Aurélien Boulé, à marée haute, de Nantes à Anvers en passant par Dublin

« A marée haute« , nous éclaire sur l’évolution architecturale et industrielle de l’île de Nantes à travers l’histoire intimiste d’un petit garçon et de sa grand-mère. Petits instants de vie où l’entrée dans l’adolescence se définit par une certaine nostalgie des lieux, des choses  et du temps qui passe (et qu’on ne rattrapera plus, comme le chantait déjà le groupe TRUST, « antisocial, tu perds ton sang froid! »). Histoire minimaliste qui met bien en exergue les paysages urbains nantais, d’une ville en perpétuelle mutation et recomposition, et ce, depuis plus de 30 ans. Rencontre avec son auteur et scénariste, le vidéaste et photographe Aurélien Boulé qui signe avec la peintre belge Paulette Taecke, sa première BD.

Bonjour Aurélien, quelle est votre formation initiale et continue?

Je suis titulaire d’un BTS audiovisuel option montage, et je travaille depuis en tant que vidéaste et photographe.

Votre BD s’articule sur l’île de Nantes. Nostalgique d’un temps ancien, c’était donc mieux avant?

Ce scénario a été construit de manière linéaire, et s’articule autour de l’enchaînement des saisons. Je voulais ainsi superposer ce passage du temps, des saisons et des climats avec les deux effacements constitutifs de l’histoire : celui du caractère industriel de l’île et celui de la mémoire de la grand-mère. À l’intérieur de cette construction, quelques souvenirs surgissent, en noir et blanc.

« A marée haute » évoque différentes mutations que la ville de Nantes a connu au tournant des années 80-90, vues à travers les yeux d’un petit garçon : des mutations à la fois sociologiques, urbaines, économiques,… L’histoire n’a pas pour ambition de porter un regard nostalgique tourné en arrière mais au contraire de mettre la lumière sur ces transitions. Une marge d’interprétation a été laissée aux lecteurs afin que chacun puisse s’approprier cette histoire selon son ressenti, ses expériences personnelles.

 Comment voyez-vous l’aménagement de l’île de Nantes avec les années ?

Personnellement, j’apprécie la dynamique que le projet de réaménagement a insufflé à la ville même si la désindustrialisation de l’île et du Port de Nantes, plus généralement, sont regrettables. Nantes a depuis cette époque tendance à oublier qu’elle est, avant d’être une ville fluviale, un grand port maritime.

 L’île de Nantes, un « laboratoire » architectural et industriel?

Architectural, oui, certainement. Industriel, non, malheureusement. Les usines et entreprises de l’île ont progressivement déménagé ou fermé sans que les pouvoirs publics ne s’opposent à ce mouvement. Au contraire, la désertion industrielle profite à la planification et à la spéculation urbaine qui peuvent alors s’étendre, faisant ainsi pousser de nouveaux immeubles et quartiers trop souvent au détriment de l’activité économique.

En face de l’île, dans le bas-Chantenay, existent des infrastructures vieillissantes qui devraient être au contraire le fer de lance du dynamisme nantais : une gare qui côtoie des quais permettant d’accueillir des bateaux à fort tirant d’eau, à deux pas du périphérique, c’est une occasion rêvée de conforter Nantes en tant que grand port connecté ! Au lieu de ça, on laisse ces équipements dépérir en se gaussant d’être une grande ville à dimension européenne. Le décalage entre les discours et les actes est trop souvent symptomatique d’une méconnaissance de l’identité portuaire de la ville par le milieu politique nantais.

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 C’est vous qui avez supervisé les paysages urbains nantais pour votre album BD?  

Oui, en effet. J’ai recueilli de nombreuses photographies que j’avais faites en argentique dans les années 90, ainsi que des images d’archives. Nous nous sommes aussi basé sur des tirages panoramiques réalisés par la Ville avant le lancement du projet de réaménagement de l’île. Paulette Taecke travaille beaucoup à base de photos pour créer ses planches. Cette étape de recherche de clichés a donc été très importante. Cela m’a également permis de me replonger dans l’ambiance de l’époque, et d’affiner certains aspects du scénario.

Aurélien Boulé - Paulette Taecke - À marée haute - dessin

Combien de temps avez-vous mis pour imaginer et écrire cet album? Y’a-t-il possibilité que votre BD soit adaptée au format cinéma ou TV?

Cette histoire a été écrite il y a une dizaine d’années, mais elle est longtemps restée dans mes tiroirs car je l’avais écrite pour l’adapter en court-métrage. Suite aux grands travaux et à l’impossibilité de tourner dans ces lieux ayant trop changé, je ne savais plus vraiment comment adapter cette histoire. L’idée d’en tirer une BD m’est venue après avoir visité la ville de Cleveland, aux Etats-Unis.

J’ai beaucoup aimé cette grande ville américaine ayant pas mal de points communs avec Nantes, notamment en raison de leurs ports en réhabilitation. J’ai alors lu la BD « Cleveland » de Harvey Pekar, une ode à la ville que l’auteur a écrite avant de mourir. Cela a été un véritable déclic pour moi : je devais adapter « A marée haute » en BD. J’ai alors contacté Sixto Editions, et nous avons lancé ensemble le projet. Environ trois ans après, la BD sortait dans les librairies…

Aurélien Boulé - Paulette Taecke - À marée haute - étapes (2)

Vos nombreux voyages européens vous ont-ils « enrichi » sur le plan scénaristique? Cette question est posée par le dessinateur Cyrille Launais.

Concernant la construction de l’histoire, les voyages ont en effet été très importants. Car j’ai écrit cette histoire pour qu’elle parle et qu’elle touche les Nantais mais aussi pour qu’elle puisse être intéressante aux yeux des personnes vivant ailleurs et ne connaissant pas la ville. Pour cela, mes voyages dans d’autres villes portuaires m’ont permis de mettre en scène des éléments universels. Notamment illustrés à travers le flux et le reflux des marées, la météo changeante, l’ouverture sur l’ailleurs…

Aurélien Boulé - Paulette Taecke - À marée haute - foot

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’aime énormément d’autres villes portuaires, notamment de Dublin ou Anvers. Elles sont également présentes dans la BD, en filigrane.

 Vos derniers coups de cœur en séries BD, auteurs ou personnages

J’ai beaucoup aimé « Le théorème de Karinthy », sorti en 2014. L’histoire évoque le Berlin des années 80, à travers un groupe d’activistes recherché par la police. La ville est un personnage à part entière et possède une épaisseur dramatique très bien dosée. Un peu à l’image de « Brussel », une BD de François Schuiten qui reste une de mes références absolues…Afficher l'image d'origine

Vos projets futurs ou festivals?

Je ne sais pas encore. J’essaye pour l’instant de me concentrer sur la sortie et la promotion de « A marée haute », ce qui est déjà bien. On verra ce que le vent apportera comme projet à l’avenir.

Entretien réalisé par Dominique Vergnes

Aurélien Boulé - Paulette Taecke - À marée haute - couverture

Titre: À marée haute

One Shot

Scénario: Aurélien Boulé

Dessin et couleurs: Paulette Taecke

Genre: Chronique

Éditions: Sixto Éditions

Nbre de pages: 70

Prix: 16,90€

Date de sortie: 23/10/2015

Page Facebook: À marée haute

Extraits: 

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