Avec les Diablitos, Derycke met les Diables Rouges sur les bancs de… l’école

Ça y est! Marc Wilmots a enfin levé le voile et le suspense sur sa sélection de Diables Rouges en vue de l’Euro. Les valeurs sûres sont bien entendu bien présentes: Thibaut, Eden, Marouane et les autres. Mais quitte à amener un peu de légèreté à l’heure où la préparation va devenir intense, le journaliste et désormais scénariste Jean Derycke s’est allié à l’excellent Bercovici pour emmener tout ce beau monde dans la cour de l’adolescence et de la récréation. Ça s’appelle Les Diablitos, c’est tout public et ça tient moins du foot et des Diables que de Titeuf et Cédric. Rencontre avec Jean Derycke, en prélude à l’avant-première de ce samedi au magasin Atomik Strip d’Andenne.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Eden Hazard capitaine

Bonjour Jean. Comment êtes-vous arrivé dans cette aventure des Diablitos?

Au départ, le dessinateur de cet album d’humour ne devait pas être Philippe Bercovici mais Pad’R. Il avait collaboré il y a quelques années au journal L’Avenir. Époque à laquelle nous créions un petit cartoon par semaine dans le supplément des sports. Cela nous avait donné envie de réaliser un plus gros projet, un jour. Et ce jour-là est arrivé quand Pad’R m’a téléphoné avec cette idée en tête: dessiner les diables enfants, très petits. Il m’avait envoyé quelques croquis. Le projet a évolué, et finalement nous sommes partis sur une série de gags sur des Diables pré-ados, ados. On a imaginé un univers, on a rassemblé les gamins dans une cour d’école, jouant au foot. Les Diables rouges faisaient office de base, mais tout le reste était imaginaire.

Malheureusement, Pad’R n’a pas pu continuer pour des raisons professionnelles et Thierry Taburiaux, des éditions Joker, m’a proposé de travailler avec Bercovici qui n’était pas un étranger des éditions Joker et des séries sur le foot et les Diables Rouges. Ce ne fut pas évident de continuer sans Pad’R mais j’ai relevé le défi. Et quel plaisir pour un premier album de pouvoir bosser avec des pros et avec quelqu’un d’aussi doué et reconnu dans le milieu que Bercovici. Mais l’impulsion, ce fut Pad’R, je le remercie chaleureusement.

Les Diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Creation case 3

C’est votre premier album. Mais, du coup, faire de la BD, était-ce une idée qui te trottait dans la tête depuis un moment?

C’est la première fois que je touche à la bande dessinée telle quelle. Si ce n’est que, quand j’avais 17-18 ans, j’avais créé un fanzine avec deux camarades de secondaire à Louvain-la-Neuve. Ça s’appelait le « Comicaze », il n’a duré que deux numéros car ce n’était pas évident. On se retrouvait pour élaborer des scénarios de dessins uniques mais aussi de l’une ou l’autre planche de BD. Nous travaillions toute une nuit là-dessus et au petit matin nous allions imprimer dans les grands stands de photocopies. On le vendait en rue, 40 francs belges à l’époque. On avait recruté quelques vendeurs et vendeuses. Le premier numéro s’était écoulé à 500 exemplaires, le deuxième à 300. C’était la toute première fois que je m’investissais dans la bande dessinée. Je venais de terminer « Bête et méchant » de Cavanna, qui expliquait la création de Hara-Kiri. Une lecture qui m’avait donné des ailes.

Depuis, je n’y avais plus vraiment retouché. Mais ça m’a toujours démangé et attiré, d’autant que je suis un grand consommateur de BD’s en tout genre, du manga au comics en passant par toute la bande dessinée franco-belge. Sans oublier l’humour et les productions de Fluide Glacial. J’avais une grosse sensibilité et des idées qui ne s’étaient jamais vraiment concrétisées jusqu’ici. C’est donc une première et un vrai rêve de gosse qui se réalise.

Et justement, d’où vous vient cette passion pour la BD?

Par filiation! Il y a toujours eu des BD’s chez moi quand j’étais môme. Mon père était un grand amateur aussi. Surtout les westerns, Durango, Blueberry. Mais aussi Tintin, puis j’étais abonné à Spirou Magazine. Et, moi qui ne savais pas dessiner – déjà même quand j’écris manuscritement, c’est dégueulasse (rires) –  j’ai nourri une admiration pour les dessinateurs. Je trouvais ça fabuleux. Une ou deux fois par an, je vais à une dédicace, et je suis toujours à deux doigts de la pâmoison quand je vois un artiste qui parvient à mettre de la vie sur le papier. Bercovici, quand je le vois dessiner, il est impressionnant. Avec une vitesse phénoménale, il arrive à sortir de la vie sous ses crayons. Et pendant la création de l’album, chaque fois que je recevais une planche, je m’extasiais. Non, résolument, une passion, ça ne s’explique pas.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Kompany

Et que trouve-t-on parmi vos bandes dessinées de chevet?

C’est très difficile à dire. Je suis un grand fan d’Hermann. Je pense que si je partais sur une île déserte, j’emporterais la collection des Jeremiah. Je ne pourrais pas m’en séparer, je les lis depuis que je suis gamin. Plus récemment, il y a des coups de cœur comme le Zaï Zaï Zaï de Fabcaro, un road-movie complètement absurde. J’aime beaucoup Tronchet aussi. Je suis très éclectique et les Durango de l’époque me semblent toujours aussi fabuleux.

Au niveau du scénario des Diablitos, comment vous y êtes-vous pris?

D’abord je pense à une situation amusante. Une fois que tu as ça, c’est bien, mais tu n’as encore rien. Il faut essayer de construire un court récit, avec un début et une fin qui soit une chute marrante. En tant que lecteur je suis parfois frustré de voir des situations amusantes mal utilisées et sans réelle chute en fin de compte. C’est ça le plus compliqué, en fait. Certaines idées coulent de source – comme des articles qui se font en une respiration -, mais d’autres idées sont à creuser. Il faut trouver les bons ressorts, à la fois scénaristiques et comiques. Une fois que l’idée est mûrie, ça peut prendre trente minutes comme deux heures. Sans compter la maturation.

Quant à l’inspiration, elle vient d’abord des Diables Rouges, et de la transposition imaginaire de leur caractère dans des situations imaginaires. Pour le reste, j’ai surtout utilisé des souvenirs d’enfance mais également de ce que me rapporte mes filles de la cour de récré de leur école. J’aurais même bien voulu mettre cette école d’Haillot dans la BD, mais elle était trop champêtre. Et l’école des Diablitos est plutôt urbaine. Il fallait du passage, que ça colle au quotidien des Diables qui étaient à Bruxelles, Liège et ailleurs.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Filles

Avec un travail sur des gags d’une ou deux pages.

Le but était que ce soit nerveux, rythmé, sur maximum deux planches. Je ne voulais pas partir dans des récits plus longs dans lesquels l’idée de base se délie. Enfin, j’ai l’impression d’avoir évité ça. On verra quels sont les retours. En tout cas, l’idée n’est pas de surfer sur la vague de l’Euro 2016 et de s’inscrire dans une licence, dans un simple produit de consommation comme le drapeau, la casquette ou la trompette. Dans les Diablitos, ll y a un vrai travail d’auteur et de création derrière. Nous ne voulions pas céder à l’opportunisme, c’est construit et ça dépasse la portée du ballon rond.

Pour vous qui êtes journaliste, est-ce facile de passer au scénario de BD? N’a-t-on pas tendance à écrire de trop?

Dès le début, je connaissais le but du jeu. Ce n’est certes pas évident de se retrouver dans des canevas d’une ou deux planches. Il faut trouver le bon déroulé. Mais je n’ai pas commencé à écrire des tartines en sachant que ça ne rentrerait pas dans une planche de 6 à 9 cases maximum. Dans mon scénario, je décrivais les cases, en fonction de leur grandeur et de leur contenu. Et Bercovici, qui doit avoir plus d’une centaine de BDs à son actif, remettait tous à sa sauce. Avec lui, j’ai appris au fur et à mesure à ne pas être trop directif. Il avait ma confiance et toutes les libertés pour mettre ça en musique.

Vous vous connaissiez personnellement?

Non, pas du tout. Je l’avais rencontré l’une ou l’autre fois en festival de BD, mais ça s’arrêtait là. On s’est très vite entendu. Et quand je lui ai soumis mon scénario, il m’a dit: « Bon, je n’ai plus qu’à dessiner ». Ça ‘a fait plaisir, car ne sachant même pas storyboarder ou dessiner un petit bonhomme, tout ce que j’exprimais ne passait que par le texte. Et à ma grande surprise, il m’a dit que la plupart de ses scénaristes travaillaient de cette manière. En rédigeant, j’imaginais son dessin, ça augmente la complicité artistique.

Mais la cohérence reste au collectif, à l’union, vous n’avez pas individualisé les Diables.

Le football sert vraiment de toile de fond. C’est le principe de la BD, mais elle ne parle pas de foot. Ce sont des gamins qui jouent dans la cour, qui font des bêtises, qui ont des mauvaises notes, perturbent les cours en classe ou vont à la piscine. Le vrai propos n’est pas dans le foot, il s’adresse à tous qu’on aime ou pas le foot. Et même qu’on connaisse les Diables ou non. Ceux qui connaissent trouveront un bonus dans une lecture à deux niveaux avec des petits clins d’oeil, mais les autres n’en seront pas perturbés. D’ailleurs la BD sera distribuée en France où l’univers des Diables est méconnu. C’est une bande dessinée grand public, qui s’adresse selon l’idée générale aux personnes de 7 à 77 ans. Voire même un peu plus, au vu de l’allongement de la population.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Piscine

Puis, vous invitez quelques guests aussi comme Maestra la cousine éloignée d’un chanteur formidable ou Marc Wilmots.

Ce sont des clins d’oeil. Le professeur principal, spécialisé dans les maths est incarné par George Leekens, Monsieur Couteau. Il y a le fameux Monsieur Dickie, le voisin qui ne supporte pas que le ballon des enfants atterrisse dans son jardin de tulipes, dont le modèle est l’ancien coach fédéral néerlandais, Dick Advocaat. Il possède un gros chien méchant, un berger batave, espèce qui n’existe pas dans la vie réelle, on a fait un croisement. Il lâche son chien sur le ballon ou les pantalons des gamins. Mais, de nouveau, pour ceux qui ne les connaissent pas spécialement, ça passe.Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Personnages

Votre vocation de journaliste, comment est-elle venue?

Par l’écriture. J’aimais bien écrire et rédigé. J’ai fait des stages au Rappel de Charleroi. J’ai commencé à collaboré. Comme j’aimais bien le foot et le sport, les choses se sont fait toutes seules. J’aurais pu écrire sur tous les sujets mais j’ai trouvé mon truc tout de suite: l’adrénaline, travailler au quotidien plutôt que de faire un travail de plus longue haleine. Le travail dans l’urgence me plaît.

Ce qui n’est pas vraiment le cas pour une BD!

Les premiers essais ont eu lieu il y a un an et demi. Donc, là, pour le coup, ce fut un travail de plus longue haleine. Tout en jouant sur des gags, des petits scénarios brefs et immédiats. Ce qui va avec mon caractère.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Poursuite chien

J’imagine que c’est le début d’une série, qu’il y a possibilité d’autres tomes.

C’est en discussion, on verra comment le premier opus est reçu. Il est marqué « tome 1 » sur la couverture, donc ça risque d’en appeler d’autres. Mais rien n’est encore en gestation. En tout cas, ce premier tome sera aussi traduit en néerlandais. Il voyagera de l’autre côté de la frontière linguistique, je suis curieux de voir quel accueil sera réservé aux « Duiveltjes » dans cette région où la BD est moins présente dans les mœurs.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Neerlandais

Vous avez commencé à publier des extraits sur Facebook, mais avez-vous déjà eu des retours des « vrais » Diables?

Non pas encore. Quand l’album sera paru, j’aurai certainement la possibilité de leur glisser un exemplaire dans les mains. Ils l’auront sous les yeux à un moment ou à un autre. Après, le ton est parfois grinçant, gentiment moqueur. Ce n’est pas lisse, il y a des forts caractères, des caricatures. Ce serait très amusant que dans ces gags totalement imaginaires, certains se retrouvent réellement.

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Recherches premiers croquis

Pour cet album, il y aura en tout cas une grande avant-première à Atomik Strip.

On va aller dédicacer, Bercovici et moi, l’album, une semaine avant sa sortie officielle dans cette librairie d’Andenne. J’y tenais, ce sera la seule occasion pour moi de fêter la parution de l’album. Après, je pars avec les Diables pour leur stage en Suisse, puis l’Euro.

Puis, c’est bien de faire cela là, comme des libraires indépendants et des spécialistes de la BD – bon, il y a les chaînes et les grands magasins, ce qui est très bien aussi -, il ne doit plus y en avoir qu’une dizaine en Wallonie. Ça reste des survivants, des passionnés avec un vrai contact humain. À Atomik Strip, il y a toujours la possibilité de toujours trouver ce qu’on cherche – même quand c’est prétendu introuvable! – mais aussi de faire des découvertes. Il faut soutenir ce genre de librairie.

Merci beaucoup Jean! On vous retrouvera avec plaisir ce samedi 14 mai dès 14h  à Atomik Strip, alors! À lire également, mon article dans L’Avenir.

Et en vidéo:
http://www.rtl.be/videos/page/rtl-video-en-embed/640.aspx?VideoID=581083
Sortie d’une bande dessinée consacrée aux Diables Rouges

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Couverture

Série: Les Diablitos

Tome: 1 – Écolage immédiat

Scénario: Jean Derycke

Dessin et couleurs: Philippe Bercovici

Genre: Humour, Gag

Éditeur: Éditions Joker

Nbre de pages: 48

Prix: 11€

Date de sortie: le 20 mai

Site officiel: www.lesdiablitos.com ou Facebook

Extraits:

Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Pause pipi Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Goal Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - cours de math Leekens Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Recherches premiers croquis Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Oreille cassee Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Personnages Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Creation case 1 Les Diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Creation case 2 Les Diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - Creation case 3 Les diablitos - T1 - Derycke - Bercovici - De Bruyne crayonne

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