Vous connaissez une Juliette? Mais si, vous la connaissez tous. Bon d’accord, elle ne se prénomme peut-être pas Juliette mais elle l’incarne à merveille: vous savez, cette sempiternelle célibataire pas forcément mal dans sa peau qui enchaîne les rencontres avec des Roméo… pas tous charmants. C’est ainsi qu’en prêtant l’oreille aux quatre coins de sa vie et de sa ville, Marie-Sophie Grognet, jeune auteure namuroise dont c’est le premier roman, a compilé les mésaventures de sa Juliette plus vraie que nature en y mettant beaucoup d’humour. À découvrir, pourquoi pas, dans le cadre de la journée de la femme (et dieu sait qu’elle a lieu tous les jours) assumée, libre, énergique et volontaire.
Deux chats comme gardiens de la quiétude des lieux, une musique classique qui survole le salon rempli de rouge et de rose, bienvenue dans le coin cosy et jambois de Marie-Sophie Grognet. C’est dans ce cocon que la jeune trentenaire a assisté à la naissance spectaculaire de Juliette, son héroïne, au fil des pages. Pourtant, c’est bien loin de la littérature que la Namuroise s’est tournée, professionnellement parlant. « J’ai une formation d’ingénieure, je suis une scientifique pure et dure, spécialisée dans la dépollution des sols. » Au fil de ses vies, Marie-Sophie a également été coordinatrice pour le compte du Festival du Film Nature de Namur, garante notamment de la caution scientifique des documentaires présentés. Pas grand-chose à voir avec l’évolution de Juliette moderne et urbanistique.
Mais voilà, tout le monde était prof dans la famille et voilà que Marie-Sophie s’est ouverte à une autre aventure depuis sept ans. « Je suis devenue prof de math. Pas nommé, je donne cours à Châtelet, et je vais où le vent me porte et où les élèves sont en attente d’apprentissage. Aller travailler plus loin ne me dérange pas, ça me permet d’écouter de la musique, c’est la manière la plus efficace de bien commencer la journée. » Les Maths? Simple, clair et réconfortant. « Il y a toujours une solution. »
Le cri de l’arbre et autres aventures
Peut-être que oui, mais cela ne nous dit toujours pas comment Marie-Sophie a commencé à écrire. « Parallèlement à ça, j’ai toujours écrit. Pas vraiment des poèmes, plus de la prose. Les vers ne m’ont jamais beaucoup parlée. J’ai souvent tout mis par écrit. Les films que je voyais, la mort d’un ami. Et quand on abattait un arbre au fond du jardin, j’en tirais un texte sur « Le cri de l’arbre ». J’aurais pu écrire un journal intime, mais je n’y arrivais pas. » Puis, chez elle, les livres était en accès libre et illimité. « Mes parents m’ont tout de suite initiée et encouragée à la lecture. Pour mes huit ans, j’ai reçu quatre œuvres de Pagnol, les plus connus. C’est ainsi que bien avant mes premiers voyages, j’ai découvert la Garrigue et la Provence.«
Puis, les études et la Faculté de Gembloux ont un peu éloigné Marie-Sophie de cette passion. « Je me coltinais exclusivement des lectures scientifiques. L’écriture est revenue par après. » Pour elle car, de là, à se faire lire et relire, il y a plus qu’un pas. Avant celui-là, ce saut de l’ange dans le monde difficile de l’édition, Marie-Sophie a créé par petite touche cette Juliette qui fait l’objet de son premier roman. « Juliette? C’est beaucoup de femmes, mais elle avant tout. Elle a un peu de moi, certains m’y reconnaissent. Mais c’est surtout mes voisines, mes collègues, des femmes entendues dans le bus ou dans les salles d’attente. Vous savez, les femmes ne se rendent pas compte à quel point, elles parent de leur privé en… public! Ces anecdotes m’ont fait rire ou m’ont désarçonnée et que je compilais dans le carnet de notes dont je ne me sépare jamais. » De quoi donner une vraie dimension sociologique à l’ensemble. Et toutes ces bribes rassemblées par le jeu de l’écriture ont donné corps à Juliette. « Elle est devenue ma super-copine à qui je voudrais téléphoner le soir. (Rires) Bon, je sais qu’elle n’existe pas!«
Prince de Bruxelles ou Monsieur Canapé
Juliette, elle a une vie à l’eau de rose mais, qui, paradoxalement n’est pas toujours rose. Personnage vif, piquant, refusant toute emprise du passé, Juliette est une trentenaire exploratrice de la vie et de l’amour dans des relations tumultueuses. C’est une «célibattante » et ses Roméo, ses amants sur la courte ou la longue distance, elle les a surnommés Le Prince de Bruxelles, Dallas, Monsieur 300 km ou Monsieur Canapé. Celui-là même qui débarque (sans prévenir) un jour avec sa tribu de quatre enfants dans l’appartement de Juliette. On vous laisse imaginer le portrait de famille de cette jeune femme qui n’est pas à franchement parler une allumeuse. « Elle ne fera jamais le premier pas. » Chaque chapitre est un morceau de sa vie. Et Juliette est évidemment une référence à Shakespeare dont le Roméo et Juliette n’est finalement qu’un « conte de fée qui finit mal« . « Du coup, mon héroïne se dit que la vraie vie n’est pas comme ça et qu’il y a forcément un Roméo qui l’attend« .
Et si Juliette devenait la super-copine d’autres lectrices (mais aussi lecteurs)? Marie-Sophie n’avait pas encore fait ce chemin-là! « Un jour, en salle des profs, je me suis laissée aller à raconter une anecdote à mes collègues. Je l’avais mise sur papier, je l’ai lue et toute le monde a ri, les hommes y compris. » Révélation pour l’agronome qui ne pensait pas que son humour puisse être autre qu' »exclusivement féminin. » Elle met de l’ordre dans ce qui n’est encore qu’une compilation d’anecdotes, en fait des nouvelles, puis l’idée de roman fait son chemin. Pour elle-même, encore et toujours. Mais qui voilà qui toque à la paroi de son pc portable? C’est Juliette. Et elle veut sortir! « Ce petit bout de femme avait pris tellement d’importance et d’épaisseur. Elle était éprise de liberté, de surcroît, je ne pouvais plus l’enfermer, ni même l’emprisonner. Il m’appartenait de la faire sortir.«
Gallimard malhonnête?
Et c’est là que le bât blesse et que le calvaire commence. « Je devais suivre mon rêve, être en accord avec moi-même et tenter le tout pour le tout. J’ai ainsi passé un an à envoyer mes manuscrits et à essayer de me faire publier chez les grands éditeurs qui me faisaient rêver, Plon, Gallimard, Flammarion… Une première vague vers des toute grosses maisons d’édition, et une deuxième vers des éditeurs plus locaux. Ça a coûté cher, j’ai parfois eu des réponses, parfois pas. Certaines étaient malhonnêtes, comme celle de Gallimard. J’ai envoyé mon livre un mardi. Quatre jours plus tard, je recevais un courrier daté du lundi et m’affirmant que mon écrit ne correspondait pas à leur ligne éditoriale. Or en un si court laps de temps, comment peuvent-ils avoir lu, même en très grandes diagonales mon livre ? » » Et voilà qu’octobre 2015 se pointe et avec lui la date limite que s’était fixée Marie-Sophie Grognet. « J’ai retroussé mes manches et décidé que je le publierais moi-même, mon roman. » Avec le travail que cela impose, le dessin de la couverture, le choix du format, le résumé, la mise en page ainsi que comment obtenir code barre et référence.
La relecture a aussi pris son (long) temps pour passer de plus de 1000 pages à moins de 300. « Je suis du genre à écrire beaucoup, alors qu’un mot suffit parfois à exprimer mon idée« . Restait un autre point sur lequel veiller: « La loi était de ne jamais tomber dans la vulgarité ou le voyeurisme« . Et pour y parer, Marie-Sophie a sorti l’arme fatale: elle a demandé à sa maman de relire le roman en devenir comme s’il était purement biographique et que tout ce qui arrive à Juliette était réellement arrivé à Marie-Sophie. « Je lui ai demandé de me dire quand elle se sentait gênée. Je crois que la meilleure censure réside en ce qu’on n’oserait avouer à ses parents.«
Une mamie de 86 ans
Puis le livre est arrivé et les premiers exemplaires se sont écoulés. « Ma boulangère l’a offert à sa fille de 14 ans avant d’elle-même le lire. Ma voisine « s’est sentie obligée de l’acheter » avant de revenir me dire qu’elle l’avait lu en une soirée sans décrocher et d’en acheter un pour une amie. » Et si l’univers musical associé à Juliette est assez moderne, ça ne l’a pas empêchée de séduire une mamie de 86 ans. « Je ne la connaissais pas du tout et elle m’a dit: « Je n’ai pas dansé comme Juliette sur Unchained Melody mais je peux vous jurer que j’ai dansé comme ça aussi! » Sans compter le nombre de femmes qui s’y sont reconnues et se sont senties moins seules. « La morale de Juliette, c’est un peu: on a le passé qu’on a, mais il ne faut pas qu’il nous envahisse. Quant aux amants, on en prend ce qu’on veut, et on leur laisse ce qu’on veut bien leur laisser. » Et les lecteurs masculins, souvent conviés par leur compagne, ont également appris de Juliette. « Il y a eu des prises de conscience, certains ne se rendaient pas compte des priorités de leur femme. En lisant mon roman, ils ont pu se faire petite souris et entendre ce qui se racontaient lors de discussion entre femmes.«
Juliette vit sa vie et Marie-Sophie continue d’écrire, dans un autre registre. Dans sa bibliothèque galvanisée de polars (de Chattam à Grangé en passant par Loevenbruck), elle a pioché l’idée d’un thriller très féminin (« puisque de toute façon, je n’écris bien que sur les femmes) et prenant place à Namur. « Ce sera très réaliste mais si on reconnaît Namur, j’en aurai fantasmé une partie. Quand je me promène et que je vois des maisons, je m’imagine l’intérieur, de véritables petits trésors imaginés. Et il va sans dire que je veux à tout pris les conserver et ne jamais entrer dans ces maisons idéales. Je serais forcément déçue en découvrant leur vrai intérieur. » Alors paraîtra, paraîtra pas, la question ne se pose pas. « Je mènerai ces projets si j’en ressens le besoin vital comme ce fut le cas avec Juliette. Si pas, quand je me débarrasserai de mon pc, tout ira à la poubelle! » Voilà qui est dit.
En attendant, nous avons le plaisir d’accueillir Marie-Sophie parmi nos chroniqueuses
Titre: Juliette et ses Roméo… pas tous charmants!
Sous-titre: Les pérégrinations amoureuses d’une trentenaire espiègle
Auteure: Marie-Sophie Grognet
Genre: Roman, Humour, Romance
Éditeur: Auto-édité
Prix: 9,99€ (sur Amazon)
Date de sortie: 27/11/2015