Kroma: l’impressionnant Lorenzo De Felici dompte les méga-crocodiles dans un monde de survie partagé entre noir et blanc et couleurs

© Lorenzo de Felici

Révélé en France grâce à des scénaristes comme Brrémaud ou Trondheim (le sous-estimé Infinity 8), Lorenzo De Felici s’est ensuite envolé pour les States avec un acolyte de choc – Robert Kirkman – et un pitch dément – Oblivion Song. Mais, avec Kroma, le projet dont il a accouché tout seul, tant au scénario qu’au dessin et aux couleurs, Lorenzo De Felice met la barre haut, avec des monstres, des fantômes, des survivants, leur tyran, des boucs émissaires et si peu de couleurs que tout en devient explosif. 

Résumé de Kroma par les éditions Delcourt : Emprisonnée dans une tour à l’intérieur des murs de la ville pâle, Kroma vit totalement dans l’obscurité, croyant qu’elle est la créature la plus maléfique qui soit. Cependant, là où son peuple ne voit qu’un monstre, le jeune et mystérieux orphelin Zet voit un être humain. Mais s’ils veulent survivre aux étranges rituels de la ville, ils devront surmonter le cruel destin de Kroma… quitte à risquer une mort certaine.

© Lorenzo de Felici

Lorenzo De Felici, c’est un style hors-norme qui n’appartient qu’à lui. Il a le goût et le sens du spectacle, mais pas que. Avec ses ondulations, cette manière de faire sortir les yeux des têtes, de vampiriser ses personnages, de les rendre un peu freak et de les mettre toujours aux aguets, Lorenzo De Felice a ce don pour matérialiser l’intranquillité.

© Lorenzo de felici chez Delcourt

Celle-ci est poussée à son paroxysme dans le monde, la cité pâle aux portes d’une forêt infernale, inventé par cet auteur qu’on découvre plus que jamais complet. Quand on parle des forces de la BD, on peut évidemment souligner l’inépuisable liberté de découpage qu’elle permet, la juxtaposition d’images et de sensations fortes, cette manière de jouer sur les formes des phylactères et même la taille des mots, des onomatopées, les suspenses de fin de planche et le contrôle donné au lecteur sur le rythme auquel il dévore ou savoure le récit. Puis, il y a le jeu de couleurs à expérimenter.

© Lorenzo de Felici
© Lorenzo de Felici
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C’est ce qui a branché Lorenzo De Felice pour créer le problème, sans doute retourné dans tous les sens pour le laisser sans faille, des personnages en sursis qu’il nous présente. On ne sait pas trop depuis combien de temps, ils se sont refugiés là dans cette forteresse qui tente, tant bien que mal, de les protéger du dehors. Suffisamment longtemps pour qu’ils soient désormais incolores, gris, entre noir et blanc face à l’extérieur haut en couleur. Suffisamment longtemps pour qu’ils deviennent fous ou qu’ils confient leur destin à des puissances qui les dépassent, des dieux, des rites. C’est de la mort et sa proximité que naissent bien des croyances. À commencer par ce jour de gloire qui voit ces survivants simuler la mise à mort d’une des bêtes horrifiantes qui les hantent: des méga-crocodiles. Oui, dit comme ça, ça fait série z, crocodilexploitation, et pourtant, Lorenzo De Felici a une vraie démarche d’auteur, le sens du spectacle qui agite l’esprit.

© Lorenzo de Felici

Quand on parle de survivant, cela va dans les deux sens. Il se pourrait bien qu’il y ait dans la cité pâle, des âmes suffisamment différentes de leurs pairs, devenus violents et aveugles sous les ordres de leur guide, que pour tenter leur chance dans l’inconnu. Kroma et Zet sont ceux-là, seuls contre tous, doublement, les citoyens à qui ils viennent de fausser compagnie et les monstres qui les attendent dehors et qu’il va falloir déjouer, voire dompter.

© Lorenzo de Felici

C’est un plongeon dans l’inconnu que nous offre le brillant Italien ici, une lutte intense entre le black&white et les couleurs, dont le lecteur se trouve dans l’incertitude quant à savoir ce qui va gagner. De Felici invente de manière grandiose et intelligence sa grammaire et sa mythologie, avec des rebondissements, des incertitudes, des visions, des explosions de violence et des rencontres incertaines. Kroma a ici la bible pour faire une série en dix tomes, des spin-off, des jeux de rôle… mais il concentre son effort sur 200 planches impressionnantes. Et ce n’est pas plus mal pour en faire son chef-d’oeuvre, qui a eu besoin de plusieurs années de réflexion, de reprises en main, pour naître. C’est peut-être aussi ce qui le rend inépuisable et encourage à une seconde lecture.

© Lorenzo de felici chez Delcourt

À lire chez Delcourt.

Preview:

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