Des barreaux, de la misère, un rapport de force entre détenus et matons et toujours un formidable besoin d’évasion, les huis-clos carcéraux sont toujours de bonnes occasions de raconter des histoires maintes fois prisées au cinéma mais aussi en BD, bien au-delà des Dalton et de Bobo. La preuve avec deux albums, un comics et une BD franco-belge, très différents et pourtant liés par ces quatre murs où tout peut se passer. De la Terre à la Lune… ou plutôt à Mars.


Résumé de l’éditeur de Kennel Block Blues : Oliver est un bon chien. Un chien de famille. Mais du jour au lendemain, il est incarcéré au chenil de Jackson State, où il est immédiatement placé dans le couloir de la mort avec les autres détenus. Il va lui falloir de l’aide pour s’échapper du chenil mais, face au stress et à la violence, il commence à fuir la réalité, imaginant un monde de fantaisie avec des amis de cartoons. Il est maintenant temps de s’évader…

Résumé de l’éditeur pour On Mars : Jasmine Stenford est en route pour Mars, condamnée aux travaux forcés, en compagnie de milliers d’autres prisonniers. Être condamnée à la prison en l’an 2132, c’est un aller simple dans les camps de travail de Mars assuré. Sans espoir de retour. Comme tous les prisonniers arrivant sur cette planète, on lui greffe un implant respiratoire facial qui lui permettra de respirer à l’air libre, en attendant que l’atmosphère martienne soit suffisamment transformée pour que les humains puissent un jour s’en passer.

Chienne de vie ! Avant d’entrer par la petite porte au chenil d’État de Jackson, Oliver n’avait pas trop à se plaindre. Depuis, tout a bien changé, et Oliver doit se faire sa place dans ce monde de grillage auquel il n’était en rien préparé, lui, le chien de famille bonhomme et gavé de délicatesse et de friandises multicolores. En plus, dans ce monde sans pitié, s’il faut faire preuve d’entraide pour garder la tête haute, c’est plutôt la haine, la guerre et la rivalité de gang qui règne… entre chiens et chats.

Dans Kennel Block Blues, Ryan Ferrier, Daniel Bayliss et Adam Metcalfe jouent les Lafontaine des temps modernes et carcéraux pour proposer une manière inédite de concevoir la prison : une fable animalière croisée avec une comédie musicale (et si on était sceptique, force est de constater que ça marche vraiment bien en BD) cartoonesque « premier âge », pop et coloré (et ne devant laisser aucun présage de la tragédie qui se joue… tu parles !).

Il fallait oser et ne pas se tromper dans le dosage pour que la réalité carcérale coïncide avec la part de rêve imaginé, qu’elles se fondent l’une dans l’autre. Ça tombe bien, le trio y arrive de manière surprenante puisant dans des références (le fameux logo looney tunesque, « That’s all folks) mais inventant surtout leurs propres codes et langages pour cette symphonie majeure en mode (délit) mineur.

Se la jouant Maus (de loin quand même hein, on n’est pas dans le même registre) pour alléger le carnage et la dureté de cet univers, dans les méandres de l’âme brisée, les trois auteurs livrent une saga en un tome manquant parfois d’un peu de fluidité mais ne sacrifiant rien à l’expression artistique d’un monde qui, s’il punit les méchants, aurait dû évoluer depuis très longtemps. Qu’on soit chien ou humain.

Et d’humains – ou plutôt sont-ce des numéros ? – il en est question également dans le premier tome (ce sera a priori une trilogie) d’On Mars de Sylvain Runberg et Grun. Des hommes et des femmes à qui un monde nouveau a été promis sur Mars, un monde… de labeur et d’esclavage.

Un pénitencier bien loin des préoccupations des terriens au-dessus de tout soupçon mais dans lequel Jasmine va se retrouver bien malgré elle. Elle qu’on imagine plutôt du côté de l’ordre dans sa vie antérieure et qui, pour on ne sait quelle raison au début de cet album, se retrouve au pays des truands et des petites frappes, des défilés et des carrières martiennes. C’est le choc des civilisations, l’esclavage dont un Maximus ou un Spartacus ont essayé de se défaire, il y a des siècles.

Une colonie ? Tu penses ? Un enfer technologique dont il sera bien difficile de s’affranchir car il ne s’agit pas de sauter un mur cerné de barbelé pour s’évader mais bien de s’enfuir à la nage dans un océan spatial à six mois de la terre. Alors, dans un premier temps, il s’agit de se résoudre à obéir, entre chiens, loups, caméras de surveillance et la secte syncrétique d’un gourou pas si bon que ça. Sans compter le fait que Jasmine reste une femme, aussi forte soit-elle, dans un monde d’hommes dont le travail d’acharné n’a pas toujours calmé les pulsions.

Une injection et c’est bon, nous sommes prêts pour notre périple martien, guidés par Sylvain Runberg et Grun. D’emblée, les deux auteurs choisissent l’immersion à l’explication. On a aucune carte dans notre main de lecteur-explorateur et ce sera à nous de faire notre chemin dans ce monde dur comme la pierre qui doit être dégagée chaque jour par nos bagnards futuristes. Les clés de compréhension viendront plus tard, petit à petit et c’est à tâtons dans les pas de Jasmine que nous découvrons ce monde radical.

D’ailleurs, il faut se méfier de tout et les premiers « amis » (ou plutôt compagnons de chaînes) qu’elle se fera ne seront pas forcément les mieux lunés. L’univers de Runberg et Grun est en expansion, en a sous le pied et les cohortes de ses travailleurs-pionniers, c’est ce qui en fait l’impact et le mystère. Un beau et grand mystère que Grun trace habilement, maniant les ambiances et exploitant dans tous ses détails un paysage qui aurait pu être plat et redondant, mais qui gagne, du ciel aux cavités, en importance planche après planche. Et dire qu’on a encore vu que des hommes (et des drones, c’est vrai)… Mars se révélera-t-elle habitée par d’autres espèces ?

Titre : Kennel Block Blues
Récit complet
Scénario : Ryan Ferrier
Dessin : Daniel Bayliss
Couleurs : Adam Metcalfe
Traduction : Nicolas Meylaender
Genre : Drame, Aventure, Psychologique, Comédie musicale
Éditeur VF : Ankama
Éditeur VO : BOOM! Studios
Nbre de pages : 104
Prix : 14,90€
Date de sortie : le 15/09/2017
Extraits :
Titre : On Mars
Tome : 1 – Un monde nouveau
Scénario : Sylvain Runberg
Dessin et couleurs : Grun
Genre : Anticipation, Science-fiction
Éditeur : Daniel Maghen
Nbre de pages : 80 (dont cahier graphique)
Prix : 16€
Date de sortie : le 31/08/2017
Extraits :