Avec sa couverture évoquant quelques classiques (du Géant de fer à King Kong en passant par les super-héros à cape et invincibles), Black Hammer réussissait déjà à faire régner une aura et un magnétisme assez retentissants que pour créer la surprise et embarquer le lecteur, qu’il soit amateur de comics super-héroïques… ou pas d’ailleurs. C’est d’ailleurs ce que réussissent Jeff Lemire et Dean Ormston en racontant par le drame et l’enfermement une histoire dégagée du prestige de l’uniforme. Un grand coup de marteau.

Résumé de l’éditeur : Arrachés à leur univers de super-héros par une crise multidimensionnelle, les champions oubliés de Spiral City vivent désormais telle une famille dysfonctionnelle, prisonniers du quotidien paisible d’une petite bourgade américaine.

Ainsi, Jeff Lemire et ses acolytes – dont le scénariste a dû s’entourer trop acquis au dessin d’autres jolies choses – dont il ne tarit pas d’éloge, Dean Ormston (pour qui la réalisation de cette nouvelle aventure ne fut pas un long fleuve tranquille; victime d’une attaque qui le laissa paralysé de nombreux mois le côté droit de son corps) et Dave Stewart ont élu domicile et port d’attache (difficile à quitter, vous le verrez) au milieu des campagnes de Black Hammer, village dominé par un clocher et dont les habitants seraient bien loin d’imaginer que cette drôle de famille qui joue les fermiers est en fait formée d’anciens super-héros cherchant à se faire oublier. Y compris de la malédiction qui les a accablés et sur laquelle les auteurs lèvent, à rebours, le voile.

Des héros tourmentés, on en a déjà vu, et pas des moindres, mais ici quelque chose de différent se joue. La caméra voltigeuse des films comicsifiés a laissé sa place à celle qui s’implante au ras des mottes de terre et des pâquerettes (ce qui n’empêche pas la voltige, ne fut-ce déjà que dans les flashback qui nous emmènent à Spiral City) pour mieux donner à voir ces héros comme les humains qu’ils ne sont plus vraiment.

Que ce soit le prétendu patriarche aux airs bourrus, ce cosmonaute qui n’a plus les pieds sur terre depuis qu’il vogue dans la para-zone, cet alien exilé ou cette petite fille immuable (un genre de Hit-Girl) qui renferme en fait l’esprit d’une plus-que-quinquagénaire. Chacun a ses secrets et son mal-être et les auteurs n’ont pas trouvé mieux comme procédé de les prendre un par un, chapitre par chapitre, pour mieux explorer leurs facettes. Pas comme chez le psy, mais en tant qu’individu dans ce groupe foutraque, bruyant et finalement pas à sa place, plus dans la place, dans le feu de l’action. S’ouvrant sur des origin story qui reste mystérieuse, ce premier album pourrait paraître sans enjeu. C’est tout le contraire !


Car Jeff Lemire, qui semble connaître sur le bout des doigts ses personnages (cela fait dix ans qu’il veut les animer !), rajoute des implications présentes et futures par petites touches. Sans lasser, car s’il y a six personnages, il y a six univers à explorer, d’autant plus riches lorsqu’ils se fracassent sur la vie d’une famille certes dysfonctionnelle mais aussi extrêmement moderne. Et le trait de Dean Ormston autant que les couleurs de Dave Stewart s’y prêtent remarquablement. Vintage et pourtant tellement présent.
Série: Black Hammer
Tome: 1
Scénario: Jeff Lemire
Dessin : Dean Ormston
Couleurs: Dave Stewart
Traduction : Julien Di Giacomo
Genre: Aventure, Fantastique, Drame
Éditeur VF: Urban Comics
Collection : Urban Indies
Éditeur VO : Dark Horse Comics
Nbre de pages: 200
Prix: 17,50€
Date de sortie: le 14/11/2017
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