Un film qui voulait prendre de la hauteur mais se casse la figure, une tortue qui se transforme en femme, un écureuil au cerveau givré et dont le gland est plus intelligent que lui, un vieillard à la Eastwood le nordisme en plus ou encore un autre vieillard qui perd la mémoire. Voilà le programme de ce quatrième opus des critiques de Julien. Après un long moment d’absence, notre chroniqueur revient au pas de course!
High-Rise: sans rez-de-chaussée c’est compliqué!
Adapté du roman « I.G.H. » publié en 1975 de l’écrivain britannique J. G. Ballard, l’intrigue de « High-Rise » se déroule dans un luxueux et ultramoderne gratte-ciel, d’un concept nouveau, dans lequel la hiérarchie des classes sociales correspond à celle des étages de l’immeuble, avec en son sommet l’architecte. Mais il suffira d’une première coupure d’électricité et d’une panne d’ascenseur pour que les premiers problèmes sociaux aient lieux…
Sulfureux, sexy et festif, « High-Rise » part d’une idée plus d’une fois traitée au cinéma (la rébellion des classes dans une société de capitalisme), mais rarement aussi porteuse de sens, à travers cet immeuble dans lequel tout va pour le mieux au-dessus, au contraire du… dessous.
Interprété avec classe et fureur par Tom Hiddleston, « High-Rise » prend le temps d’installer l’intrigue et les personnages, alors que le spectateur attend avec impatience ce moment où tout va « exploser ». Malheureusement, ce moment ne viendra jamais, étant donné le choix de le pulvériser en une séquence accélérée, balayée en quarante secondes, dans laquelle on a bien du mal à comprendre réellement comment tout cela a bien pu arriver, à la vision des images montrées dans cette séquence. On découvre alors ensuite les conséquences de cette folie avec une mise en scène redevenant classique. Mais c’est trop tard, puisqu’on a déjà décroché, en grande partie par frustration, et ennui.
Trop bavard, avec des personnages de caractères mais aux idées abstraites, « High-Rise » passe à côté de son sujet initial pour s’enfoncer dans une extravagance et une beuverie ennuyante. Mais le pire, c’est qu’on ne voit rien du monde qui entoure cet immeuble « au concept nouveau » (ce qui signifie qu’il a bien été créé dans un but bien précis). Il manque donc un étage à l’édifice, soit le rez-de-chaussée!
Partant, sur papier, d’une idée bien excitante, cette adaptation est tout simplement mal exploitée à l’écran, dans ce film ne manquant pas de charme, mais de profondeur dans son sujet, qui ne va jamais dans la concrétisation. Du coup, ne montez pas dedans…
L’Âge de Glace 5: les Lois de l’Univers: la machine givrée est grippée!
Et si c’était la fin de cette saga, montrant déjà des signes de faiblesses depuis un petit temps?
« L’Âge de Glace 5: les Lois de l’Univers » commence comme d’habitude par une bêtise de Scrat (et son fameux gland), puisqu’il se retrouve ici dans l’espace, créant, par sa célèbre persévérance malchanceuse, un énorme astéroïde se dirigeant tout droit vers la Terre. Manny, Sid, Diego (et tout le reste de la bande) vont devoir alors trouver une solution pour renvoyer cet astéroïde d’où il vient… Et comme un problème ne vient jamais seul, Manny est préoccupé par le désir d’émancipation de sa fille Pêche, envisageant de se marier avec Juan, et de partir vivre loin de ses parents…
« L’Âge de Glace 5: les Lois de l’Univers » n’est malheureusement destiné qu’aux plus petits, la faute à un humour premier degré, incluant même des clins d’oeil liés aux réseaux sociaux, mais qui ne fonctionnent pourtant pas dans ce monde de glace. De plus, cette nouvelle aventure, trop gentille, présente beaucoup trop de personnages, dont une multitude de nouveaux. Chouette sauf que… non: le sentiment d’épuisement et de recherche de renouvellement de la saga se fait donc trop ressentir, ce qui manque cruellement d’authenticité…
Reste alors les scènes avec Scrat et son gland, carrément jubilatoires, comme si les scénaristes étaient capable de mettre la gomme avec ce personnage, au contraire des autres (excepté Sid).
La Tortue Rouge: sans un mot mais pas sans émotion
Prix Spécial un Certain Regard à Cannes 2016, cette courte histoire raconte celle d’un naufragé sur un île déserte, croisant la route d’une tortue rouge, qui va alors se transformer (…) en une femme.
Si l’on a un peu du mal à comprendre la symbolique se cachant derrière la transformation d’une tortue en une femme, ce récit fantastique puisse sa beauté et sa force à travers la nature de cette île et ses bruits, l’emportant ainsi sur les dialogues absents. On est agrippé, hypnotisé par cette aventure épurée en terre sauvage, dans laquelle la qualité de l’animation du studio Ghibli fait des merveilles. Sans vous parler de la sublime musique signée Laurent Perez del Mar, de quoi vous faire dresser les poils.
« La Tortue Rouge » est une ode à la poésie et à la beauté de l’image, permettant aux spectateurs de capter toute la profondeur du récit par l’inexistence de paroles.
Free to Run: pas à pas, de plus en plus vite
Ah, vous qui aimez courir, voilà qui devrait vous ravir. En effet, « Free To Run » raconte le combat (des années 60 à nos jours) mené par des coureurs ou des personnalités passées de l’anonymat au statut de porte-parole, pour faire du « running » une discipline reconnue, et ouverte à tous.
Difficile d’imaginer qu’un sport aussi naturel n’ait pas toujours été ouvert à tous, et qu’il ait fallu mener un combat social acharné afin de pouvoir courir en toute liberté, et encore plus pour les femmes. Pourtant, ce documentaire (plus que documenté) nous le montre, sans tabou.
A l’aide d’images d’archives, de vidéos et d’interviews, « Free To Run » retrace avec force et détermination l’émergence de ce sport, sa démocratisation, et dès lors le progrès social. Notamment à l’aide du portrait de ceux qui l’ont démocratisé et popularisé.
Passionnant et créant même l’émotion, on sent que celui-ci a été réalisé avec amour, et respect de la discipline, étant donné que le réalisateur n’est autre qu’un ancien coureur de haut niveau, devenu aujourd’hui coach.
A Man Called Ove: le bougon qui venait du froid
Après « Le Vieux Qui Ne Voulait Pas Fêter Son Anniversaire » de Felix Herngren en 2014, voilà une seconde adaptation tiré d’un best-seller suédois, « A Man Called Ove » (« Mr. Ove » pour le titre chez nos voisins français).
A cinquante-neuf ans, très grincheux, veuf et licencié depuis peu, ne jurant que par Saab et le respect des règles et des normes, Ove a décidé de mettre fin à ses jours. Car Ove n’a plus rien d’autre à faire qu’à errer dans sa maison, faire des rondes de sécurité dans le quartier pour vérifier que tout est en ordre, et surtout engueuler les résidents de son lotissement…
Mais difficile de se suicider quand on est sans cesse dérangé par ses voisins… En effet, Patrick et sa jeune épouse enceinte Parvaneh (venant d’emménager) interrompent (sans le savoir) chacune des tentatives de suicide de Ove, le mettant alors dans une rage folle. Sans compter aussi sur un chat de gouttière, plus qu’intrusif…
Pourtant, au fur et à mesure de cette proximité, Ove s’ouvrira de nouveau à la vie, au contact de cette jeune Iranienne de caractère, même si cela se fera très difficilement, et malgré de nombreux accrochages! Si le récit est très classique, l’histoire alterne entre présent et passé pour retracer la vie de ce bonhomme imprévisible et rogneux, nous permettant ainsi de comprendre pourquoi il en est devenu quelqu’un d’insupportable, de loyal et impérial, ayant peur des hommes en « chemises blanches »… On apprendra aussi pourquoi il n’a jamais eu d’enfant, et comment son épouse est décédée…
A la lecture de ces quelques lignes, on devine facilement que cette histoire de renaissance et de confession réservera son lot d’émotions en tout genre. Car « A Man Called Ove » est à la fois un film cynique, marrant, ironique, revitalisant, et touchant. On s’amuse face à l’attitude pas possible de cet homme, et on s’accroche aussi aux moindres failles qu’il laissera transparaître, tant on comprend par celles-ci qu’il n’est pas quelqu’un de méchant, mais bien quelqu’un « au grand coeur »…
« A Man Called Ove » est un très joli coup de cœur. À ne pas rater!
Remember: un bateau sur l’enfer des souvenirs
Si « Remember » (ou « Souviens-Toi » en version française) est une pure fiction, ce film se base sur l’histoire de ces nazis ayant fui l’Allemagne après l’Holocauste, et pris le nom de juifs massacrés et non retrouvés, afin de se cacher, jusqu’à nos jours…
Zev est un vieillard finissant ses jours en maison de repos, survivant de l’Holocauste, et souffrant de démence. Mais après le décès de son épouse, Zev « avait promis » à son ami Max (résident dans la même maison de repos) de quitter la maison de retraite pour retrouver Rudy Kurlander, l’homme ayant assassiné leurs familles, il y a près de 70 ans, à Auschwitz…
Alors que le port d’armes est autorisé aux USA, qu’il y a quatre Rudy Kurlander qui se balade dans la nature, et que Zev dispose d’une lettre écrire de son ami Max lui disant quoi, avec quoi, où et comment faire, celui-ci partira à la recherche de ce nazi, bien déterminer à se venger, malgré son âge avancé, et sa maladie.
Voilà un pitch de départ intéressant, surtout lorsqu’on regarde d’où part l’histoire. Christopher Plummer incarne parfaitement ce vieillard en quête, mais en perte de mémoire, étant donné qu’à chacun de ses réveils, son personnage doit relire la fameuse lettre écrite par son ami, afin de comprendre ce qu’il fait là, où il est… Au regard des péripéties réalistes qu’il traversera et des rencontres qu’il fera, on se demande inlassablement à quoi ressemblera le dénouement de cette histoire de vengeance.
Et à ce niveau-là, « Remember » ne nous déçoit pas, avec un beau retournement de situation en guise de final. Voilà un film qui mène en bateau son spectateur depuis le début, alors que le drame se profile à l’horizon…
Pour avoir vu « High-Rise », je rejoins tout à fait ton avis.