« Et puis, c’est la clameur. Atom entre dans la salle qui se lève comme un seul homme, celui qui serait le plus grand amoureux du cinéma. Atom Egoyan va s’installer au siège 11I, le centre parfait de la salle, la place du héros célébré. Célébré d’ailleurs durant tout le générique de Captives, durant lequel les applaudissements ne cessent, pour acclamer l’entièreté du casting (Ryan Reynolds, Scott Speedman, Rosario Dawson, Kévin Durand…). Un casting d’exception pour un film glaçant et terriblement efficace. »
Car si Captives marque le grand retour de l’habitué réalisateur canadien (De beaux lendemains, grand prix en 1997, Adoration, prix du jury œcuménique en 2008) dans la compétition azuréenne, son film en vaut la peine. Captives est le pendant de Prisoners (LE thriller de l’année 2013 signé Denis Villeneuve avec Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal), version prédateur du web : huit ans après son enlèvement, Cassandra semble toujours être en vie. La police a trouvé des preuves qui redonnent du courage aux parents, Matthew (Ryan Reynolds) et Tina (Mireille Enos), dont le couple a explosé sous le poids de la tristesse et du drame. Matthew est le dernier à avoir vu sa fille vivante, il est même soupçonné au vu de ses antécédents. Détruit, il se vouera corps et âme pour retrouver Cass.
De ce synopsis, Egoyan prend le parti de ne pas situer l’intrigue sur la recherche du ravisseur. Dès le premier plan, et sans aucun doute, la caméra met en valeur l’enleveur d’enfant (Kévin Durand formidable dans un rôle de dingue). Non, le sujet n’est pas là; le regard est plutôt porté sur tout le processus et les ruses employées à faire tomber ce réseau de trafic d’enfants génialement organisé. Au plus près de la colère des parents, mais presque complice des criminels aussi, la caméra d’Egoyan donne compassion aux spectateurs et les entraîne émotionnellement dans son film. Rythmé, le film ne manque pas non plus de créativité au niveau de la mise en scène et du montage. Atom Egoyan crée son histoire avec une manière qui lui est bien propre, un peu iconoclaste et surtout déconstructrice, en alternant les flashback et les flash forward parfois imprévisibles, un vrai puzzle. Mais sans jamais perdre son spectateur, ce qui est remarquable. Mais ce que le film réussit le mieux, au final, c’est de faire naître quatre véritables acteurs jusque-là sous-exploités. Ryan Reynolds, en père courage et combatif, est très juste dans sa composition (bien loin de ce qu’il nous avait fait connaître de lui).Rosario Dawson, le body sexy de Sin City, donne corps, cette fois, à l’émotion et à l’épaisseur de son rôle dramatique de directrice de cellule spécialisée dans la recherche d’enfant. Son compère inspecteur, Scott Speedman, l’invulnérable monstre mi-garou mi-vampire d’Underworld, ressuscite enfin. Mais la plus grande performance reste celle de Kévin Durand, absolument succulent dans son rôle de doux pervers sans cœur. Le quadra canadien, habitué aux seconds rôles, trouve enfin un rôle marquant et glacial.
Côté défaite, le film ne réussit pas à dépasser l’excellent Prisoners, sorti il y a quelques mois et qui donnait un coup de massue au cinéma. On ne peut donc pas en vouloir à Captives de succomber sous cette écrasante comparaison. Mais le bât blesse surtout par la mise en musique du thriller. La musique de Mychael Danna (fidèle d’Egoyan et oscarisé pour sa B.O. de l’Odyssée de Pi) est écrasante, plombante et surtout, rajoute du mélo et de la dramatisation à un film qui n’en avait pas besoin. À part cet aspect, Captives se montre plutôt convaincant dans sa haute tension.
3,5/5