Il a une gueule qui marque, un regard comme un poignard, transperçant, sincère, à vif et qui ne ment pas, Francis Renaud. Si vous ne connaissez pas son nom, vous connaissez sans nul doute le faciès de ce gangster d’acteur. Fidèle d’Olivier Marchal, il a débuté sous Lautner, a joué pour Klapisch et a tourné pour le cinéma comme pour le petit écran (où sa présence lui permet dorénavant de jouer les guests). Mais désormais, l’acteur aux 25 ans de carrière veut retourner la caméra, passer derrière et se faire reconnaître.
Alors qu’il vient de réaliser un moyen-métrage volontairement fauché et « found footé », Francis Renaud est déjà sur un autre projet de réalisation, même si son actualité d’acteur ne désemplit pas. Jamais avare de coups de gueule, il a côtoyé faussaires et faux airs, ceux du cinéma que le spectateur ne voit pas, mais aussi ceux de la vie réelle, les mêmes qui font mal. Nous avons posé quelques questions à cet acteur-réalisateur attachant et vrai.
Bonjour Francis, tout d’abord, comment allez-vous ?
Très bien,en famille,un peu de repos après le tournage de Section-Zéro en Bulgarie!
Vous revenez (mais étiez-vous réellement parti ?) fourmillant de projets, non ?
J’écris tous les jours en dehors de mon activité principal d' »acteur ». Mais, j’aime l’écriture, le plus dur est de convaincre un producteur…
D’ailleurs, tout seul comme un grand, vous avez réalisé ce court-métrage qui a émergé sur le web, il y a quelques jours, et porte le titre d’Incubus. Comment l’idée vous est-elle venue ?
C’est un moyen -métrage,tourné en deux jours sans rien, aucun moyen, pas de budget, je voulais faire un clin d’oeil à Paranormal activité. Sans prétention.
Francis Renaud, réalisateur
Des moyens dérisoires, de l’impro, du fait-maison, était-ce un pari ? Avez-vous réalisé ce moyen-métrage après un long moment de préparation?
Au contraire, c’est une envie soudaine de tourner tout de suite sur un sujet terrible. Un huis-clos, sans scénario et en suivant le Dogme95!
Vous vous êtes rallié au Dogme95, mouvement créé sous l’égide de Thomas Vinterberg et Lars Von Trier, qu’est-ce encore ? Et pourquoi, cette volonté ?
Oui, aucune contrainte budgétaire, pas de producteur, pas de formatage. Libre, en fait, mais dans un réseau restreint. Pas de Ululle ou Touscoprod pour solliciter de l’argent. C’est une manière de montrer que, seul et sans budget, on peut faire des choses. Et ce, sans arnaquer le public!
D’autant, qu’en plus, vous faites tourner votre femme et votre fille. Plus difficile qu’avec des acteurs moins proches, non ?
Bien au contraire, Jennifer à bien joué le jeu,un rôle pas facile et surtout nous avions qu’une seule prise car je ne voulais pas que son jeu devienne mécanique. Il fallait jouer sur une prise directe. L’action, cette tension qui arrive petit à petit. Cette angoisse, cette peur qui la ronge. Jusqu’au dernier acte où Marion, n’est plus elle même… mais l’entité qui l’a possède!
Est-ce votre maison aussi ?
Oui il s’agit de notre maison, un décor naturel sur place, que j’ai pu exploiter en deux jours. Encore un fois, pas besoin de faire 500 kilomètres pour trouver une maison hantée!
INCUBUS – Un film de Francis Renaud from Francis Renaud on Vimeo.
Ce n’est pas la première fois que vous passez derrière la caméra puisque c’est votre deuxième court-métrage mais que vous avez aussi réalisé un premier long-métrage. Comment êtes-vous arrivé dans la réalisation ?
Après avoir joué dans Parfait-Amour de Catherine Breillat, j’ai réalisé un premier court-métrage dans lequel joue mon ami Guillaume Canet, « OVER-IODE », un huis clos aussi sur la lobotomisation! Un court -métrage qui prend place dans un asile psychiatrique d’où le personnage de Guillaume Canet tente de s’évader…
Comment vous êtes-vous formé à la réalisation ? Le contact avec les réalisateurs fréquentés tout au long de votre carrière d’acteur vous a-t-il aidé ?
Sans doute, la meilleure écolen c’est le plateau,le tournage! Je suis autodidacte j’ai encore beaucoup de chose à apprendre.
Quels sont, s’il y en a, les réalisateurs que vous admirez ?
Besson, Spielberg, Eastwood, Morten Tyldum, Felix Van Groeningen, Sergio Léon, Olivier Marchal, Agnès Merlet, Guillermo del Toro…
Puis, il y a « Marie, Nonna, la vierge et moi », premier long métrage. Comment le tournage de ce film s’était-il passé ? Quels sont vos souvenirs de cette époque ?
Magnifique, 23 jours de tournage, un grand moment après une galère de cinq ans pour trouver une production!
Quel souvenir gardez-vous de la sortie de ce film et de sa réception critique et publique ?
Hormis la diffusion sur Arte et un peu plus de 800.000 spectateurs, la sortie en salle fut une sortie technique; le distributeur de l’époque ayant gardé pour lui l’argent que le CNC m’avait octroyé. Mon film est donc sorti dans 2 salles à Paris dans une totale indifférence. La production a déposé le bilan sur des antécédents majeurs que je ne connaissais pas. Donc j’en garde un très mauvais souvenir car j’y ai perdu mes droits d’auteur et de réalisateur. L’enfer! Puis plus rien, plus de projet comme réalisateur, au placard!
Vous avez bien réessayé, mais il y a eu des projets abandonnés. Comme Le Bruit d’un cœur qui tremble, évocation audacieuse de la vie de Rimbaud qui n’a pas trouvé un contexte favorable de production. Une douleur pour vous ? De la rancœur ?
De la déception,aujourd’hui certains producteurs formatent!
Depuis, vous ne cachez pas votre méfiance, et même votre rancune, à l’égard des plateformes de financements participatifs. Avez-vous cru, à un certain moment, que ces plateformes étaient utiles ? Vous en êtes revenu ?
J’ai pu rencontrer Touscoprod lors d’une réunion chez mon agent à Paris, un tour de table qui ne m’a pas convaincu. Encore une belle supercherie, une arnaque: aucun retour sur investissement, rien! Et ils empochent 10% alors que ce sont des gens X ou Y qui financent les projets! On marche sur la tête…
Du coup, voilà que « Marie, Nonna, la vierge et moi » (qui était introuvable, si je ne m’abuse) ressort de manière inattendue sur Viméo. Le but : donner à voir ce film aux cinéphiles et permettre le financement du prochain. Expliquez-nous ?
Oui en le louant ou en l’achetant, ils vont participer à financer l’écriture de mon prochain long-métrage, « SOUS-SILENCE ». C’est un thriller entre Prisoners de Denis Villeneuve et Reservoir Dogs de Quantin Tarantino!
Même manière de procéder qu’avec Incubus ou retour à une réalisation « plus traditionnelle » ?
Rien à voir, une réalisation nerveuse, rapide, qui bouscule les codes et renverse certaines traditions classiques pour capter d’avantage et trouver une autre manière encore de filmer!
Francis Renaud, Acteur
Bien sûr, la réalisation occupe (pour le moment) une place mineure dans la filmographie colossale des films que vous avez tourné en tant qu’acteur. Quel est votre regard sur ces 25 premières années de carrière ?
J’ai beaucoup de chance de pouvoir exercer un métier incroyable! Parfois cruel car je n’aime pas la compétition. Mais, j’adore la performance. On avance entre le hasard et l’arrogance de certains qui s’invente un talent qu’ils n’ont pas, juste un pouvoir!
Comment êtes-vous devenu acteur ?
Un rêve de gosse afin d’échapper au pire!
Votre plus belle expérience d’acteur ?
L’Affaire Villemin! On s’est battus et donnés à fond pour réhabiliter Christine et cette histoire horrible! Mais sinon 36 quai des Orfèvres, Mutants, Je, François Villon, La Commune, La Mentale, Scorpion, Joueuse…
Comment entrez-vous dans un rôle ?
Surtout, pas en trichant mais en donnant vie au personnage que j’interprète!
Vous avez tourné avec quelques grands (Lautner, Breillat, Klapisch, Olivier Marchal forcément, Boukhrief, Michele Placido…), de quelle(s) expérience(s) êtes-vous le plus fier ?
Ma rencontre avec Olivier Marchal. À chaque moment, quelle intensité incroyable. C’était être sur le fil avec du panache et de l’amour, du respect, de la générosité, des dialogues, des situations, une confiance réciproque!
Il y a eu des coups durs aussi ?
Oui, les castings bidon, l’abus de pouvoir, la tricherie, l’hypocrisie et l’arrogance font bon mariage dans ce milieu. Mais, il y a aussi des gens extraordinaires, des rencontres de rêves, des instants magiques, de l’émotion…
Vous ne cachez jamais vos coups de gueule, quand un film vous semble raté ou sur les difficultés à financer un film (comme ce passage devant vous n’allez pas par quatre chemins et vous le dites. Quelles sont vos plus mauvaises expériences ?
« Aux yeux de tous » & »Parfait-Amour » mais aussi « Je François Villon,poète et assassin » pour France2…
Dire ce que vous pensez vous a parfois joué des tours ?
Oui et encore aujourd’hui!
Si l’on vous a souvent vu dans des polars et des films de gangsters, votre filmographie est riche de films dans des genres très variés. Dans quel registre, vous plaisez-vous le plus ?
Du moment que le projet m’excite et m’éloigne de mon quotidien pour y trouver une sorte d’évasion, je dirais « aucun »! Si le scénario est bon, c’est encore mieux!
Un mot (ou plus) sur Olivier Marchal ?
Le boss, véritablement, un réalisateur qui me surprend à chaque fois par son émotion, son audace et son côté authentique. Ses histoires, ses films, sa fidélité constante et son talent!
Beaucoup d’acteurs sont vite cloisonnés dans le monde de la télé et des téléfilms (avec des difficultés, sauf rares exemples, à passer sur le grand écran), comment l’expliquez-vous ? Vous, vous avez toujours réussi de passer de l’un à l’autre, non ?
J’essaye,mais je fais le même métier pour la télévision que pour le cinéma, je joue et je me donne à fond pour le spectateur, le public qu’il soit devant un petit ou un grand écran!
En regard de votre filmographie, j’ai quand même l’impression qu’il manque un grand (premier) rôle à la hauteur de votre talent. Ça vous trotte dans la tête ?
Non,plus aujourd’hui. À une époque sans doute mais aujourd’hui ce qui me manque le plus c’est la réalisation!
Francis Renaud, artiste sur tous les fronts
On aurait tort de résumer votre talent artistique uniquement au cinéma. Il y a aussi l’homme de théâtre, le sculpteur, le peintre, le designer. La question se pose, où trouvez-vous le temps de concrétisez tout ça ?
Je profite de chaque instant, explorer, vivre toujours plus loin, toujours plus vite!
Comment s’est éveillée votre passion pour l’art ?
Depuis mon enfance, avec les couleurs, la peinture, le dessin.
Une passion déjà présente dès votre enfance, donc ?
Tout à fait, comme une fenêtre ouverte sur la liberté.
D’ailleurs, vos jeunes années du côté de Thionville, vous nous en parlez un peu ?
Pas terrible,mon père est mort lorsque j’avais 4 ans, foudroyé par un cancer à l’âge de 25 ans. Ce sont mes grands-parents paternels qui m’ont élevé avec amour et tendresse… jusqu’à mes 7 ans. Après quoi, ma mère est réapparue au bras d’un homme plus âgé qu’elle et nous avons du quitter, malheureusement, Thionville…
Vous indiquez sur votre page facebook, habiter Saturn au Texas, vous portez le rêve américain en vous ?
Oui, James Dean a été pour moi un volcan, une tornade, je me suis accroché à lui pour croire en mon rêve d’acteur. Ça peu paraître stupide mais il ne m’a jamais trahi, il a toujours été là pour moi. Et, un jour, je l’ai laissé s’envoler pour aller ailleurs afin que je puisse surtout exister moi-même!
Enfin, quels sont vos projets ?
Dans l’immédiat, Section-Zéro d’Olivier Marchal (ndlr. avec Ola Rapace, Tchéky Karyo et Pascal Greggory), une série de 8 x 52 pour Canal+. Une chance de trop réalisé par François Velle pour TF1 (NDLR. d’après Harlan Coben, avec Alexandra Lamy, Pascal Elbé, Lionel Abelansky, Lionel Astier, Hippolyte Girardot et… la Desperate Housewife Dana Delamy).
Ensuite, à la rentrée, le tournage d’un premier long-métrage, L’Araignée Rouge de Franck Fiorino. La Traque d’Alexandre Bustillo et Julien Maury. J’attends aussi la diffusion de L’Affaire Stavisky réalisé par Claude-Michel Rome que France2 devrait diffuser, enfin j’espère.
Et plus largement, élever mes enfants, trouver des projets, jouer, vivre aller encore plus haut et toujours plus loin.
Merci beaucoup, Francis Renaud!
Merci à vous, vive le cinéma, la culture, l’émotion, le rêve.
Propos recueillis par Alexis Seny.
Vous pouvez soutenir le prochain film de Francis Renaud, Sous-Silence, en vous faisant un plaisir de cinéphile et en regardant son tout premier (et seul à ce jour) long-métrage: Marie, Nonna, la vierge et moi.
Francis Renaud a aussi sa page fan sur Facebook.
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