Touchant et inédit, Bye Bye Germany est une ode à la vie au porte-à-porte de rues encore habitées par le spectre de la mort

Une nouvelle fois, le trop rare réalisateur et scénariste belge Sam Garbarski travaille à l’international et livre, cette fois, une production belgo-germano-luxembourgeoise en guise de cinquième long-métrage, présenté en première mondiale à la Berlinale en février 2017. Bye Bye Germany est l’adaptation de deux romans de l’auteur juif Michel Bergmann.

Note : 14/20 (Vu au cinéma Caméo des Grignoux)

Résumé: David Bermann et ses amis juifs viennent d’échapper de justesse au régime nazi et rêvent maintenant d’immigrer en Amérique. Mais comment récolter l’argent nécessaire en ces temps difficiles ? David, en homme d’affaires éloquent, a une excellente idée: de quoi les Allemands ont-ils le plus besoin ? De beau linge de maison tout neuf, emballé dans d’incroyables histoires ! Les six comparses, jolie bande d’amuseurs plutôt doués, se rendent donc de maison en maison, appliquant auprès des femmes au foyer des techniques de vente qui ne leur laissent aucun choix que celui d’acheter. Le commerce est florissant, l’entreprise est en plein essor et l’avenir radieux se dessine. Mais David est rattrapé par son passé : pourquoi avait-il un second passeport ? Aurait-il collaboré avec les Nazis ? La ravissante mais implacable officier américaine Sara Simon va tenter de le découvrir en interrogeant David d’une main de fer. Elle veut à tout prix faire resurgir son véritable passé et accueille les récits invraisemblables de David avec sévérité. Mais, au fil de temps, résister à son charme s’avère de plus en plus difficile….

En associant deux romans de l’auteur Michel Bergmann, Sam Garbaski nous immerge dans l’Allemagne de la fin des années quarante, soit dans une période pour laquelle nous avions encore du mal à mettre des images au cinéma, tant celle-ci y est peu représentée. En l’occurrence, « Bye Bye Germany » nous raconte le quotidien d’après-guerre d’une (sacrée) troupe de Juifs ayant survécu au pire, autrement dit l’Allemagne d’Hitler. Sauf que l’un d’eux est régulièrement interrogé par l’armée américaine, qui le soupçonne d’avoir collaboré avec l’ennemi… Sam Garbaski prend ici en contre-pied les horreurs laissées par l’Holocauste en nous livrant une comédie dramatique douce-amère, centrée sur une belle bande bien décidée à prendre leur revanche sur la vie, eux qui ont alors tout perdu lors de la guerre, exceptée celle-ci.

Film au sujet grave, mais exploité sur un ton (faussement) léger, « Bye Bye Germany » est emmené par un humour juif saisissant, où la frontière entre le triste et le drôle est parfois confuse, mais toujours à l’image de ce besoin de s’exprimer, vaille que vaille. À côté de cela, le film ne ferme pas les yeux sur les conséquences de la guerre, bien marquée sur les visages de nos vendeurs de linge itinérants et sans scrupules, aux techniques bien rodées… Au travers des péripéties journalières de ces rescapés, le film se regarde comme une ode à la vie, où celle-ci continue, malgré les blessures, et même se rêve, étant donné qu’ils n’ont de but que d’immigrer en Amérique… Porté par des acteurs formidables d’authenticité et de pudeur, on ne peut qu’apprécier ce portrait, aussi quelconque soit-il dans sa mise en scène, de Juifs restés en Allemagne.

Qui dit film historique, dit travail de reconstitution… À cet effet, le travail apporté sur la photographie est plus que convaincant, tout comme celui effectué sur les décors, notamment ceux qui englobent les camps de survie de la zone américaine. C’est qu’on s’y croirait, au lendemain de la guerre, dans ces rues toujours habitées par le spectre de la mort. Construit par le biais de deux intrigues emboîtées l’une dans l’autre, « Bye Bye Germany » est cependant désavantagé par une écriture un peu trop dense, et des dialogues qui tournent un peu en rond. De plus, si la musique apporte une touche de vitalité et d’émotion au récit, celle-ci a tendance à être un peu trop omniprésente à l’écran, et ainsi de jouer un peu trop la corde sensible. Enfin, on ne sait où est la part du vrai et du faux dans cette histoire, « inspirée d’une histoire vraie et dont ce qui est faux est néanmoins correct », comme présenté tel quel lors du générique d’ouverture, ce qui a tendance à nous frustrer quelque peu.

« Bye Bye Germany », c’est un moment de cinéma à part entière, une parenthèse à la fois nostalgique, et tournée vers l’avenir, entre fiction et réalité au lendemain d’une des plus terribles pages de l’Histoire. Un travail de mémoire touchant et inédit, à défaut d’être un témoignage direct des événements.

Toutes les critiques de Julien pour l’année 2018, ça se passe également par là !

Titre : Bye bye Germany

Pays : Allemand, Belge, Luxembourgeois

Réalisateurs : Sam Garbarski

Acteurs : Moritz Bleibtreu, Antje Traue, Mark Ivanir, Pál Mácsai, Anatole Taubman, Tim Seyfi, Hans Löw, Václav Jakoubek…

Genre : Comédie

Durée : 107 min

Date de sortie : le 28/02/2018

2 commentaires

  1. Bon film, avec de bons acteurs, chacun apportant avec pudeur une part d’éclairage sur ce qui n’aurait jamais dû exister. Si telle était l’ambiance en Allemagne en 1946, alors le réalisateur et les acteurs la reproduisent très bien. Sans oublier le soin apporté aux lieux et aux décors.
    Au lendemain de la projection de « Walkyrie » sur une autre chaîne, ce film , bonne réalisation belge, tombe à point nommé et judicieux, il nous offre une vision parcellaire de l’Allemagne défaite, orpheline d’Hitler : un monde froid, détruit, en ruine, sans âme, dépeuplé, sans soldats ; les portes s’ouvrant sur des parents sans fils, sur des épouses sans mari et sur des bourreaux qui se cachent sous une fausse identité. Le tout, sur un fond de grande souffrance pour les rescapés du massacre…

  2. Un des films les plus justes sur les traumatismes des survivants juifs allemands et sur la capacité de rebond de l’être humain. Tout cela baigné dans un humour dont seule l’âme juive immortelle s’avère capable. J’ai adoré.

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