Hugo: « J’aime passer par tous les sentiments, et faire la balance entre le merveilleux et l’effroi »

Si L’homme du soir était une embellie, voilà qu’Hugo nous offre, avec une Avalanche charriant son lot de reflets solaires, le retour d’un beau temps dont on croyait avoir perdu le secret. Et de fait, Hugo, il est comme ça, mystérieux, bizarre, mais toujours généreux dans ces propositions de cures de bien-être et de quête de lumière. Avalanche est de cet acabit, curieux et d’une puissance incroyable, capable de nous ensevelir et de nous mettre des images plein la tête. Interview avec un surdoué encore trop sous-côté à mon goût. (Photos de Sophie Delapierre)

Bonjour Hugo. Avec trois albums en 18 ans, vous nous aviez habitués à la patience. Pourtant, ici, on accélère la cadence et Avalanche n’a pas vraiment traîné. Vous avez retrouvé l’envie de faire les choses vite (tout en les soignant toujours autant)? Un déclic?

Comme L’homme du soir a été très bien accueilli et que j’ai pris beaucoup de plaisir à rencontrer les membres de mon groupe, à jouer avec eux… Ça m’a donné très vite envie de faire un nouvel album sans attendre huit ou neuf ans. Je voulais continuer sur la lancée. L’expérience était bonne et je ne voulais pas traîner pour la renouvelée. Avec le risque de revenir trop tôt, de lasser, mais ce n’est pas le genre de choses auxquelles on pense sur le moment. Je fais au rythme que je sens.

Vous sortez d’un week-end de répétition avec ce que vous appeliez sur le précédent album, « un super groupe de luxe ». Il était important pour vous de travailler avec les musiciens qui vous accompagnent en live? C’est une première et la tonalité en est différente, non?

C’est sûr. Sur L’homme du soir, je faisais tout seul. Sur le premier album, La Formule, j’étais seulement accompagné d’un batteur et d’un pianiste. En plus, j’avais tendance à être très possessif: je chantais les parties du batteur, ça le rendait fou. Et sur le deuxième, je faisais toujours beaucoup de choses mais j’avais laissé le pouvoir au groupe Orwell, à Cascadeur et à Thierry Bélia de Variety Lab. Le talent était là, bien sûr, mais je me suis rendu compte après-coup que certains arrangements n’étaient peut-être pas assez mystérieux à mon goût. Donc, je suis arrivé au troisième, bien longtemps après, en voulant faire tout tout seul.

Et sur ce quatrième, Avalanche, c’est la première fois qu’en toute confiance, je laisse la liberté aux musiciens. Bien sûr, je les guide, leur dis ce qui me plaît ou pas, mais je savais que tout irait bien. Comme avec Jérôme Danthinne à la batterie qui comprenait vraiment ma musique. Pareil pour Jeronimo, je savais qu’il pouvait apporter quelque chose. Je cherche à fouiller mes mélodies et je savais qu’il pourrait introduire des choses plus sombres qui se marieraient très bien. Et Calogero Marotta, lui aussi, a trouvé des supers choses.

Hugo - live - groupe

Et, pour la première fois aussi, Vincent De Bast, l’ingénieur du son avec qui je travaille depuis vingt ans a joué du clavier, avec des touches qui font la différence. Et pour le prochain album, je pense d’ailleurs que je m’orienterai vers plus de synthés et de boites à rythmes. Toujours avec des guitares acoustiques, mais dans une couleur plus électro-pop, sans que ce soit technopop. Faire quelque chose de plus dansant.

Alors, il y a ce titre, Avalanche, pourquoi? Pas que pour faire effet boule de neige, j’imagine?

Tout est parti d’un rêve que j’ai fait, très curieux et que je ne parvenais pas à expliquer. C’est un rêve qui a commencé comme un cauchemar. J’étais pris dans une avalanche avec tout ce qu’elle peut comporter d’impressionnant. Une fois la peur passée, je me sentais emporté. Je roulais, tout impuissant que j’étais. Finalement, alors que d’habitude – bon, n’allez pas croire que je fais plein de cauchemars! (rire) – je me réveille assez vite, bizarrement, plus j’étais pris dans l’avalanche, plus je voyais des choses belles, des lumières, j’étais rassuré. Je me suis réveillé surpris mais plus du tout apeuré. C’était la première fois que je sortais d’un cauchemar avec une bonne impression, c’était joli et agréable. Je me suis demandé pourquoi, je n’ai toujours pas la réponse.

Peut-être que c’est dû à ma paternité qui approchait – je suis papa d’une petite fille depuis trois mois – et peut-être que cette avalanche m’entraînait pour me rassurer, m’apaiser. Alors que, quand je suis devenu papa la première fois, j’étais stressé, je ne savais pas trop quoi faire. Un premier enfant quoi! Alors qu’ici, j’étais absolument dénué de toute inquiétude ou crainte. Je ne voyais plus que le merveilleux de la chose, comme cette avalanche qui était pourtant cauchemardesque, au début.

Et finalement, cette dynamique entre rêve et cauchemar, ne donne-t-elle justement pas le ton à vos albums? Avec des textes plus mystérieux et sombres et une musique plus lumineuse.

C’est ce que j’aime faire, j’aime tellement les deux. En musique, j’aime des choses très différentes, de McCartney à Prefab Sprout ou The Weeknd – c’est un peu du Michael Jackson inquiet -, j’aime les belles mélodies, les harmonies. Puis en littérature et au cinéma, j’aime les oeuvres merveilleuses, le glamour de certains acteurs américains comme Audrey Hepburn. Enfant, j’adorais les comédies musicales. Le côté pétillant et léché. Puis, il y a les contes d’Andersen, très étranges, qui mélangeaient le merveilleux et le terrifiant. Dernièrement, au cinéma, j’ai adoré It Follows. J’aime les films d’horreur qui dépassent les limites de leur genre. Je trouve qu’il s’en dégage beaucoup de poésie. Ce qui fait naître des images insolites. J’aime passer par tous les sentiments, et faire la balance entre merveilleux et effroi.

Des images qui se nourrissent dans la musique et les textes mais aussi par les illustrations d’Antoine Guilloppé qui illustre la pochette d’Avalanche

Il fait pas mal d’albums jeunesse en France, très beaux, avec une esthétique et un graphisme qui lui appartiennent. C’est du noir et blanc avec la nature, des animaux, des paysages. Le tout toujours très épuré. Ce n’est pas qu’enfantin, ça peut tout à fait être feuilleté par des adultes. Antoine était venu me voir à un concert parisien, on avait bavardé, sympathisé. On ne s’est plus revus mais on mûri toujours un projet d’album, ensemble. Il a donc commencé à illustrer la pochette et un dessin nous a tellement pris qu’on l’a choisi pour illustrer l’album.

Antoine Guilloppé - Hugo - Illustration Avalanche - ombres

Il aime beaucoup la musique et le fantastique. Pourtant, il en dessine rarement. En s’inspirant de mes textes, l’inspiration fantastique l’a saisi.

En plus sur la couverture de l’album, on est loin du conformisme ambiant où la plupart des albums mettent en avant la figure de X ou Y, des portraits sans beaucoup plus de recherche. Ici, le dessin d’Antoine Guillopé donne le ton et une identité, non? C’est une invitation.

Oui, il colle bien à l’atmosphère, il invite à rentrer dans mon monde. L’autre fois, j’étais dans un magasin de disques – c’est presque désuet comme terme – et je voyais les cds, surtout de chanteurs francophones, ce sont à 98% des portraits.

Continuons à visiter cette pochette. C’est presque un labyrinthe, un jeu de piste, non?

Oui, les textes ne sont pas dans l’ordre ou on les joue. Puis, on a intégré les titres différemment dans les chansons.

Hugo - photo - dos

C’est très réussi, et c’est une raison en plus pour posséder l’album en physique chez un disquaire! C’est un disque référentiel, non? Vous évoquez autant Houellebecq, que McCartney et Tintin dans Je Sais. Il y a aussi Michel D. qui nous ramène au regretté Michel Delpech.

C’est curieux. Quand j’ai écrit Michel D., je savais que malheureusement, il allait très mal. Mais cette chanson, elle n’a pas du tout commencé de ce constat, elle ne parlait pas de lui. Elle venait plus de L’invasion des profanateurs de sépultures dans les années 50 ou de ce genre de littérature. Mais quand je suis en phase d’enregistrement, notamment pour mes voix, j’aime improviser et trouver des choses insolites. Chanter ce qui me passe par la tête, en fait. Du coup, j’ai eu envie de chanter le nom de Michel Delpech. Sa maladie m’avait touché, c’est vraiment quelqu’un qui a marqué mon enfance. Un des seuls chanteurs de variété en France dont j’aimais instantanément les mélodies. Un Michel Sardou ne me parlait pas beaucoup, mais Delpech, lui, avait cette chaleur dans la voix et ses très belles mélodies. Avec le recul, on pourrait les qualifier de pop française! Donc, sous le coup de l’émotion, j’avais une pensée pour lui, ça s’est retranscrit.

Il y a aussi une longue liste de remerciements avec Podalydès, Sheller ou A-ha, notamment.

J’avais envie de montrer de quoi je me nourrissais pour créer des chansons. Je trouvais ça intéressant. J’adore lire des interview ou des livres sur des artistes qui parlent de leurs influences. Le processus de création est mystérieux et n’est jamais le même de l’un à l’autre. Moi, j’aime bien en parler comme j’aime comprendre le chemin qui mène à une idée et le processus qui en fait une chanson. Je voulais remercier les gens qui m’ont inspiré et m’ont guidé dans mon album. Il y a des réalisateurs, des écrivains, des musiciens.

Il y a aussi ce duo avec Romain Guerret, du groupe pop du moment, Aline. 

J’aime beaucoup cette chanson, je l’ai écrite pour lui, en pensant à l’esprit de ses albums. J’adore ce groupe. Quand je les ai entendus la première fois, j’ai été frappé. Je suis peu friand des chansons en français, pure et dure – j’adore Daho par contre -, je suis plus dans l’Anglo-Saxon. Mais Aline, j’ai trouvé ça très frais, à la fois sophistiqué et spontané. Leurs références je les entends. Du coup, j’ai correspondu avec Romain, le chanteur et guitariste. Malgré l’enregistrement de la chanson, on ne s’est toujours pas vu en vrai! Il habite dans le sud de la France et moi, à une trentaine de kilomètres de Nantes. On s’est loupé, il y a quelques jours à Liège, mais on ne désespère pas. On a un projet dont je ne peux pas encore parler en prévision.

Un duo transgénérationnel aussi?

Tout à fait. Dès qu’on s’est contacté, ça a été réciproque. J’ai dit à Romain que j’adorais ce qu’il faisait. Et lui, en retour, se demandait si j’étais le Hugo des années 90, celui qui chantait La Nacelle. Il adorait la chanson. Ce n’est pas pour rien qu’on s’est retrouvé, il y a une sorte de filiation et on se nourrit des mêmes choses. On n’a pas le même âge mais finalement ils écoutent a posteriori des choses que j’écoutais au moment où elles sortaient: Aztec Camera, Orange Juice, les Smiths. Bref toute cette pop à guitare anglaise des années 80’s.

C’est marrant que vous ne vous soyez pas croisés, quand même. J’ai l’habitude de rencontrer des auteurs de BD, et de plus en plus, entre scénaristes et dessinateurs, certains travaillent à distance sans se voir. Pareil dans la musique alors? Autant avec Antoine Guilloppé qu’avec Romain Guéret.

Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, tout le monde peut enregistrer un album chez lui. Un duo, un artwork, ça peut se faire à distance. Ce qui est important, c’est, après, d’avoir les gens compétents pour assembler le tout avec qualité. Enregistrer envoyer des pistes, si ce n’est pas réalisé et assemblé par quelqu’un de talentueux, ça ne donnera pas grand-chose. Finalement, on va de moins en moins en studio d’enregistrement, mais on a toujours besoin de très bons techniciens pour le mixage, le mastering. Ça reste des actes très artistiques.

Raison de plus pour se rencontrer en live! Comment s’annonce-t-il d’ailleurs?

La première date sera dans une chouette et grande salle, devant la Meuse, l’Atelier Rock à Huy. Je jouerai avec Orwell. Ça devrait être pas mal.

Hugo - Avalanche - session d'enregistrement

J’imagine qu’à force de dates, une osmose s’est créée entre vous et les musiciens?

Oui, maintenant, on est très à l’aise, presque télépathiques, il peut se passer des choses marrantes. Il y a une vraie dynamique de groupe, on joue des morceaux très naturellement.

Et tant qu’à parler concert, il y a Super à la mer, morceau idéal pour ouvrir le concert, non?

Ah, un espion! C’est marrant parce que c’est tout à fait ça! La version sera encore plus pêchue. On s’est posé la question de savoir si ce n’était pas bizarre qu’on arrive et qu’on commence avec un morceau sans parole. Au contraire, autant assumer l’instrumental. Elle donne envie en plus.

En effet, on ne peut que remettre le cd au début, une fois qu’elle est finie! Puis, il y a les Soeurs de la nuit. Un morceau à part de l’album, peut-être.

C’est une vieille histoire. Les accords appartiennent à une chanson qui devait figurer sur le premier album avec des paroles très différentes. Je ne l’avais pas enregistrer. Autant le rythme, que la mélodie et les paroles étaient très différents. C’était une toute autre chanson mais j’avais gardé les accords en tête.

Quant aux paroles, elles viennent d’un projet d’histoire jeunesse avec Antoine Guilloppé, sans succès, c’était trop allusif, pas assez précis. Mais j’en ai fait cette chanson avec les vieux accords. C’est nocturne, suspendu.

Hugo - live - Jeronimo

Au niveau de vos chansons, comment procédez-vous? Vous êtes du genre à accumuler beaucoup de chansons avant d’enregistrer?

J’en écris plus que prévu. Mais sans en faire trente, non plus. C’est très varié, autant je peux avancer très vite sur une chanson en très peu de temps, autant je peux mettre des mois et des mois. Je trouve toujours les mélodies en premier, en tout cas. Le rythme, le beat, aussi. Puis, à la voix, je trouve une mélodie. Et enfin, les textes.

Vous nous avez parlé du prochain album. Il y a d’autres projets?

Oui et non. Avec Antoine Guilloppé, on va se rencontrer et essayer d’organiser des rencontres dans des médiathèques. On va aller à la rencontre des gens pour parler des nos deux métiers. Puis, on va jouer en live le plus possible Avalanche. Sinon, pourquoi ne pas collaborer avec des belges sur leur propre album. J’aimerais bien écrire des textes, des mélodies.

On passe le mot, alors. Merci beaucoup et bonne route.

Hugo sera en concert ce samedi 19 mars à 20h à l’Atelier Rock de Huy avec Orwell en première partie. Info: facebook

Hugo - Avalanche - Antoine Guilloppé - cover

Album: Avalanche

Artiste: Hugo

Nbre de pistes: 10

Durée: 39 min

Label: Hot Puma Records

Date de sortie: le 25/01/2016

Page Facebook: Hugo

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