l’a laissé dans le coma. Il connaît à présent une phase de renaissance, malgré qu’il joue avec une main mutilée. Sorte de mélange entre Prince, James Brown, Otis Redding et Keziah Jones, cet Afro-Américain est une réelle bête de scène à l’énergie communicative qui a vite réussi a se mettre en poche le public présent avant de récolter une immense ovation au terme d’un set bouillant et sulfureux. Indiscutablement la révélation du jour et un artiste qu’il faudra suivre de très près.
Mercredi
Mercredi, la journée commence pour nous Place du Musée où notre photographe P. Destrebecq est en place pour immortaliser la prestation de Lylac. Entre nature flamboyante, récits de batailles insensées et d’une paix fragile entre les hommes, sa musique repose sur un sentiment de liberté et un souffle d’espoir. Amaury Massion nous présente ses compositions dont certaines remontent aux années passées mais principalement les titres issus de son nouvel album « The Buffalo Spirit » largement inspiré des grands espaces ouest-américains et de la culture Navajo dont il utilise notamment la flûte aux sonorités magiques dans certaines de ses créations. Après un titre aux tonalités orientales rappelant « Cachemire » il reprendra « Lilac Wine » en duo guitare/violoncelle en hommage à Nina Simone qui a interprété ce titre de James Shelton, de manière très émouvantes.
Humaniste dans l’âme, il rappellera la manifestation devant Manneken-Pis en soutien aux familles émigrées internées avec leurs enfants au centre 127bis de Steenokkerzeel. Accompagné sur scène de Merryl Havard au cello, Benoit Leseure au violon, Carlo Strazzante aux percussions et Jérome Van Den Bril à la guitare, Amaury Massion a sorti un superbe album à écouter sans modération et se révèle être un artiste touchant et attachant.
En ce qui me concerne, je ne pouvais pas rater le concert de The Inspector Cluzo prévu à la Place des Palais. Formé en 2007, le groupe s’enorgueillit de maintenir un style funk sans bassiste… conséquence de ce que son bassiste ne s’est jamais présenté à la première répétition du groupe. Doté d’une attitude et d’un système entièrement « Do It Yourself » dans tous les aspects, le duo – guitariste/chanteur Malcom Lacrouts et le batteur/chanteur Phil Jourdain – s’est occupé de sa propre gestion, réservation, label et promotion depuis le début, même face à un public de plus en plus nombreux au fil des ans.
En 2013, The Inspector Cluzo a acheté une ferme en Gascogne pour produire leurs légumes, élever leurs oies et produire leur foie gras. Parallèlement le groupe a tourné aux quatre coins du monde, en Europe, en Colombie, aux USA, en Afrique du Sud, en Inde, au Japon, en Corée etc… Ce soul/ funk’n’roll duo a le chic pour offrir des prestations live brûlantes et ce fut une fois de plus le cas en ce début de soirée sur la grande scène du BSF. Les vitres du Palais Royal ont du trembler sous les riffs incendiaires et les frappes lourdes de nos deux sympathiques rockfarmers gascons. Leur album « We The People Of The Soil » sortira à l’international le 26 octobre, et ils seront de retour à l’AB en première partie de Clutch le 16 décembre prochain et en tête d’affiche au Botanique le 14 février 2019. Ne les ratez pas !
Toujours sur le Place des Palais, c’est au tour de Matmatah de monter sur les planches. Toujours aux aguets là où il faut P. Destrebecq me rapporte ses impressions : « J’attendais avec impatience Matmatah. Adulés par certains, rejetés par d’autres, il m’était difficile de me faire une opinion sans les avoir vus. Leur titre « Marée Haute » passait en boucle sur les radios, l’an passé, et le message diffusé rejoignait l’actualité. J’ai donc pris dans les oreilles quelques décibels de rock brizounec révolutionnaire et contestataire pas trop mal fait, et j’ ai surtout apprécié « Les Moutons » qui m’ont fait revivre les sonorités des Fez Noz des Fêtes de Cornouailles de mon enfance. Manquaient juste les Bigoudens, mais en fermant les yeux on pouvait les imaginer…. » Un concert qui a recueilli un excellent accueil du public.
Alors que la nuit est tombée, la foule a investi en nombre la Place des Palais et le public attend impatiemment la tête d’affiche du jour: Shaka Ponk ! En 90 minutes d’un show à l’énergie indescriptible, Goz, le singe en images de synthèse et septième membre (virtuel) du groupe, Frah (François Charon) au chant, Mandris à la basse, C.C. (Cyril Roger) à la guitare, Ion (Yohann Meunier) à la batterie, Steve aux claviers et aux samples et la sexy Sam (Samaha Sam) au chant elle aussi, ont offert une prestation cinq étoiles à un public déchainé, parfois même décontenancé par la folie d’un Frah qui s’est payé un crowdsurfing géant jusqu’au centre de la place face au Palais Royal et y a organisé un mosh pit tout aussi géant qui a engendré un mouvement de foule obligeant la sécurité à ouvrir les barrières latérales pour que le public puisse s’écarter du cercle infernal.
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Bref, Shaka Ponk a fait du Shaka Ponk pour le plus grand bonheur de tous, et a été fidèle à sa réputation de machine de guerre scénique qui rase tout sur son passage. Un formidable groupe de festival pour clôturer en beauté cette deuxième journée du BSF riche en émotions.
A très bientôt pour un autre compte-rendu des trois prochains jours du BSF, ce sera ici dans nos colonnes de Branchés Culture. Restez branchés !
Texte et photos : Jean-Pierre Vanderlinden / Photos et impressions : Pierre Destrebecq
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