Avec In Memoriam et Vermines: une dream team de bédéaste pour partager les mondes, les renverser et les faire halluciner

© Salvia/Djet chez Dupuis

Six ans après nous avoir fait trembler et mis une sacrée baffe, inoubliable, avec le diptyque Croquemitaine, le duo composé de Mathieu Salvia et Djet, entraînant un autre fantastique en la personne de Johann Corgié, crée un monde dantesque. In Memoriam de Salvia et Djet, Vermines de Salvia et Corgié, deux histoires indépendantes et qui pourraient pourtant se relier au-delà des easter eggs cachés dans les pages bonus. Sacrée incursion dans des univers forts et périlleux.

© Salvia/Corgié chez Dupuis

Résumé du tome 1 d’In Memoriam par Dupuis : Paris est en ruines. De la capitale mondiale des Arts et de la Sorcellerie, il ne reste désormais plus rien. Il a suffi d’une nuit pour qu’une déflagration d’origine inconnue balaie non seulement les immeubles haussmanniens, les statues centenaires et les bâtiments historiques, mais également la connexion liant les sorciers à la magie. C’était il y a quelques mois. Depuis, la vie reprend lentement son cours au milieu des décombres, des sortilèges défectueux et des avis de recherche placardés par centaines. Autrefois intouchables, les sorciers sont désormais la cible de toutes les persécutions. Accusés par l’opinion publique d’être à l’origine de la catastrophe, pourchassés par le gouvernement, ceux qui n’ont pas encore fui le pays sont contraints à la clandestinité. C’est dans ce climat tendu et incertain que le destin de Manon, jeune policière d’une vingtaine d’années, va croiser celui d’Adam, ancien sorcier au passé trouble. Alors que tout les oppose, ce duo dysfonctionnel va devoir unir ses forces pour retrouver une petite fille égarée dans les rues dévastées de Paris, à la recherche de ses souvenirs. Une petite fille poursuivie par deux assassins immortels. Une petite fille dont les pouvoirs semblent avoir été épargnés par la catastrophe, et qui pourrait bien détenir les réponses à toutes leurs questions.

Résumé du tome 1 de Vermines par Dupuis : À sa mort, un membre du gang du 3rd Ward de la Nouvelle-Orléans se réveille au sein des « Coulisses de la Réalité », un monde caché parmi le nôtre dans lequel évoluent monstres, sorcières et gardiens chargés de « veiller » sur nous depuis la nuit de temps. Déterminé à retrouver sa famille et sa vie, Marcus Garner va se trouver contraint de collaborer avec Grey, une créature monstrueuse créée de toutes pièces par de mystérieuses sorcières vivant recluses dans le bayou.

Sur les deux couvertures, très graphiques, très attirantes (comme des aimants) et encastrantes, le titre claque, frontal et conditionnant déjà le lecteur. Dans des décors déjà vus, le scénariste-avocat (du diable, dans ses bandes dessinées) Mathieu Salvia aime manifestement se retourner la tête et les méninges pour détourner les codes et mettre sa marque, user de légendes urbaines, avant même que le dessinateur n’intervienne. C’est brut de décoffrage et à la fois intelligemment joué. Dans In Memoriam, c’est un peu Harry Potter, ou Les animaux fantastiques plutôt, en inversé. Du côté des humains dans un Paris qui est le Tchernobyl de la magie.

© Salvia/Djet chez Dupuis

Car celle-ci a une fin et qu’elle a été marquée dans un éclair, une déflagration puissante (on peut compter sur Djet pour faire sentir l’onde de choc sur nos rétines, jusque dans notre fauteuil). Depuis Paris n’est plus la même ville lumière et la magie ou son ersatz n’a pas dit son numéro. Il en reste des artefacts et des zones contaminées, des no man’s land. Où il faut parfois se résoudre à s’aventurer, par exemple quand on est limière et qu’on n’a pas encore fait le deuil de faire le bien et d’aller au bout de son enquête. Et, comme dans la vraie vie, les flics ont leurs indics, pourquoi Manon n’aurait-elle pas besoin d’un ancien représentant de l’autre monde, qui était partagé mais que nos « moldus » ne veulent résolument plus partager. Pourtant, parfois, entre la peste et le choléra… C’est un fait, Adam n’est pas le pire.

© Salvia/Djet chez Dupuis

In Memoriam, c’est une histoire qui crée la surprise à chaque page, à chaque personnage dont on ne sait s’il va marquer ou pas le récit. C’est transcendant, avec la patte d’un Djet complètement habité (comme souvent) par son univers et son histoire, des onomatopées qui font trembler le 4e mur, et un style incisif, ultra-dynamique mais qui peut parfois être très découpé pour utiliser à fond le langage BD. Ici dans les figures héroïques comme les antagonistes, complètement déglingués, tous sont charismatiques et ça renforce ce train d’enfer dont on ne connaît le terminus mais qui nous met tout le temps la tête à l’envers puis à l’endroit. Un sacré roller-coaster electro.

© Salvia/Djet chez Dupuis

Autre monde partagé, celui de Vermines, encore plus fou que son jumeau (on verra si on peut les relier plus loin que le running gag, dans le cahier bonus). Pourtant, tout commence au pied d’un gigantesque arbre, de manière assez inspirante, à la frontière du jour et de la nuit. Le calme avant la tempête, à la Nouvelle-Orléans, cette fois, avec un taux de criminalité explosif. Mais, manifestement, pas de magie, pas de sorts. Quand on meurt, on ne ressuscite pas. C’est ce qui fait que même les truands les plus mortifères ont peur de la mort. Une balle ne pardonne pas.

© Salvia/Corgié chez Dupuis

Mais en attendant de se la prendre, on peut crâner et tenter de gruger les autres gangs.

© Salvia/Corgié chez Dupuis

On laisse l’electro, on passe plutôt au rap, au hip-hop, dans cette revisite sacrément burnée des mythes du bayou. Cela ressemble à rien de connu. Encore moins pour notre héros Marcus qui va passer d’un monde de blaxploitation à un western d’héroïc fantasy. Mort mais avec peut-être la possibilité de revenir, sait-on jamais qu’il arrive à sortir plus vif que mort de l’épopée monstrueuse que le coquin de sort lui a promise. Si c’est un purgatoire, c’en est un drôle. Avec des créatures toutes plus intenses les unes que les autres. Hallucinantes, et gore parfois.

© Salvia/Corgié chez Dupuis
© Salvia/Corgié chez Dupuis

Pouah, Salvia donne à son allié Johann Corgié, qu’on a souvent vu comme coloriste sur les albums dessinés par d’autres, une carte de visite complètement fun et baroque. Entre deux ambiances diamétralement opposées, avec lesquelles le dessinateur jongle à merveille, et à faire peur. C’est complètement dingue. On a l’impression que, sous psychotropes, les auteurs ont laissé leur imagination déborder sans jamais la laisser se noyer. C’est couillu, assumé mais ça se tient dans une démonstration de fantastique, de violence et de what the fuck. Les limites sont repoussées.

À lire chez Dupuis et chez Dupuis. Le tome 2 d’In Memoriam arrive en octobre.

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