Première (co-)réalisation pour les frangins Renier (Yannick étant en réalité le demi-frère de Jérémie), Carnivores est né d’une anecdote, un souvenir de leur retour de la Mostra de Venise après la présentation de « Nue Propriété » de Joachim Lafosse, film dans lequel ils jouaient tous deux. « Carnivores » devait initialement être une comédie autour des rapports entre frères suite à leur degré de succès différent dans le monde du show-business.
Note : 12/20 (Vu au cinéma Caméo des Grignoux)
C’est un projet longuement réfléchi et travaillé que Jérémie et Yannick Renier nous présentent aujourd’hui. Envisagé initialement comme un comédie, « Carnivores » se dévoile finalement sous un tout autre jour, soit le drame, baigné de thriller psychologique, dans lequel deux sœurs entretiennent une relation très intime, mais tout doucement vénéneuse, pour l’une comme pour l’autre. En occurrence, Sam est une actrice reconnue, tandis que sa sœur, Mona, galère à trouver un rôle au cinéma… Mais tandis que la santé mentale de Sam trébuche face à la pression du métier, Mona trouve indirectement dans cette situation un tremplin pour rebondir…

Si le duo de réalisateurs s’est finalement lancé sur les traces d’un film de genre, c’est tout d’abord pour concilier le spectateur avec leur première œuvre, qu’ils ont souhaité accessible à un large public. Aussi, parce que la situation évolutive de ces deux sœurs ne pouvait, selon eux, connaître de fin heureuse. Et puis, la forme ici adaptée restait une source d’inspiration pour ces réalisateurs, amusés de pouvoir laisser libre recours à leurs pulsions, mêmes les plus extrêmes.

D’emblée, on souligne la maîtrise de leur œuvre, où la mise en scène épouse les codes du genre pour nous étouffer à petit feu, au regard de la tournure de la relation entre les sœurettes. En appuyant sur la force d’image plutôt que sur ses dialogues, « Carnivores » joue avec la caméra pour créer la tension nécessaire au récit, tandis que le manque de dialogues illustre parfaitement la psychologie ambiguë de ses personnages. Ici, les lumières sont ternes et acidulées, le cadre est froid, et les mouvements de caméra sont lents, et laissent, dès lors, peu de place aux plans, afin de soulever tout le poids de l’image. Visuellement référencé, « Carnivores » s’engouffre de manière irréversible dans la chute de ses personnages, et c’est peut-être inévitablement là que le bât blesse.

Alors que l’on se pose beaucoup de questions sur l’avenir de la relation racontée, on ne passe malheureusement pas à côté d’une écriture pour laquelle on a vite fait le tour. En effet, on découvre assez rapidement où tout cela va finir, malgré une énorme ellipse en milieu de parcours (venant un peu déstabiliser nos plans), avant que l’intrigue ne reprenne finalement le chemin qu’on s’était imaginé. À vrai dire, l’écriture des personnages laissent transparaître cet unique dénouement, que l’on suspecte aussi par le caractère appuyé des réalisateurs à jouer du thriller, tel qu’ils l’entendent.

En effet, bien qu’ils dénotent au gros traits certains aspects de leur profession, les frères Renier livrent un engrenage relationnel malsain qui atteint un final tout d’abord prévisible, et par-dessus tout, improbable. Et puis, l’empathie peine à s’installer par les facilités scénaristiques et partis pris arborés, abandonnant, à tour de rôle, ses personnages.

Sans son duo d’actrices, le film ne posséderait pas la même empreinte, venant étoffer les ressources de l’exercice. Leila Bekhti interprète, à contre-emploi, le rôle de Mona, à l’écoute attentive de sa sœur Sam, quant à elle incarnée par Zita Hanrot, au jeu physiquement imposant. Mais c’est la jalousie qui aura finalement raison de leurs personnages.

« Carnivores » possède du bon, comme du moins bon. Globalement, on se laisse prendre au jeu par son efficacité, malgré une écriture maladroite et son manque d’audace. Et puis, même si cela est dû en partie à sa tournure en cinéma de genre, force est de constater qu’il manque, pour un premier film, de personnalité…

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