2015 marque le retour d’Arnold Schwarzenegger dans la franchise Terminator. Un retour retentissant médiatiquement, mais qu’en est-il du film en lui-même ? Pour développer mon propos, je ne vois pas d’autre choix que celui de spoiler allègrement le métrage en détaillant « un peu » le scénario (oui, il y en a un …hélas). Si vous souhaitez conserver la surprise en allant le voir, arrêtez-vous ici.
Le film commence dans le futur, alors que John Connor mène la Résistance contre les machines. On voit le T-800 du premier film partir en 1984. A son tour, John Connor envoie Kyle Reese dans le passé afin de protéger sa mère (avant que Reese ne soit envoyé en 1984, Connor est agressé par l’un de ses hommes, vraisemblablement un Terminator infiltré). En 1984, on s’attend à assister aux mêmes scènes que dans le premier film, de James Cameron. De fait, le début est tourné à nouveau en respectant le modèle plan pour plan. Alors que le T-800 va massacrer les trois punks, il est stoppé par Sarah Connor et Papy (un T-800 âgé), lesquels récupèrent la carcasse du modèle 101, ce qui signifie par conséquent que jamais Miles Dyson ne pourra en récupérer la moindre partie. Sarah Connor (la serveuse apeurée n’existe pas étant donné qu’elle a été sauvée par Papy de l’attaque d’un T-1000 quand elle avait neuf ans) et son acolyte partent sauver Kyle Reese dans la boutique où il est lui-même la cible d’un T-1000. Sarah et Kyle voyagent ensuite jusqu’en 2017 pour faire péter Skynet/Cyberdine avant que se déclenche la fin de l’humanité. Arrêtés, ils sont secourus par John Connor, venu du futur et transformé par Skynet (son assaillant du début du film) en un Terminator dernier cri. John va s’attaquer au trio pour l’empêcher de détruire Skynet…
En fait, le scénario est exactement ce que je craignais après avoir vu la bande-annonce, voire pire. C’est un gigantesque bordel (le mot me semble encore faible), qui distille du fan service à la grosse louche (tout le début, jusqu’à l’image du manège avec les chevaux carbonisés, la photo de Sarah Connor au Mexique…) et qui joue sur notre nostalgie. Seulement voilà : là où il reprend les éléments des deux premiers films, c’est pour mieux les foutre en l’air. En effet, si l’on s’en tient à la logique de celui-ci, les précédents opus n’ont pas pu se produire et n’existent donc plus. L’explication qui est donnée est celle des chronologies (timelines) parallèles, comme le Doc l’explique dans Retour vers le futur 2. Cependant, là où le film de Zemeckis restait cohérent dans l’application de cette logique, Terminator Genisys saute à pieds joints dans l’incohérence la plus totale : les personnages ne se contentent pas de voyager dans le temps mais sautent d’une chronologie à une autre.
Le scénario n’explique pratiquement rien, et quand il le fait, c’est plus que confus : les circonstances de l’attaque de T-1000 quand Sarah avait 9 ans restent mystérieuses, de même que celles de son sauvetage. Comment Sarah retrouve-t-elle la boutique où Kyle est attaqué à son arrivée en 1984 ? Comment Skynet transforme-t-il un homme en Terminator ? Pourquoi ce procédé rend-il fou ? Pourquoi John Connor se retourne-t-il contre les humains, a fortiori contre sa propre mère ? (la folie me paraît être un prétexte ultra simpliste) Cette « corruption » de John Connor reste le pire choix scénaristique puisque ce dernier ne peut plus être considéré comme la figure christique qu’il est depuis le début de la saga. Enfin, comme on fait ce qu’on veut avec les chronologies, on peut changer ce « détail » et bien d’autres à volonté. Les personnages eux-mêmes semblent s’y perdre : John Connor prétend qu’il n’y a pas de lien de cause à effet car « il n’y a pas de destin » mais renonce à tuer sa mère à la fin car cela menacerait sa propre existence.
Côté personnages, cela n’est pas transcendant non plus. Arnold Schwarzenegger fait son travail mais m’a semblé moins investi dans son rôle de cyborg car plus humanisé dans ses mimiques et sa façon de bouger (parfois même les yeux rieurs…). Kyle Reese est joué par un Jai Courtney (le fils McClane dans Die Hard 5…) très physique mais propret et lisse. La palme de la déception revient à une Sarah Connor (Emilia Clarke) qui regroupe tous les clichés de la jeune fille teigneuse, voire tyrannique. Contrairement à l’interprétation de Linda Hamilton, celle-ci est à la limite du supportable de bout en bout. Passons d’ailleurs sur les dialogues fleur bleue entre Sarah et Kyle, probablement les pires moments du film. Parmi les personnages secondaires, on fait revenir un policier de 1984, O’Brien, en 2017, où il clame haut et fort que les cyborgs existent. Ce personnage n’a strictement aucun intérêt et ne sert absolument à rien. Pourquoi donc nous le montrer ? J’ai cru au départ que c’était le docteur Silberman qui avait vieilli, mais la révélation de son identité m’a bien déçu. Même le personnage de Miles Dyson n’est qu’évoqué.
Pour le reste, les scènes d’action, sans ajouter grand chose de neuf à la saga, sont tout à fait bonnes (si ce n’est que leurs enjeux sont décrédibilisés par le scénario) et la reconstitution numérique du premier Terminator est vraiment impressionnante (bien plus convaincante que dans Terminator Renaissance).
En résumé, si l’on ne s’ennuie pas (ou très peu, le temps des conversations Sarah/Kyle) devant Terminator Genisys, et si l’on a toujours grand plaisir à retrouver Schwarzenegger dans l’un de ses rôles les plus emblématiques, cet opus me semble être le moins réussi de tous ceux sortis à ce jour, la faute à un scénario bien trop confus et incohérent. Par ailleurs, il est le premier d’une nouvelle trilogie qui se prolongera jusqu’en 2018.
Terminator Genisys, réalisé par Alan Taylor, avec Arnold Schwarzenegger, Jai Courtney, Emilia Clarke, Jason Clarke. Produit par Skydance, 2h06, 2015.
Par Gérald Sanzo.