Une cigarette, Bashung et une grande leçon de vie : Daan avait aussi été pris dans le tourbillon de la vie de Jeanne Moreau

De Daan à Jeanne, il y a si peu. Un amour immodéré pour le cinéma et les bandes-son de nos vies. Et une rencontre qui remonte au temps où Daan s’activait à la composition de bandes originales de film (Meisje, Un honnête commerçant) et s’était retrouvé, en 2003, dans le jury du Festival International de Gand. Un brillant, vibrant hommage à celle qui l’a un peu plus mené sur la piste d’un géant de la chanson à la française.

 » Adieu, Jeanne Moreau.

J’ai rencontré beaucoup de femmes passionnantes, fortes et rebelles dans ma vie mais rencontré Miss Moreau a changé ma vie« . C’est ainsi que le chanteur flamand jamais à un brûlot près, commence son évocation de l’immense actrice dont la disparition l’a marqué. Tout comme l’apparition, il y a près de quinze ans, au Festival International du film de Gand, dans le jury. Jeanne (qu’on pourrait prononcer Jaan) et Daan n’avaient pas été présentés à la cérémonie d’ouverture. C’était sans compter le feu. « Elle s’est juste approchée de moi et m’a demandé: “vous fumez?”. Je lui ai tendu une clope et le ton était donné.« 

Sauf que c’était sans compter une autre facette de Daan. « Le matin suivant, nous devions voir et jugé le premier film, ensemble. Mais, avec trop peu d’heures de sommeil au compteur, je suis arrivé une heure en retard. Jeanne m’a fixé de son regard -si un regard pouvait vous tuer – et m’a doucement dit “you are a bad boy”. » Une phrase qui allait rester puisque quand Daan écrira sa chanson « Bad Boy, Bad Girl » (sur l’album Manhay, en 2009), il proposera le duo à la merveilleuse Jeanne. « Bien sûr, elle aurait incarné la « bad girl ».  Initialement enthousiaste, elle a poliment décliné lorsqu’elle a lu les paroles finales. Je suppose que j’ai manqué sa subtilité. J’apprends toujours.« 

Une bad girl, Jeanne Moreau a pu en avoir l’apparence. Daan raconte ainsi comment, durant les dix jours de festivals suivants, Jeanne a annulé chaque rendez-vous ou rencontre du protocole, « les critiquant comme superficiel et superflu, pendant qu’elle aimait par-dessus tout les moments de vrai cinéma bien fait. » Un épisode revient encore à la mémoire de l’enfant terrible du rock belge : « À la table, elle s’est retrouvée en face et ennuyée par le compositeur français Maurice Jarre. Elle a, du coup, changé de conversation clamant « J’adore l’anesthésie totale ». Ça me convenait.« 

© Les Acacias

L’histoire ne s’arrête pas là puisque, toujours lors du festival, Jeanne débarquera à un concert au Vooruit, à la grande surprise (et au grand stress aussi) de Daan. « J’étais mort de trouille. » Le lendemain, Daan allait faire une autre rencontre décisive. « Elle m’a amené un CD qu’elle m’a tendu, « tu devrais écouter ça ». » Sur la pochette, un nom évocateur. « Elle m’a fait découvrir le grand Alain Bashung. Et aucun de nous deux ne pouvait s’imagine que, des années plus tard, je me retrouverais à jouer avec deux de ses anciens musiciens (ndlr. Jean-François Assy et Geoffrey Burton). Jeanne, comme toujours, avait toujours un pas d’avance sur la fiction. » Quant à Bashung, on ne peut s’empêcher de se dire que Daan ne serait pas le chanteur pointu qu’il est aujourd’hui s’il n’avait pas eu Alain dans les oreilles. Il l’a d’ailleurs repris, dernièrement, lors d’une carte blanche au Festival Francofaune.

Ému, Daan termine ainsi : « Je voulais simplement dire au revoir à une belle personne qui, pour le peu de temps que j’ai passé avec elle, m’a marqué comme une véritable artiste évitant tout ce qui n’était pas pertinent et se concentrant sur ce qui importait tout au long de sa vie.« 

© Bac Films

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