La French (Cédric Jimenez, 2015)

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Dans les années 1970, la croisade du juge Pierre Michel pour démanteler la French Connection, pègre qui produisait une héroïne pure à 98 % et l’exportait aux Etats-Unis, faisant de véritables ravages.

Je ne suis allé voir ce film que tout dernièrement et je dois dire que ce fut une très belle surprise. Si la campagne promotionnelle était prometteuse, je ne m’attendais pas à l’apprécier autant. Ce n’est que la deuxième réalisation de Cédric Jimenez (Aux yeux de tous), très nettement supérieure à la première. Autant dire qu’il s’agit d’un nom à suivre.

J’avais une crainte : que le film ne respecte pas les faits sur certains points cruciaux et fasse par exemple de Gaëtan Zampa le commanditaire du meurtre de Pierre Michel. Ce n’est heureusement pas le cas : on assiste vers la fin à une conversation des vrais coupables. Pour information, la cours d’assises d’Aix-en-Provence a condamné en 1988 François Girard (commanditaire), Homère Filippi (commanditaire), Charles Alitiéri (conducteur de la moto) et François Checchi (gâchette) pour le meurtre en question. Il ne me semble pas qu’ils aient été cités dans le film mais j’imagine qu’il s’agit bien d’eux. Zampa semble à la fin porter le chapeau (la réalité est plus nuancée, bien qu’il se soit suicidé en prison).La french Gouix

Cet assassinat ne constitue pas le sujet du film, lequel se définit plutôt comme une reconstitution du milieu marseillais de l’époque, ses boîtes de nuit, ses laboratoires avec ses chimistes, ses voitures embarquées dans les ports… A ce point de vue, c’est une réussite absolue. On suit d’une part la gestion de Zampa en France comme aux USA, où il écoule sa drogue, et d’autre part l’enquête du juge, la découverte musclée de labos, les arrestations multiples de membres de la pègre (j’ai lu quelque part qu’il y en aurait eu en tout plus de 500), la fréquentation des boîtes pour se rapprocher de l’ennemi. Tout cela avec la collaboration d’alliés  – John Cusack de la DEA, représenté, je crois, par Gene Hackman dans les French Connection de William Friedkin et John Frankenheimer – et l’opposition de policiers corrompus. Cette enquête hors normes finit par nuire à la vie de famille du juge, absorbé par son combat sans fin.

La french LelloucheCôté détails, on retrouve avec bonheur des noms connus (John Cusack, Lucien Aimé-Blanc…) ou des anecdotes avérées (le juge qui transmet aux policiers des mandats d’arrêt en blanc …à ces derniers de choisir les noms !). Les intérieurs comportent certains appareils et éléments de décoration d’époque, et le tout s’ancre dans « la Grande Histoire » via l’élection présidentielle de François Mitterand par exemple (avec images d’archives authentiques).

Pour coller le plus possible à la réalité, Cédric Jimenez s’est documenté et a pris conseil auprès des magistrats qui ont côtoyé le juge Michel. Jean Dujardin y est impeccable, de même que Gilles Lellouche, qui campe un Zampa froid et extrêmement violent. Dans la tradition des bons polars des années 1970, bon nombre de rôles secondaires marquent le spectateur tant ils sont typés. Il faut aussi noter qu’ils sont soigneusement attribués : Mélanie Doutey, Benoït Magimel, Feodor Atkine entre autres. La bande-originale regorge, elle, de standards de l’époque (Ces bottes sont faites pour marcher, Cambodia Call Me,…).

Au niveau de la réalisation, la caméra à l’épaule La french Douteyapporte une bonne dose d’immersion et de nervosité dans les scènes d’action (je pense en particulier à la prise d’assaut d’un labo de drogue), en plus d’octroyer plus de liberté aux acteurs par rapport aux cadrages (ce que louait Jean Dujardin dans une interview sur le film). Par ailleurs, il ne m’a pas semblé que ces scènes sombraient dans la désastreuse manie du surdécoupage (ce qui est un peu trop souvent la tendance aujourd’hui, quand on n’y ajoute pas la shaky cam, pour encore plus de plaisir). Bien qu’il y ait quelques longueurs (certains plans, voire certaines scènes), j’ai l’impression que celles-ci servent à poser le film et à nous rapprocher davantage des protagonistes. En tous les cas je n’ai pas vu le temps passer. La lumière marseillaise baigne le métrage tout du long et contraste avec la noirceur du propos. J’en suis ressorti avec une légère impression d’avoir voyagé et pris le soleil (ce qui, chez nous, ne se refusera pas).

Je ne peux que vous conseiller vivement d’aller le voir si ce n’est encore fait (et tant qu’il est encore dans les salles), non seulement parce qu’il rend hommage au combat du juge Michel (sans magnifier les truands) mais aussi parce qu’il s’agit d’un policier français d’excellente facture. Mon seul regret est de ne pas en voir plus souvent de cette qualité-là.

La french obscurité

Ci-dessous, vous trouverez, en plus de la bande-annonce, deux émissions de « Faites entrer l’accusé », sur l’assassinat du juge Michel et sur la French Connection. Les regarder avant de voir le film n’est pas inutile.

La French, de Cédric Jimenez, avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Mélanie Doutey, Céline Sallette, Benoît Magimel, Guillaume Gouix. 2h15. Distribué par Gaumont, 2014.

Par Gérald Sanzo.

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