Laissez bronzer les cadavres : la Corse belle comme le diable dans un film qui transpire, qui gicle et dérouille

Après des courts-métrages (auto-produits pour la plupart) et un diptyque féminin/masculin autour du désir et du giallo, Hélène Cattet et Bruno Forzani changent d’ambiance pour leur troisième film et adaptent le premier roman de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid, Laissez bronzer les cadavres. Un délire visuel et sanglant, torride comme la Corse qui, en 2014, s’est vu octroyer 500 000 euros d’aide à la production de la part de la Communauté française Fédération Wallonie-Bruxelles. Haut les flingues.

Note : 12/20 (vu au Cinéma Caméo des Grignoux)

Résumé: La Méditerranée, l’été : une mer d’azur, un soleil de plomb… et 250 kilos d’or volés par Rhino et sa bande! Ils ont trouvé la planque idéale : un village abandonné, coupé de tout, investi par une artiste en manque d’inspiration. Hélas, quelques invités surprises et deux flics vont contrecarrer leur plan : ce lieu paradisiaque, autrefois théâtre d’orgies et de happenings sauvages, va se transformer en un véritable champ de bataille… impitoyable et hallucinatoire !

Le duo Cattet-Forzani (cinéastes français vivant à Bruxelles) est enfin retour avec leur univers très particulier, lequel comptait jusqu’à présent deux films, « Amer » (2010) et « L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps » (2014). À travers ces deux premiers films, le duo rendait hommage au giallo, ce cinéma de genre principalement italien (à la frontière du cinéma policier, horrifique et érotique) et riche d’un visuel coloré et diabolique, de musiques inhabituelles, de décors lugubres et de jeux de caméra schizophréniques et stylisés. Le tout baigné dans de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes. En soi, un genre à part entière, pour un duo de réalisateurs hors du commun. Avec « Laissez Bronzer les Cadavres », ils restent ainsi fidèles aux piliers fédérateurs de leur style mais s’attaquent ici, avec audace, au western européen à la sauce polar.

Grâce à ce bouquin, force est de constater que Cattet et Forzani ont ainsi trouvé une jolie source d’inspiration à la mesure de leur cinéma, au travail visuel et auditif léché, et où la symbolique ultra-appuyée se paie une nouvelle part d’importance à l’écran. Et comme à leur habitude, c’est aussi du côté du scénario que le bât blesse: il est ici question d’un règlement de comptes armé entre des bandits (ayant pris en otage de bien drôles de personnes) et deux policiers, le tout dans un décor paradisiaque, sous un soleil de plomb.

Entre Sergio Leone, Sam Peckinpah et Quentin Tarantino, « Laissez Bronzer les Cadavres » est un film qui transpire, qui gicle et dérouille ! Un exercice de style extrêmement maîtrisé, où tout est pensé, une œuvre expérimentale pour le spectateur, alors pris en flagrant délit par tout ce que le film a à lui offrir, de sa mise en scène pétaradante (tout comme dans le livre, l’intrigue se déroule sur une seule journée, divisée en plusieurs chapitres, indiquant l’heure de l’action à la minute près) et sans temps mort, au travail parfois éreintant du son (les personnages ont la détente facile, tandis que le cuire ne cesse de craquer), en passant par son orgie visuelle, ou encore son utilisation abusive de la symbolique et de l’hallucination.

C’est un film techniquement généreux, qui ne lésine pas sur les effets de genre, au risque de (vite) désarçonner le spectateur par son trop-plein, très répétitif, et non aidé par des enjeux scénaristiques absents. Une œuvre à ne pas mettre devant tous les regards, mais plutôt devant celui du cinéphile averti, qui risque pourtant aussi l’overdose du fétichisme de ses réalisateurs pour le polar italien des années 70.

Toutes les critiques de Julien pour l’année 2018, ça se passe également par là !

Titre : Laissez bronzer les cadavres

Pays : France, Belgique

Réalisateurs : Hélène Cattet et Bruno Forzani

Acteurs : Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Bernie Bonvoisin, Marc Barbé, Michelangelo Marchese, Marine Sainsily, Hervé Sogne, Pierre Nisse…

Genre : Polar, Western, Action

Durée : 90 min

Date de sortie : le 10/01/2018

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