Benjamin Lacombe est de retour. Cette fois pas d’histoire originale, ni de réinterprétation de grands classiques ; juste du Lacombe sur près de 300 pages. On en rêvait, il est là, le premier artbook de ce dessinateur de grand talent qui nous emmène aux confins de son univers si riche et addictif. Un voyage intense, un bain de jouvence visuel qui de couleurs vives en mélancolie nous reconnecte à un émerveillement d’une rare pureté.
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Curiosities, c’est plus qu’un beau livre lambda destiné à faire joli dans une bibliothèque. Il ne suffit que de l’ouvrir pour que la magie opère et nous happe dans l’univers si merveilleusement onirique de Benjamin Lacombe. L’obsession passionnelle de l’auteur se dévoile au fil des pages, lui qui dessine sans relâche ne pouvant s’empêcher de noircir tout ce qui lui tombe sous la main ; un ticket de métro, une nappe de brasserie, une addition. C’est sans doute ainsi, en travaillant encore et toujours, qu’il est parvenu à déployer son univers, si riche que ses frontières ne cessent de s’étirer au loin, si puissant qu’il est capable de connecter instantanément à cet enfant que nous étions autrefois.

Ainsi nous voyageons aux confins de l’univers de Lacombe, depuis sa genèse avec Cerise Griotte (Ed. du Seuil) à sa seconde exposition solo « Memories ». Puis nous rentrons dans un volet essentiel à son oeuvre : les contes. Une source d’inspiration inépuisable, comme il le dit lui-même. Ces contes, il les a explorés et transcendés à plusieurs reprises. Au travers de son inoubliable diptyque d’Alice au Pays des Merveilles, qui effrayait autant qu’elle fascinait, mais aussi en recréant sa Blanche Neige et son Ondine, toujours avec la douce mélancolie qu’on lui connaît.

S’ouvre alors un chapitre important, celui de la nature qui a toujours eu une place de choix au centre du travail de Benjamin Lacombe, que ce soit dans les couronnes fleuries de Frida Kahlo, dans son magnifique Herbier des fées, ou dans ses plongées au cœur du monde animal avec ses Destins de Chiens et Facéties de Chats.



Biberonné aux dessins animés japonais, Benjamin Lacombe ne pouvait manquer de dédier un chapitre de ses curiosities à l’Asie. Et ce n’est que pur plaisir pour celui qui s’immerge dans ces dessins sombres hantés par des geishas au teint pâle et aux yeux vitreux, enveloppées dans des nuées de papillons.

Vint alors la partie du voyage la plus sombre, à la rencontre des ombres qui peuplent ses dessins. Son travail a souvent été qualifié de sombre, voire de gothique, allant à contre-courant de ce que l’on pouvait voir dans les illustrations du secteur jeunesse. Mais, l’oeuvre de Lacombe ne doit pas se résumer qu’à cela ! Le dessinateur utilise les ombres de manière judicieuse, pour faire briller la lumière. Comme disait Victor Hugo : « Ne confondez pas le sombre avec l’obscur. L’obscur accepte l’idée de bonheur ; le sombre accepte l’idée de grandeur ».

C’est l’Histoire qui se dévoile ensuite, révélant une autre passion du dessinateur. À l’école, c’était sa matière préférée, depuis cette curiosité l’habite toujours. L’histoire, Benjamin Lacombe la réinvente elle aussi, l’entraînant dans son monde pour la métamorphoser, à l’image de sa merveilleuse Marie-Antoinette et de sa légendaire Frida Kahlo.

En épilogue à ce magistrale voyage pictural, Benjamin Lacombe se devait de pousser les portes de cet étrange qui l’a toujours fasciné. Je pense et je constate que chacun s’est un jour ou l’autre senti différent, pas à sa place, rejeté. Nous sommes tous l’étranger, le différent d’un autre. Naître, c’est déjà être différent. Sans différence, nulle harmonie, conclut-il avec sagesse.


Titre : Curiosities
Préface de Sébastien Perez et Françoise Mateu, directrice éditoriale au Seuil Jeunesse
Dessin et couleurs : Benjamin Lacombe (Page Facebook)
Genre: Artbook
Éditeur: Daniel Maghen
Nbre de pages: 304
Prix: 35 €
Date de sortie: le 16/05/2018
Extraits :